Restitutions, l’importance du dialogue : épisode 2/5 du podcast L’Art est le musée

Restitutions, l’importance du dialogue : épisode 2/5 du podcast L’Art est le musée

Collectif

Tribune des observateurs

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Restitutions, l’importance du dialogue : épisode 2/5 du podcast L’Art est le musée

Read More  En 2018, le président de la République, Emmanuel Macron, à la suite de son allocution à Ouagoudougou à l’automne 2017, a commandé à deux universitaires, Bénédicte Savoy, professeure d’histoire de l’art à l’université technique de Berlin, et Felwin Sarr, écrivain et économiste sénégalais, de conduire un rapport sur les conditions de restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique.
Le rapport Sarr-Savoy a mis en évidence la singularité du cas africain ainsi que des recommandations adaptées à ce seul cas précis. Les deux auteurs ont insisté sur la nécessité de mettre en œuvre des restitutions dans tous les cas, malheureusement fréquents, d’obtention violente ou belliqueuse de ces œuvres d’art. Ils ont également insisté sur la nécessité de travailler l’histoire de ces œuvres, de reconstituer leur mémoire, de leur redonner vie dans un contexte, souvent, aujourd’hui disparu ou oublié. La restitution effective en 2021 par l’Etat français au Bénin, à la demande du pays africain, de 26 œuvres du trésor royal d’Abomey s’est inscrite à la suite de ce rapport.
Anne-Solène Rolland « Il s’agissait de la première restitution d’objets à la suite du discours du président de la République à Ouagadougou. […] Le Parlement a été sollicité par le gouvernement puisque le droit français protège le patrimoine public : il fallait donc passer par une loi pour sortir ces biens des collections nationales. Cette restitution s’est faite dans un cadre de dialogue constant, à la fois au niveau du dialogue politique et au niveau des professionnels du patrimoine. »
Malick Ndiaye « Au regard de tout ce qui a été pillé et spolié durant de longues années, les 26 pièces semblent être une goutte d’eau dans la mer. Mais il faut saluer cela et il faut saluer également la volonté de voir les choses de manière positive, à savoir que cette restitution soit le prétexte d’une collaboration au niveau de l’institution muséale. »
Pour parler de ces demandes de restitutions, des réponses apportées, mais aussi plus largement des liens entre musées français et musées africains, Dominique de Font-Réaulx, conservateur général au musée du Louvre, productrice de la série  » L’Art est le musée « , reçoit, pour ce deuxième épisode, Anne-Solène Rolland, directrice des collections du musée du Quai-Branly Jacques Chirac, ancienne cheffe de service des musées de France, et El Hadji Malick N’Diaye, directeur du musée Théodore Monod à Dakar, commissaire de la Biennale de Dakar.
Malick Ndiaye « Le premier effet [des spoliations], c’est ce sentiment fort de dépossession d’un patrimoine riche et ancien. Parce que lorsqu’un patrimoine est parti, à la place, il y a eu des fantômes, voire un vide total qui peut être moral, intellectuel, mais physique avant tout*. Car ce patrimoine là servait à des cultes, à des rites et à faire fonctionner l’équilibre social, naturel et spirituel des communautés. »
Malick Ndiaye « Aujourd’hui, dans nos universités, nous avons des étudiants et des chercheurs qui auraient pu bénéficier de la présence de ces objets s’ils étaient sur le continent. Et cela aurait permis à beaucoup de disciplines, y compris l’histoire de l’art, de mieux se développer. »
41 min

