« Vouloir décréter “un islam des Lumières” par le haut relève d’une lourde erreur de diagnostic »

« Vouloir décréter “un islam des Lumières” par le haut relève d’une lourde erreur de diagnostic »

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« Vouloir décréter “un islam des Lumières” par le haut relève d’une lourde erreur de diagnostic »

Read More  Emmanuel Macron lors d’une visite pour l’exposition commémorative du centenaire de la Grande Mosquée de Paris, à Paris, le 19 octobre 2022. LUDOVIC MARIN / AFP Avec La République autoritaire (Le Bord de l’eau, 2022), le maître de conférences à Sciences Po Lyon Haoues Seniguer a choisi un titre volontairement polémique. Mais c’est une question de fond qu’explore, avec méticulosité, ce politiste spécialiste de l’islamisme marocain et des rapports entre islam et politique en France. L’auteur de Les (Néo) Frères musulmans et le nouvel esprit capitaliste. Entre rigorisme moral, cryptocapitalisme et anticapitalisme (Le Bord de l’eau, 2019) et de L’Islamisme décrypté (L’Harmattan, 2020) s’y interroge en effet sur le basculement enclenché à la suite des attentats de 2015, qui a vu la communauté musulmane être, selon lui, mise à l’index par les pouvoirs publics. Sans nier « la réalité d’un extrémisme violent pratiqué au nom de l’islam », il déplore l’émergence, au sommet de l’Etat, d’une « vision dangereuse postulant un continuum entre conservatisme religieux et actions violentes ». L’exécutif restructure actuellement la représentation de l’islam en France autour d’une nouvelle instance lancée début 2022, le Forum de l’islam de France (Forif). Quel est votre regard sur cette entité vouée à prendre la suite du Conseil français du culte musulman (CFCM) ? La représentation des musulmans de France est une question de longue date, puisqu’elle se pose depuis les années 1980-1990. Elle est rendue difficile par la confusion entre la notion de représentation et celle de représentativité : une structure de représentation n’est pas mécaniquement représentative des musulmans de France. Enfin, elle bute toujours sur ce qu’elle représente : sont-ce les lieux de culte ou les écoles théologiques ? Ces rappels posent la complexité d’un enjeu auquel le CFCM, lancé en 2003, a tenté d’apporter une réponse. Mais celle-ci s’est révélée insatisfaisante pour trois raisons : l’institution a été minée par des querelles intestines entre tendances théologiques et entre nationalités ; son mode de gouvernance indexant l’importance de ses membres à la superficie de leurs lieux de culte était problématique ; enfin, cette instance parisienne était coupée de ses antennes régionales (les CRCM [conseils régionaux du culte musulman]), dont l’absence de moyens entravait toute possibilité d’action. Ce déphasage entre une institution jacobine et l’islam du quotidien a conduit à un enlisement du CFCM, malgré un bilan positif sur certaines questions, comme les carrés musulmans dans les cimetières. L’Etat a donc logiquement pris acte de l’échec du CFCM en souhaitant reconstruire une instance de représentation plus souple et en repartant de l’islam des territoires, le tout en imprimant une intention libérale revendiquée par Emmanuel Macron. Il vous reste 82.06% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés. 

Emmanuel Macron lors d’une visite pour l’exposition commémorative du centenaire de la Grande Mosquée de Paris, à Paris, le 19 octobre 2022. LUDOVIC MARIN / AFP

Avec La République autoritaire (Le Bord de l’eau, 2022), le maître de conférences à Sciences Po Lyon Haoues Seniguer a choisi un titre volontairement polémique. Mais c’est une question de fond qu’explore, avec méticulosité, ce politiste spécialiste de l’islamisme marocain et des rapports entre islam et politique en France.

L’auteur de Les (Néo) Frères musulmans et le nouvel esprit capitaliste. Entre rigorisme moral, cryptocapitalisme et anticapitalisme (Le Bord de l’eau, 2019) et de L’Islamisme décrypté (L’Harmattan, 2020) s’y interroge en effet sur le basculement enclenché à la suite des attentats de 2015, qui a vu la communauté musulmane être, selon lui, mise à l’index par les pouvoirs publics. Sans nier « la réalité d’un extrémisme violent pratiqué au nom de l’islam », il déplore l’émergence, au sommet de l’Etat, d’une « vision dangereuse postulant un continuum entre conservatisme religieux et actions violentes ».

L’exécutif restructure actuellement la représentation de l’islam en France autour d’une nouvelle instance lancée début 2022, le Forum de l’islam de France (Forif). Quel est votre regard sur cette entité vouée à prendre la suite du Conseil français du culte musulman (CFCM) ?

La représentation des musulmans de France est une question de longue date, puisqu’elle se pose depuis les années 1980-1990. Elle est rendue difficile par la confusion entre la notion de représentation et celle de représentativité : une structure de représentation n’est pas mécaniquement représentative des musulmans de France. Enfin, elle bute toujours sur ce qu’elle représente : sont-ce les lieux de culte ou les écoles théologiques ?

Ces rappels posent la complexité d’un enjeu auquel le CFCM, lancé en 2003, a tenté d’apporter une réponse. Mais celle-ci s’est révélée insatisfaisante pour trois raisons : l’institution a été minée par des querelles intestines entre tendances théologiques et entre nationalités ; son mode de gouvernance indexant l’importance de ses membres à la superficie de leurs lieux de culte était problématique ; enfin, cette instance parisienne était coupée de ses antennes régionales (les CRCM [conseils régionaux du culte musulman]), dont l’absence de moyens entravait toute possibilité d’action.

Ce déphasage entre une institution jacobine et l’islam du quotidien a conduit à un enlisement du CFCM, malgré un bilan positif sur certaines questions, comme les carrés musulmans dans les cimetières.

L’Etat a donc logiquement pris acte de l’échec du CFCM en souhaitant reconstruire une instance de représentation plus souple et en repartant de l’islam des territoires, le tout en imprimant une intention libérale revendiquée par Emmanuel Macron.

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