Read More Alors que nous venons de fêter le week-end dernier les 10 ans du mariage pour tous, faut-il en conclure que le mouvement queer est en train d’achever son processus de normalisation, trop même peut-être si l’on en croit celles et ceux qui y voient l’émergence d’un nouvel ordre moral ? Il semble pourtant y avoir là un paradoxe si l’on revient au sens premier du mot queer, qui en anglais signifie bizarre, étrange, et paraît donc être associé historiquement, politiquement, socialement à la subversion, aux marges, à une certaine radicalité et au refus des normes. L’actualité c’est aussi l’annulation du concert de Bilal Hassani il y a quelques jours de cela, preuve que certains et certaines voient encore dans la culture queer une menace pour l’ordre social.
Alors comment s’articule le queer et les normes ? Y a-t-il et plus précisément encore faut-il une normativité queer, en quel sens et pourquoi ?
Des espoirs de libérationDans ses travaux, Cornelia Möser s’intéresse aux diverses notions de la sexualité, et aux « espoirs de libérations » auxquelles elles ont été associées. Ainsi, les années 1960 sont marquée par la critique de la répression sexuelle exercée par le capitalisme-bourgeois : il s’agirait alors de « jouir sans entrave » pour faire tomber ce système de domination. Un débat important a également eu lieu au sein du féminisme, avec l’espoir que « les lesbiennes pourraient faire tomber le patriarcat ». Mais cette hypothèse est remise en cause au cours des sex wars : la sexualité n’est pas uniquement « un outil utilisé par les hommes pour exploiter et opprimer les femmes ». Cela peut également « être une source de résistance, de jouissance ». De fait, « exiger le plaisir pour les femmes pourrait aussi être un enjeu féministe ».
L’impasse de l’anti-normativitéComment articuler la pensée queer et le féminisme autour de la question des normes ? Pierre Niedergang remarque en effet que l’une des difficultés du points de vue « anti-normatif », consistant à penser le queer comme « une pure liberté sexuelle » dénuée de toute norme, est son opposition frontale à la démarche féminisme. « La diversité des luttes féministes tente au contraire de modifier, d’inventer de nouvelles normes de la sexualité, qui permettent de penser une sexualité qui fasse moins de violence aux femmes », mais également de créer de « nouveaux imaginaires érotiques », et de « transformer la manière dont on pense le corps ». Au contraire, « qui dit sortir de toute norme de la sexualité dit en réalité faire violence à certaines parties de la population, en l’occurrence, aujourd’hui, les femmes et les enfants ».
L’émission est à écouter dans son entièreté en cliquant sur le haut de la page.
Pour en parlerCornelia Möser : docteure en études de genre, habilitée à diriger des recherches en philosophie et chargée de recherche au CNRS au laboratoire CRESPPA, équipe genre, travail, mobilités à Paris et au Centre Marc Bloch à Berlin.
Elle a notamment publié :
Libérations sexuelles. Une histoire des pensées féministes et queers sur la sexualité, La Découverte, coll. « Sciences humaines », juin 2022. Avec, sans ou contre. Critiques queer/féministes de l’État, Paris : Éditions iXe, « Racine de iXe », novembre 2020. Pierre Niedergang, doctorant en philosophie à l’Université Paris Nanterre, au sein de l’Institut de Recherches Philosophiques. Il rédige, sous la direction de Thierry Hoquet, un travail de thèse intitulé « Le désir sexuel et le pouvoir. Normalisation, normativité, réel ».
Il a notamment publié :
Vers la normativité queer, blast, 2023. Références sonores :Archive de la drag queen Paloma, dans le journal « 6/9 week-end de France inter, août 2022 Archive du discours de Christiane Taubira à l’Assemblée nationale, ancienne Garde des Sceaux et ministre de la justice, le 12 février, 2013 Extrait du film 120 battements par minute, réalisé par Robin Campillo, 2017 Extrait d’un entretien avec Guillaume Dustan dans l’émission « Tout le monde en parle », France 2, 2001 Archive : « Michel Foucault : Histoire de la sexualité, La volonté de savoir », émission « Un après-midi de France Culture », 11 janvier 1977 Extrait d’un entretien avec Bilal Hassani, émission « C à vous », France 5, avril 2023 Chanson de fin d’émission « Let’s have a kiki » des Scissor Sisters Le Pourquoi du comment : PhilosophieToutes les chroniques de Frédéric Worms sont à écouter ici.