Anne-Solène Rolland « Nous faisons notre histoire et devons ainsi être en capacité de raconter les provenances de nos collections, mais plus largement de la biographie des objets, des contextes intellectuels, politiques et sociétaux dans lesquels les différentes étapes de nos institutions se sont inscrites. Et c’est très important de ne pas le faire seul, de le faire avec des universitaires, mais aussi de le faire avec les pays avec lesquels nous travaillons. »
Malick Ndiaye « Il est important de revenir sur l’histoire pour connecter ces fragments avec le monde en marche […]. Et c’est la raison pour laquelle, au Musée Théodore Monod, on a institué en 2016 un programme qui s’appelle Création patrimoine. […]  L’idée est que le patrimoine n’est pas une chose du passé. Et le valoriser passe donc également par une monstration de la permanence des matériaux utilisés pour donner corps à ce patrimoine : le tissu, le bois, le fer… [Matériaux] encore utilisés par des artistes contemporains qui produisent de nouvelles œuvres sur la base de ce que les anciens ont déjà fait. »
« The Wrestlers » : exposition de l’artiste Louis Barthelemy au Musée Théodore Monod – Louis Barthelemy
Malick Ndiaye « Pour nous, raconter l’histoire des musées, c’est un petit peu subvertir cette histoire, la déballer et la rendre transparente. Exposer les objets à côté des archives et raconter de nouvelles histoires, mais surtout – et c’est la raison pour laquelle nous collaborons avec l’art contemporain – créer de nouvelles archives. »
Anne-Solène Rolland « Quand Senghor parle de la civilisation de l’universel, c’est bien cette idée d’un universel latéral au sens d’un universel qui n’est pas un universel vu de l’Occident. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons donné ce sous titre Réinventer l’universel à l’exposition que nous consacrons à Senghor. Et c’est la profonde vocation de l’exposition que de nous rappeler que plusieurs universels sont possibles. »
Pour aller plus loinA visionner, le très beau documentaire de Nora Philippe, diffusé sur Arte Tv (Octobre 2021), Restituer ? L’Afrique en quête de ses chefs-d’œuvre. (disponible via la chaîne You tube de la RTS – Radio Télévision  Suisse). A lire, l’article en référence à ce documentaire, par Harry Bellet, publié sur le site Le Monde.fr, le 28 octobre 2021. Et aussi, celui publié sur Télérama.fr, par François Ekchajzer. Et aussi, le colloque Museotopia (vidéos de toutes les interventions disponibles via ce lien), au Collège de France, le 11 juin 2019, journée organisée par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, avec, notamment, leur conférence de conclusion, Réflexions sur l’avenir des musées en Afrique (7) (Chaîne You Tube du Collège de France). A regarder aussi, deux vidéos, Restitution des objets d’art africains : où en est-on ? – Août 2022 (Chaîne You Tube AJ+ français) et Felwine Sarr : « La restitution des oeuvres africaines n’est pas un geste du prince » – Novembre 2019 (Chaîne You Tube, Le Monde Afrique). ➢ A propos d’Anne-Solène Rolland
➢ A propos de Malick Ndiaye
Quelques références citéesExtraits musicaux 

En 2018, le président de la République, Emmanuel Macron, à la suite de son allocution à Ouagoudougou à l’automne 2017, a commandé à deux universitaires, Bénédicte Savoy, professeure d’histoire de l’art à l’université technique de Berlin, et Felwin Sarr, écrivain et économiste sénégalais, de conduire un rapport sur les conditions de restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique.

Le rapport Sarr-Savoy a mis en évidence la singularité du cas africain ainsi que des recommandations adaptées à ce seul cas précis. Les deux auteurs ont insisté sur la nécessité de mettre en œuvre des restitutions dans tous les cas, malheureusement fréquents, d’obtention violente ou belliqueuse de ces œuvres d’art. Ils ont également insisté sur la nécessité de travailler l’histoire de ces œuvres, de reconstituer leur mémoire, de leur redonner vie dans un contexte, souvent, aujourd’hui disparu ou oublié. La restitution effective en 2021 par l’Etat français au Bénin, à la demande du pays africain, de 26 œuvres du trésor royal d’Abomey s’est inscrite à la suite de ce rapport.

Anne-Solène Rolland « Il s’agissait de la première restitution d’objets à la suite du discours du président de la République à Ouagadougou. […] Le Parlement a été sollicité par le gouvernement puisque le droit français protège le patrimoine public : il fallait donc passer par une loi pour sortir ces biens des collections nationales. Cette restitution s’est faite dans un cadre de dialogue constant, à la fois au niveau du dialogue politique et au niveau des professionnels du patrimoine. »

Malick Ndiaye « Au regard de tout ce qui a été pillé et spolié durant de longues années, les 26 pièces semblent être une goutte d’eau dans la mer. Mais il faut saluer cela et il faut saluer également la volonté de voir les choses de manière positive, à savoir que cette restitution soit le prétexte d’une collaboration au niveau de l’institution muséale.« 

Pour parler de ces demandes de restitutions, des réponses apportées, mais aussi plus largement des liens entre musées français et musées africains, Dominique de Font-Réaulx, conservateur général au musée du Louvre, productrice de la série «  L’Art est le musée « , reçoit, pour ce deuxième épisode, Anne-Solène Rolland, directrice des collections du musée du Quai-Branly Jacques Chirac, ancienne cheffe de service des musées de France, et El Hadji Malick N’Diaye, directeur du musée Théodore Monod à Dakar, commissaire de la Biennale de Dakar.

