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Tribune: la presse et le dossier Twitter 

Tribune: la presse et le dossier Twitter 

Collectif

Tribune des observateurs

[par Yves Mamou]

Les « Twitter Files » montrent comment Twitter, Facebook, The New York Times, The Washington Post…  ont désinformé sciemment le public américain pour protéger Joe Biden et le parti Démocrate. Aujourd’hui, alors que l’information commence à émerger sur ce scandale d’Etat, Le Monde se mobilise pour discréditer le surgissement de la vérité.

Les « Twitter Files » sont un fascinant exemple du fonctionnement partisan (au sens de désinformation) des médias mainstream. Pour illustrer ce fonctionnement partisan, on analysera ici sur un article du Monde publié le 5 décembre 2022 et intitulé « Que sont les « Twitter Files », ces informations censément compromettantes pour Joe Biden ? ». On aurait pu procéder à la même analyse avec les articles sur les « Twitter Files » publiés par le New York Times ou le Washington Post, les fonctionnements étant les mêmes.

Rappel des faits : première phase, bloquer l’information. Les « Twitter Files » sont des révélations sur les mails qu’ont échangé entre eux, en octobre 2020, les dirigeants du réseau social Twitter pour bloquer la diffusion d’un article du New York Post (NYP) dont le contenu aurait pu être préjudiciable à la candidature de Joe Biden à la présidence des Etats Unis. Cet article du New York Post avait bénéficié de fuites concernant le contenu d’un ordinateur appartenant à Hunter Biden, le fils de Joe Biden. On y apprenait bon nombre de choses sur les affaires douteuses du fils Biden en Ukraine, sur l’influence exercée par Joe Biden pour le bon déroulement des affaires douteuses de son fils, sans parler de photos de sexe et d’affaires de drogue concernant le fils Biden. Les Twitter Files révèlent que la direction de Twitter a étouffé la circulation de l’article du NYP parce qu’elle était préjudiciable à l’élection de Joe Biden.

Pour prendre un exemple français, imaginons que Twitter et Facebook aient empêché les internautes français de partager et commenter les révélations du Canard Enchaîné sur l’emploi fictif de Mme Fillon à la veille de l’élection présidentielle française. Et imaginons que les autres grands médias (Le Monde, le Figaro…) aient refusé de reprendre l’information sur l’emploi fictif de Pénélope Fillon. En d’autres, termes, s’ils avaient pesé sur l’information comme aux Etats Unis, il n’est pas impossible que François Fillon ait été élu président de la République. 

Si l’article du NYP consacré à un ensemble d’informations détonantes (bien plus graves qu’un emploi fictif) en provenance d’un ordinateur en panne appartenant à Hunter Biden avait été laissé libre de circuler sur les réseaux sociaux, et si les autres médias avaient fait leur travail de reprise et de confirmation de l’information,  il n’est pas exclu que la candidature de Joe Biden à la présidence des Etats Unis ait été sérieusement handicapée.

En 2020 donc, l’article du NYP est étouffé. Pas seulement par Twitter, mais par l’ensemble des grands médias américains. Comme l’écrit Le Monde : « la presse américaine avait traité ces documents avec une grande prudence ». Traduction : la censure opérée par Twitter a été menée par les autres grands médias comme le New York Times ou le Washington Post. L’affaire Hunter Biden ayant été étouffée en 2020 et Joe Biden a été élu sans encombre (ou presque).

Puis deux ans se passent. A l’automne 2022, Elon Musk rachète Twitter. La première chose que fait le nouveau propriétaire de Twitter est de licencier l’ensemble de l’équipe de direction, la moitié du personnel et de s’intéresser au comportement du réseau social en 2020, à propos de l’affaire Hunter Biden.

Le 3 décembre 2022, un journaliste américain nommé Matt Taibbi, publie sur Twitter, ce qui portera dans l’Histoire le nom de Twitter Files. Ces Twitter Files mettent à jour la censure explicite opérée par le management de Twitter sur l’article du NYP avant l’élection présidentielle de 2020.

Deuxième phase : discréditer l’information. Le 5 décembre 2022, les Décodeurs du Monde (la police de la pensée du journal du soir) consacrent un article aux Twitter Files. Cet article met en œuvre la deuxième étape de la censure autour de l’affaire Hunter Biden. Puisqu’on ne peut plus empêcher l’information sur l’affaire Hunter Biden de circuler, alors il ne reste plus qu’à la discréditer. C’est ce qu’entreprend l’article des Décodeurs du Monde. Aux Etats Unis, la plupart des grands journaux de la presse écrite ont procédé de même. Voici comment les choses se sont passées en France.

Tout d’abord, Le Monde élabore un titre tendancieux. « Que sont les « Twitter Files », ces informations censément compromettantes pour Joe Biden ? » Le « censément » est là pour jeter d’emblée un doute sur le caractère précisément compromettant de l’information.

Le sous-titre est lui aussi une mise en garde au lecteur. « Elon Musk, le sulfureux nouveau président de Twitter, entend prouver les entraves mises par ses prédécesseurs à la liberté d’expression et au candidat Donald Trump. » Pourquoi « sulfureux » ? Le soufre est l’ingrédient chimique du diable. Les preuves que le diable apporte sentent le soufre. On ne peut donc leur faire confiance. Le Monde est explicite : Elon Musk chercher à prouver (« entend prouver » écrit Le Monde) quelque chose qui est structurellement « sulfureux » donc sujet à caution. En un titre et un sous-titre, la presse castor a fait barrage à l’information gênante.

