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Réécriture de l’œuvre d’Agatha Christie : « On ouvre une boîte de Pandore »

Réécriture de l’œuvre d’Agatha Christie : « On ouvre une boîte de Pandore »

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  Jusqu’où la réécriture de l’œuvre d’Agatha Christie ira-t-elle ? Inlassablement, les romans de la reine du crime, disparue il y a près de 50 ans, reviennent dans l’actualité avec leurs rééditions et autres coups de rabots littéraires. En 2020, c’est son œuvre la plus lue, Dix Petits Nègres, publiée en 1940, qui faisait les gros titres, après qu’elle fut rebaptisée Ils étaient dix (version française), à la demande de son arrière-petit-fils, l’écrivain James Prichard, et afin de ne pas « blesser » les lecteurs.Revisitées aussi, les versions anglaises de ses romans d’enquêtes Hercule Poirot et Miss Marple, respectivement publiées en 1920 et 1930, après « examen par un comité de lecture » soucieux de ce que les descriptions de certains personnages étrangers soient retirées ou modifiées.À LIRE AUSSIRéécriture de Roald Dahl : « Le droit est favorable aux wokes »La dernière annonce, en date de ce 18 avril, est encore imprécise, mais fait état de « révisions », concernant les termes jugés offensants sur le physique ou l’origine des personnages, des « traductions françaises » des livres de la romancière. En vue de « s’aligner sur les autres éditions internationales » et à la demande d’Agatha Christie Limited – la société gérant l’œuvre de l’écrivaine –, précisent les éditions du Masque (groupe Hachette) à l’AFP.« Micro-agressions »Une initiative dont, avant la romancière, d’autres écrivains britanniques ont fait les frais, à l’image de Ian Fleming, l’auteur de James Bond, ou de Roald Dahl, dont les versions originales de Charlie et la chocolaterie ou James et la grosse pêche étaient récemment expurgées de toute référence au poids, à la santé mentale et aux considérations raciales.À LIRE AUSSILionel Shriver : « Les woke sont majoritaires dans l’édition »Où Gallimard s’engageait, en février dernier, à ne pas toucher aux versions françaises de l’œuvre de ce dernier, le cas de Christie – bientôt « révisée », donc – interpelle. « Il témoigne d’un glissement des problématiques du monde anglo-saxon vers la France », commente le docteur en philosophie et auteur de Malaise dans la langue française (éditions du Cerf, 2022) Sami Biasoni.Outre « le vieux sujet de l’hégémonie culturelle qu’elles soulèvent [la ligne de défense de l’éditeur français exposant qu’il s’aligne sur les éditions internationales, NDLR], ces rééditions témoignent de la logique, encore peu présente dans l’Hexagone, d’un continuum de la violence, dans lequel s’inscrit ce que l’on pourrait qualifier de micro-agressions sémantiques », précise ainsi l’essayiste.EngrenageUne initiative qui en dit long sur l’évolution de nos « crispations », observe-t-il par ailleurs : le débat autour du titre des Dix Petits Nègres, terme à forte connotation, « peut encore s’entendre et éventuellement aboutir à une forme de consensus », mais « on assiste depuis peu à une radicalisation des revendications ». Ainsi, « des mots issus du langage courant, à l’aune de nouvelles interprétations néoprogressistes et par effet de tentatives de captation de la part de minorités identitaires, ne sont plus recevables et même des adjectifs d’une banalité confondante deviennent des motifs symboliques d’affrontement ».À LIRE AUSSICe que la purge de Roald Dahl nous dit de l’éthique artistique« Une boîte de Pandore » où « toute la langue peut devenir suspecte », alerte le docteur en philosophie, inquiet de ce que les éditeurs français ne prennent, eux aussi, le virage de cet exercice empruntant à la cancel culture. Déjà en 2021, les versions françaises de Martine (Casterman), du Club des cinq et d’Alice détective (Hachette) se voyaient-elles retoquées sous prétexte de devoir être « en phase avec leur époque ».« Les revendications évoluant perpétuellement, mettre le doigt dans l’engrenage de la réécriture est dangereux, prévient à ce titre Sami Biasoni. Le risque, à terme, est celui d’un nihilisme radical vis-à-vis de la langue. » Et, pour l’heure, de lire des textes n’ayant plus grand-chose à voir avec les œuvres originales… 

