Séparatisme(s) à l’Université: quelques faits de discours

Séparatisme(s) à l’Université: quelques faits de discours

Collectif

Tribune des observateurs

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Séparatisme(s) à l’Université: quelques faits de discours

Dans un article paru dans Libération ce jour, M. Noiriel décrit une ligne de crête difficilement tenable. Interrogé sur la question de la loi sur le séparatisme par le journaliste qui écrit: « Une partie de l’intelligentsia française ne [défend] plus l’idée de ce qu’est la France. Etes-vous d’accord ? « , Il répond donc:

« C’est de la pure polémique poli­tique, inutile d’y insister. Toute la difficulté de notre position tient à ce que nous sommes placés sur une ligne de crête entre deux camps : d’un côté, on nous reproche de méconnaître la violence qui est faite aux minorités raciales quand nous mettons en garde contre la survalorisation de la «race» dans l’analyse ­sociologique ; de l’autre, nous sommes récupérés par une forme ­d’universalisme qui tend souvent à sous-estimer les questions de discrimination et de racisme. »

https://www.liberation.fr/idees-et-debats/mettre-systematiquement-laccent-sur-la-race-neglige-les-appartenances-multiples-des-individus-20210203_Z54ALVCCGNCS5PXRZLSYYSECDU/

Pour nous, la question est simple: il y a un enjeu de science, et la science ne se résume pas à « comprendre des faits de société ».

Faits de discours

Offre d’emploi à l’Université:

« La Maison des Sciences de l’Homme et de la Société (MSHS-T) et son  antenne à Ut1 Capitole recrute une, un, jeune chercheure, chercheur  junior, temporaire à la croisée des sciences sociales et des « digital/computational studies » (niveau postdoctoral) pour une période de 12 mois pour aider à produire, mettre en œuvre et évaluer un outil destiné  à réguler les discours de haine en ligne dans le cadre du projet interdisciplinaire dénommé Hatemeter.  Ce poste fait partie d’un projet européen visant à développer un outil pour surveiller, analyser et combattre la haine anti-musulmane » 

http://www.cnrs.fr/infoslabos/bourses-postdocs/docs/Hatemeter_offre_post-doc.pdf:

Parce que la « haine » se résume à la seule « haine » contre une religion ?


Thèse : « Mobilisations antiracistes et rapports sociaux en Ile-de-France« 

« On verra ainsi comment les mobilisations antiracistes déclenchées à partir du milieu des années 2000, du fait de militantes et de militants français héritiers de l’immigration (post) coloniale, participent d’une lutte pour l’hégémonie sur la définition du racisme en France : laction collective contribue à produire des intellectuel.le.s, qui produisent de la théorie sur le social. »

http://theses.md.univ-paris-diderot.fr/PICOT_Pauline_2_complete_20190315.pdf 

Le rôle d’un travail universitaire est de « produire des théoriciens du social pour l »hégémonie de la définition du racisme » ?


Article: Un mal français dès les Lumières – La prohibition de lislam – Seloua Luste Boulbina

« Ce despotisme bien-pensant, appelé « République » ou « laïcité », corrélatif de pratiques diffuses de relégation et de discrimination, ne peut exister qu’à la condition que soient éloignés des centres de décision tous ceux qui pourraient s’écarter de ce qui, depuis le début des années 1980, est devenu une norme politique et sociale » 

https://www.cairn.info/revue-multitudes-2015-2-page-61.htm 

No comment: la République ou la laïcité, un despotisme. C’est noté.


Article: La contribution des études postcoloniales et des féminismes du « Sud » à la constitution d’un féminisme renouvelé – Vers la fin de l’occidentalisme ?  – Pierre Lénel (CNAM), Virginie Martin (chercheuse)

« Requérir des migrants une adhésion aux normes et valeurs de la République et un niveau linguistique minimal a contribué à transformer le discours politique sur l’intégration en une machine de construction de frontières ethno-raciales dans la société française. » 

https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2012-1-page-125.htm 

Ok: la langue de l’Institution est LE problème de l’intégration.


Article: Devenir musulman et devenir blanc : la conversion à lislam comme découverte de la blanchité en France et aux Etats-Unis – Juliette Galonnier (sciences po, CERI) 

En raison de la racialisation de l’islam en France et aux Etats-Unis, ceux qui revêtent les signes visibles d’appartenance à l’islam font toutefois l’expérience d’un changement dans la façon dont ils sont perçus racialement : n’étant plus tout à fait catégorisés comme « blancs », ils s’exposent à des formes nouvelles de stigmatisation et de discrimination.  