Le premier paragraphe de l’article du Monde nous informe que « l’actualité du réseau social (Twitter) a été largement dominée par les Twitter Files », mais que cette agitation est le fruit de « supposées révélations ». Pas des révélations, pas des vraies informations, mais de « supposés » informations. Donc, le lecteur du Monde lit un article sur un faux sujet, les Twitter Files.

Dans le second paragraphe de l’article des Décodeurs, on trouve la phrase suivante. « M. Taibbi (le journaliste auteur des Twitter Files) ne précise pas comment il a obtenu ces documents, mais il fait peu de doutes qu’ils lui ont été transmis par M. Musk, qui avait promis de rendre publiques les discussions internes à Twitter sur un certain nombre de sujets. » Depuis quand les journalistes doivent-ils préciser l’origine de leurs informations ? Depuis quand révèlent-ils leurs sources ? Jamais ! Sauf lorsqu’ils reprennent un communiqué officiel. Mais ici, un journaliste (du Monde) demande à un autre journaliste de révéler ses sources, sous peine de nullité de l’information.

Le Monde a-t-il exigé de savoir quelle main anonyme avait remis au Canard le dossier sur l’emploi fictif de Pénélope Fillon ? Il aurait pourtant été bien inspiré de le faire, car cela a changé le cours d’une élection présidentielle.

Le Monde sous-entend que si Elon Musk a fourni à Matt Taibbi les documents – et en effet, qui d’autre aurait pu le faire ? – alors ceux-ci ne vaudraient rien ? Le Monde ne dit pas « les infos publiées par Matt Taibbi sont fausses. » Il dit, l’information vient du « sulfureux » Elon Musk, donc elles sont sujettes à caution. 

 « C’est suspect, Musk y a intérêt » dit Le Monde en substance. Or la question n’est pas de savoir qui a intérêt à quoi – une information gênante sort toujours parce que quelqu’un y a intérêt -, mais si l’information est exacte ou pas.

 La raison avancée par Le Monde pour justifier le blocage de l’article du NYP tient à la crainte « d’une manipulation » des services secrets russes. « Mark Zuckerberg écrit le Monde, le patron de Facebook, a récemment confirmé que ses équipes avaient été alertées, peu de temps auparavant, par le FBI quant à de possibles tentatives de manipulation russes à venir, sans mention spécifique de cette histoire ». Hunter Biden fait des affaires douteuses en Ukraine, en parler nuirait à son père et donc forcément il ne faut pas faire le jeu de Poutine.

En 2022, Le Monde justifie l’étouffement d’un scandale d’Etat par une théorie du complot fausse. Car en 2020, le FBI a ravivé l’idée que Poutine aspirait à faire réélire Trump, tout comme en 2016, le FBI a laissé croire que les Russes avaient joué un rôle dans l’élection de Donald Trump. « A l’époque (en 2020), les grands réseaux sociaux américains craignaient de voir se répéter le scénario de 2016, lorsqu’ils avaient laissé proliférer sur leurs plates-formes diverses théories du complot basées, pour certaines, sur les e-mails dérobés par les services de renseignement russes au comité national du Parti démocrate. »

Le Monde ne rappelle pas qu’une commission Mueller a, remué ciel et terre deux ans durant sans trouver le plus petit début de preuve d’une collusion entre Poutine et Trump.

Toute la suite de l’article des Décodeurs du Monde est en défense de Joe Biden et des Démocrates ainsi que de l’ancienne direction de Twitter. Le Monde affirme que :

–         « Les documents publiés ne contiennent aucun élément sur le fond du dossier Hunter Biden. » C’est vrai, mais tel n’est pas le sujet du travail de Matt Taibbi. Son sujet, c’est l’étouffement en 2020, d’une information vitale pour la démocratie par les réseaux sociaux et les médias.

–         La censure de Twitter n’a pas été totale affirme Le Monde, et Jack Dorsey, ex PDG de Twitter a reconnu (en mars 2021, un an après) que « la suppression automatisée des articles du New York Post avait été « une erreur totale ». Un an après la mise à mort d’un scandale, les auteurs reconnaissent qu’ils ont eu tort. Landru a sans doute reconnu qu’il avait eu tort de trucider ses épouses.

Le Monde affirme que Joe Biden ne peut avoir attenté au Premier amendement de la Constitution américaine en demandant le retrait des tweets du New York Post parce qu’à l’époque, il n’était pas encore président des Etats Unis. Il y a donc eu collusion entre un candidat à la présidence et les médias, mais cette collusion n’est pas un attentat démocratique. 

–         Toute cette affaire n’apporte rien de neuf selon Le Monde et confirme uniquement que le problème vient des modérateurs de Twitter, « la modération de Twitter (étant) connue et décriée pour son caractère souvent illisible, arbitraire et incohérent ». Bref, une affaire d’Etat a été étouffée par les médias avec la complicité de l’Etat profond (FBI, ministère de la justice…) mais tout de remue-ménage repose en réalité sur un problème technique de « modération » sur les réseaux sociaux.

–         Encore un dernier mot pour ceux qui ont eu le courage d’arriver jusqu’à ce point. Les Twitter Files ne sont pas une affaire américaine. L’étouffement de l’information importante, celle qui compte (l’insécurité, l’immigration, l’antisémitisme…) a lieu tous les jours en France par les médias français avec la complicité des institutions françaises. Et tous les jours des individus sont chassés des réseaux sociaux parce que leurs propos ne correspondent pas « aux standards de la communauté », à savoir les canons de la convivialité et du vivre ensemble sur Facebook. 

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