Alors que nous venons de fêter le week-end dernier les 10 ans du mariage pour tous, faut-il en conclure que le mouvement queer est en train d’achever son processus de normalisation, trop même peut-être si l’on en croit celles et ceux qui y voient l’émergence d’un nouvel ordre moral ? Il semble pourtant y avoir là un paradoxe si l’on revient au sens premier du mot queer, qui en anglais signifie bizarre, étrange, et paraît donc être associé historiquement, politiquement, socialement à la subversion, aux marges, à une certaine radicalité et au refus des normes. L’actualité c’est aussi l’annulation du concert de Bilal Hassani il y a quelques jours de cela, preuve que certains et certaines voient encore dans la culture queer une menace pour l’ordre social.
Alors comment s’articule le queer et les normes ? Y a-t-il et plus précisément encore faut-il une normativité queer, en quel sens et pourquoi ?
Des espoirs de libération
Dans ses travaux, Cornelia Möser s’intéresse aux diverses notions de la sexualité, et aux « espoirs de libérations » auxquelles elles ont été associées. Ainsi, les années 1960 sont marquée par la critique de la répression sexuelle exercée par le capitalisme-bourgeois : il s’agirait alors de « jouir sans entrave » pour faire tomber ce système de domination. Un débat important a également eu lieu au sein du féminisme, avec l’espoir que « les lesbiennes pourraient faire tomber le patriarcat« . Mais cette hypothèse est remise en cause au cours des sex wars : la sexualité n’est pas uniquement « un outil utilisé par les hommes pour exploiter et opprimer les femmes« . Cela peut également « être une source de résistance, de jouissance« . De fait, « exiger le plaisir pour les femmes pourrait aussi être un enjeu féministe« .
L’impasse de l’anti-normativité
Comment articuler la pensée queer et le féminisme autour de la question des normes ? Pierre Niedergang remarque en effet que l’une des difficultés du points de vue « anti-normatif« , consistant à penser le queer comme « une pure liberté sexuelle » dénuée de toute norme, est son opposition frontale à la démarche féminisme. « La diversité des luttes féministes tente au contraire de modifier, d’inventer de nouvelles normes de la sexualité, qui permettent de penser une sexualité qui fasse moins de violence aux femmes« , mais également de créer de « nouveaux imaginaires érotiques« , et de « transformer la manière dont on pense le corps« . Au contraire, « qui dit sortir de toute norme de la sexualité dit en réalité faire violence à certaines parties de la population, en l’occurrence, aujourd’hui, les femmes et les enfants« .
L’émission est à écouter dans son entièreté en cliquant sur le haut de la page.
Pour en parler
Cornelia Möser : docteure en études de genre, habilitée à diriger des recherches en philosophie et chargée de recherche au CNRS au laboratoire CRESPPA, équipe genre, travail, mobilités à Paris et au Centre Marc Bloch à Berlin.
Elle a notamment publié :
Libérations sexuelles. Une histoire des pensées féministes et queers sur la sexualité, La Découverte, coll. « Sciences humaines », juin 2022. Avec, sans ou contre. Critiques queer/féministes de l’État, Paris : Éditions iXe, « Racine de iXe », novembre 2020.
Pierre Niedergang, doctorant en philosophie à l’Université Paris Nanterre, au sein de l’Institut de Recherches Philosophiques. Il rédige, sous la direction de Thierry Hoquet, un travail de thèse intitulé « Le désir sexuel et le pouvoir. Normalisation, normativité, réel ».
Il a notamment publié :
Vers la normativité queer, blast, 2023.
Références sonores :
Archive de la drag queen Paloma, dans le journal « 6/9 week-end de France inter, août 2022 Archive du discours de Christiane Taubira à l’Assemblée nationale, ancienne Garde des Sceaux et ministre de la justice, le 12 février, 2013 Extrait du film 120 battements par minute, réalisé par Robin Campillo, 2017 Extrait d’un entretien avec Guillaume Dustan dans l’émission « Tout le monde en parle« , France 2, 2001 Archive : « Michel Foucault : Histoire de la sexualité, La volonté de savoir », émission « Un après-midi de France Culture », 11 janvier 1977 Extrait d’un entretien avec Bilal Hassani, émission « C à vous », France 5, avril 2023 Chanson de fin d’émission « Let’s have a kiki » des Scissor Sisters
Le Pourquoi du comment : Philosophie
Toutes les chroniques de Frédéric Worms sont à écouter ici.
« Ce post est un relevé d’information de notre veille d’information »