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02081660/ 

« N’étant plus catégorisés comme blanc, ils souffrent de discrimination » : c’est une affirmation qui demanderait peut-être de la nuance. La « race » n’est peut-être pas le seul vecteur de discrimination envisageable si ?


Article: Les féminismes, le voile et la laïcité à la française – Hourya Bentouhami 

La « nouvelle laïcité » formulée par ce dernier explicite clairement – et paradoxalement – cette reformulation d’une laïcité comme s’inscrivant dans une tradition française, dans un esprit français largement fantasmé puisqu’il aurait pour parangon et vertu centrale l’émancipation des femmes – celle-ci devenant un marqueur d’identité nationale –, et pour lequel le dévoilement du corps des femmes serait le meilleur certificat dauthenticité. » 

https://journals.openedition.org/socio/3471 

« La nouvelle laïcité », c’est la laïcité que vous et moi connaissons. « L’ancienne laïcité », dans l’imaginaire décolonial, c’est la laïcité qui veut que « toutes les religions peuvent partager l’espace public contre les méchants laïcards qui veulent l’interdire ».


Colloque: La condition blanche

Depuis plus d’une dizaine d’années, les travaux sur les processus de racialisation se sont progressivement développés dans les sciences sociales françaises. Or si ces travaux éclairent indirectement le point de vue majoritaire, ils thématisent peu ou de manière limitée la blanchité. Cette journée d’étude vise donc à encourager une réflexion qui prenne pour point d’entrée la question de ce que nous appellerons la condition blanche dans le contexte français. Nous partirons de l’idée développée par les Whiteness Studies que la blanchité est un statut social qui se manifeste par trois modalités principales. D’abord, se penser comme blanc a pour postulat de départ que l’on n’est pas racialisable tout en considérant que les membres d’autres groupes le sont. Cela amène alors parfois à se croire autorisé.e à assigner racialement les membres de ces autres groupes c’est-à-dire à les placer en position subalterne en fondant le geste de hiérarchisation sur l’idée d’une altérité censée être radicale. En contrepoint, se définir comme blanc, c’est aussi considérer que l’on entretient un point de vue neutre et non racialisé sur le monde contrairement aux « autres » qui, eux, seraient irrémédiablement arrimés à une perspective déterminée par leur race. 

https://www.ehess.fr/fr/journ%C3%A9es-d%C3%A9tude/condition-blanche-r%C3%A9flexion-sur-majorit%C3%A9-fran%C3%A7aise 

Combo « race-classe », on vous laisse méditer.


Maquette: Licence de Lettres modernes, Licence d’enseignement), Paris 8: 

« [Le But du cours est] de tirer les leçons pratiques des apports théoriques des gender, racial et de colonial studies dont les travaux ont montré́ la domination du champ épistémologique et artistique par les hommes blancs hétérosexuels » ; et d’ajouter que « partant du constat que le canon construit par l’histoire littéraire silence et invisibilise les auteurs.ices appartenant aux catégories minoritaires ainsi reléguées aux marges de l’espace littéraire », le cours propose un programme de lecture de textes « écrits par des auteurs.ices racis.és.es issu.es de lhistoire coloniale  »

https://litterature-francaise.univ-paris8.fr/IMG/pdf/version_provisoire_avril_2020_brochure_licence_lettres_2020-2021.pdf

Le champ artistique dominé par les hommes blancs hétérosexuels. Prends ça dans ta face Rimbaud, Verlaine, Proust, Villon, Ronsard, Du Bellay, Gide, Senghor, Dumas etc. Licence d’enseignement…


Vous en voulez plus ? Quelques redéfinitions dans les livres de mots-clés


« Émancipation des femmes » –  « Injonction » qui « traduit surtout des préjugés ». « Accrédite une vision européocentrée des cultures allogènes, dont les accents dépréciateurs ont une troublante ressemblance avec les visées civilisatrices de la colonisation ». « Chaque invitation à l’émancipation » ne fait qu’« assigner à une destinée ».