Malick Ndiaye « Le premier effet [des spoliations], c’est ce sentiment fort de dépossession d’un patrimoine riche et ancien. Parce que lorsqu’un patrimoine est parti, à la place, il y a eu des fantômes, voire un vide total qui peut être moral, intellectuel, mais physique avant tout*. Car ce patrimoine là servait à des cultes, à des rites et à faire fonctionner l’équilibre social, naturel et spirituel des communautés. »

Malick Ndiaye « Aujourd’hui, dans nos universités, nous avons des étudiants et des chercheurs qui auraient pu bénéficier de la présence de ces objets s’ils étaient sur le continent. Et cela aurait permis à beaucoup de disciplines, y compris l’histoire de l’art, de mieux se développer.« 

41 min

Anne-Solène Rolland « Nous faisons notre histoire et devons ainsi être en capacité de raconter les provenances de nos collections, mais plus largement de la biographie des objets, des contextes intellectuels, politiques et sociétaux dans lesquels les différentes étapes de nos institutions se sont inscrites. Et c’est très important de ne pas le faire seul, de le faire avec des universitaires, mais aussi de le faire avec les pays avec lesquels nous travaillons.« 

Malick Ndiaye « Il est important de revenir sur l’histoire pour connecter ces fragments avec le monde en marche […]. Et c’est la raison pour laquelle, au Musée Théodore Monod, on a institué en 2016 un programme qui s’appelle Création patrimoine. […]  L’idée est que le patrimoine n’est pas une chose du passé. Et le valoriser passe donc également par une monstration de la permanence des matériaux utilisés pour donner corps à ce patrimoine : le tissu, le bois, le fer… [Matériaux] encore utilisés par des artistes contemporains qui produisent de nouvelles œuvres sur la base de ce que les anciens ont déjà fait. »

« The Wrestlers » : exposition de l’artiste Louis Barthelemy au Musée Théodore Monod – Louis Barthelemy

Malick Ndiaye « Pour nous, raconter l’histoire des musées, c’est un petit peu subvertir cette histoire, la déballer et la rendre transparente. Exposer les objets à côté des archives et raconter de nouvelles histoires, mais surtout – et c’est la raison pour laquelle nous collaborons avec l’art contemporain – créer de nouvelles archives. »

Anne-Solène Rolland « Quand Senghor parle de la civilisation de l’universel, c’est bien cette idée d’un universel latéral au sens d’un universel qui n’est pas un universel vu de l’Occident. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons donné ce sous titre Réinventer l’universel à l’exposition que nous consacrons à Senghor. Et c’est la profonde vocation de l’exposition que de nous rappeler que plusieurs universels sont possibles. »

Pour aller plus loin

A visionner, le très beau documentaire de Nora Philippe, diffusé sur Arte Tv (Octobre 2021), Restituer ? L’Afrique en quête de ses chefs-d’œuvre. (disponible via la chaîne You tube de la RTS – Radio Télévision  Suisse). A lire, l’article en référence à ce documentaire, par Harry Bellet, publié sur le site Le Monde.fr, le 28 octobre 2021. Et aussi, celui publié sur Télérama.fr, par François Ekchajzer. Et aussi, le colloque Museotopia (vidéos de toutes les interventions disponibles via ce lien), au Collège de France, le 11 juin 2019, journée organisée par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, avec, notamment, leur conférence de conclusion, Réflexions sur l’avenir des musées en Afrique (7) (Chaîne You Tube du Collège de France). A regarder aussi, deux vidéos, Restitution des objets d’art africains : où en est-on ? – Août 2022 (Chaîne You Tube AJ+ français) et Felwine Sarr : « La restitution des oeuvres africaines n’est pas un geste du prince » – Novembre 2019 (Chaîne You Tube, Le Monde Afrique).

➢ A propos d’Anne-Solène Rolland

➢ A propos de Malick Ndiaye

Quelques références citées

Extraits musicaux

 

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