Jusqu’où la réécriture de l’œuvre d’Agatha Christie ira-t-elle ? Inlassablement, les romans de la reine du crime, disparue il y a près de 50 ans, reviennent dans l’actualité avec leurs rééditions et autres coups de rabots littéraires. En 2020, c’est son œuvre la plus lue, Dix Petits Nègres, publiée en 1940, qui faisait les gros titres, après qu’elle fut rebaptisée Ils étaient dix (version française), à la demande de son arrière-petit-fils, l’écrivain James Prichard, et afin de ne pas « blesser » les lecteurs.

Revisitées aussi, les versions anglaises de ses romans d’enquêtes Hercule Poirot et Miss Marple, respectivement publiées en 1920 et 1930, après « examen par un comité de lecture » soucieux de ce que les descriptions de certains personnages étrangers soient retirées ou modifiées.

À LIRE AUSSIRéécriture de Roald Dahl : « Le droit est favorable aux wokes »

La dernière annonce, en date de ce 18 avril, est encore imprécise, mais fait état de « révisions », concernant les termes jugés offensants sur le physique ou l’origine des personnages, des « traductions françaises » des livres de la romancière. En vue de « s’aligner sur les autres éditions internationales » et à la demande d’Agatha Christie Limited – la société gérant l’œuvre de l’écrivaine –, précisent les éditions du Masque (groupe Hachette) à l’AFP.

« Micro-agressions »

Une initiative dont, avant la romancière, d’autres écrivains britanniques ont fait les frais, à l’image de Ian Fleming, l’auteur de James Bond, ou de Roald Dahl, dont les versions originales de Charlie et la chocolaterie ou James et la grosse pêche étaient récemment expurgées de toute référence au poids, à la santé mentale et aux considérations raciales.

À LIRE AUSSILionel Shriver : « Les woke sont majoritaires dans l’édition »

Gallimard s’engageait, en février dernier, à ne pas toucher aux versions françaises de l’œuvre de ce dernier, le cas de Christie – bientôt « révisée », donc – interpelle. « Il témoigne d’un glissement des problématiques du monde anglo-saxon vers la France », commente le docteur en philosophie et auteur de Malaise dans la langue française (éditions du Cerf, 2022) Sami Biasoni.

Outre « le vieux sujet de l’hégémonie culturelle qu’elles soulèvent [la ligne de défense de l’éditeur français exposant qu’il s’aligne sur les éditions internationales, NDLR], ces rééditions témoignent de la logique, encore peu présente dans l’Hexagone, d’un continuum de la violence, dans lequel s’inscrit ce que l’on pourrait qualifier de micro-agressions sémantiques », précise ainsi l’essayiste.

Engrenage

Une initiative qui en dit long sur l’évolution de nos « crispations », observe-t-il par ailleurs : le débat autour du titre des Dix Petits Nègres, terme à forte connotation, « peut encore s’entendre et éventuellement aboutir à une forme de consensus », mais « on assiste depuis peu à une radicalisation des revendications ». Ainsi, « des mots issus du langage courant, à l’aune de nouvelles interprétations néoprogressistes et par effet de tentatives de captation de la part de minorités identitaires, ne sont plus recevables et même des adjectifs d’une banalité confondante deviennent des motifs symboliques d’affrontement ».

À LIRE AUSSICe que la purge de Roald Dahl nous dit de l’éthique artistique

« Une boîte de Pandore » où « toute la langue peut devenir suspecte », alerte le docteur en philosophie, inquiet de ce que les éditeurs français ne prennent, eux aussi, le virage de cet exercice empruntant à la cancel culture. Déjà en 2021, les versions françaises de Martine (Casterman), du Club des cinq et d’Alice détective (Hachette) se voyaient-elles retoquées sous prétexte de devoir être « en phase avec leur époque ».

« Les revendications évoluant perpétuellement, mettre le doigt dans l’engrenage de la réécriture est dangereux, prévient à ce titre Sami Biasoni. Le risque, à terme, est celui d’un nihilisme radical vis-à-vis de la langue. » Et, pour l’heure, de lire des textes n’ayant plus grand-chose à voir avec les œuvres originales…

 

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