« Mais si le poids de la famille sur les filles d’immigrés fait partie des lieux communs, l’impact de la pression “assimilationniste” est plus rarement admis. Or, selon la sociologue [Nacira Guénif Souilamas], cette injonction traduit surtout des préjugés : elle “accrédite une vision européocentrée des cultures allogènes, dont les accents dépréciateurs ont une troublante ressemblance avec les visées civilisatrices de la colonisation”. De plus, “cette injonction dissimule un rappel insidieux à une différence traitée comme une essence. Dans chaque invitation à l’émancipation, s’inscrit en filigrane le renvoi à la culture dépréciée dont les filles ne parviendraient pas à se défaire”. Exiger des filles d’immigrés qu’elles soient aux avant-postes de l’émancipation et de l’intégration, ce n’est jamais que les assigner à une destinée où le fait d’être femme et d’origine étrangère est perçu comme une condition indépassable… »

(Éric Lamien, « Femmes sous influence », Le Monde des livres, vendredi 18 août 2000, p. 28)

Quel plus beau dépassement de la condition de femme étrangère que de renoncer à l’émancipation ?


« Mariages forcés »: Expression qui trahit « un regard européocentré » : préférer parler de « mariages compromis ». Belle comparaison à établir avec les stratégies matrimoniales « de l’aristocratie française ».

« […] la sociologue Nacira Guénif, spécialiste des jeunes filles d’origine maghrébine […] préfère parler de mariage compromis plutôt que de mariage forcé. Mme Guénif compare volontiers l’attitude des parents immigrés à celle de l’aristocratie française – dans les deux cas, il s’agit de perpétuer un monde menacé. “Parler de mariage forcé, c’est avoir un regard européo-centré, dit-elle, il ne faut pas oublier que ça existait encore en France jusqu’il y a très peu de temps”. Pour la sociologue, “ce n’est pas du repli”, mais une manière “d’exploiter les ressources limitées dont on dispose dans le pays où l’on est”, puisque “un fils, une fille, éduqué en France, revêt une valeur”. Perpétuation du processus migratoire (le conjoint obtient le droit de séjour), respect des alliances entre familles, enjeux de dots, souci de la tradition… Les motivations sont multiples […]. »

(Marie-Pierre Subtil, « Les mariages forcés déchirent des familles issues de l’immigration », Le Monde, lundi 3 avril 2000, p. 8)

« Repli Communautaire » – « Il ne s’agit en rien d’un repli communautaire, mais tout bonnement d’une adaptation. »

« À quoi est dû ce “repli” sur l’espace privé ? Il ne s’agit en rien d’un repli communautaire, mais tout bonnement d’une adaptation, car les moyens institutionnels de l’émancipation sont moins accessibles. Les questions croisées de l’exclusion, du chômage des jeunes, de l’identité ont brouillé les pistes de l’intégration. […] [Les jeunes filles issues de l’immigration] anticipent parfaitement les difficultés professionnelles à venir. En cela, pourtant, elles prouvent qu’elles sont intégrées : elles ont intériorisé les évolutions de la société française et sont conscientes qu’elles n’ont d’autres solutions que de renoncer à certaines choses pour en obtenir d’autres, plus réalisables. »

(Nacira Guénif Souilamas, interview dans Le Monde, mardi 11 mars 1997, p. 12)

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    Soutien à notre collègue Bergeaud-Blackler

    Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse au CNRS, devait donner une conférence à l’Université de Lille sur un sujet brûlant : l’influence des Frères musulmans et l’entrisme islamiste dans certains syndicats et mouvements de gauche. Pourtant, sa conférence a été annulée. Cette décision, prise par le doyen, est un acte politique qui ne dit pas son nom. Une fois de plus, l’université cède aux pressions idéologiques et sacrifie le débat scientifique sur l’autel du conformisme militant.
     
    Cette annulation n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un climat où toute critique de l’islamisme est immédiatement disqualifiée, où ceux qui osent poser des questions sont taxés de “racistes” ou d’“extrême droite”. Dans les sciences sociales, en particulier, la règle tacite est claire : on se soumet ou on dégage. Ceux qui refusent de plier sont mis à l’écart, leurs conférences interdites, leurs noms jetés en pâture à des étudiants dressés à confondre débat intellectuel et offense personnelle.
     
    Comment expliquer que des syndicats, censés défendre la liberté d’expression, se soient transformés en gardiens du dogme ? Pourquoi tant de collègues se taisent, sinon par peur ? Cette lâcheté collective est précisément ce qui permet aux censeurs d’imposer leur loi. Mais il faut le dire : l’Université ne peut pas devenir un espace clos où seuls certains discours sont autorisés.
     
    Face à cette censure, la chercheuse a décidé de maintenir sa conférence, ailleurs s’il le faut. Le débat aura lieu le 5 mars, avec le plus grand nombre possible de participants. Car la lutte contre l’islamisme et ses complicités idéologiques n’est pas une affaire de partis : c’est une question existentielle pour notre démocratie.
    L’Université doit rester un lieu de savoir et d’échange, pas un bastion du sectarisme.