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Bon Point Décolobs ! Madame Nonna Mayer élue demain à la Présidence de Sciences Po Paris…

Rien n’est joué pour la Présidence de Sciences Po; et pourtant, tout semble bouclé.

C’était il y a quelques mois, dans le monde d’avant. Nous apprenions la démission d’Olivier Duhamel de la Présidence de Sciences Po Paris, et dans la foulée, de celle de Frédéric Mion. Sciences Po’ décapitée: la France entière dénonçait l’entre-soi d’un système incompréhensible, fermé et opaque. Un univers douteux, un territoire perdu en somme: un de plus. Mais la crise passée, tout était fini et le Phénix renaîtrait de ses cendres, c’était promis, juré – plus jamais ça !

Et patatras ! Il semblerait que dans la logique de l’Institution, le contraire « d’opaque » soit « encore plus opaque ». Et de l’entre-soi, voilà que le cercle se referme un peu plus et que l’on passe à la vitesse supérieure de l’entre-soi: l’hyper-entre-soi.

Petit rappel

La gouvernance de Sciences Po Paris s’organise autour de la fondation nationale des sciences politiques (FNSP), qui est une fondation de droit privé, et l’IEP qui est un établissement public « à caractère scientifique et professionnel« . Ces deux entités dirigent donc Sciences Po et proposent le nom du directeur (le décret est signé, in fine, par le président de la République) à travers deux instances : 

  • le conseil de l’IEP avec fonctionnement relativement classique : 32 membres, certains élus (3 professeurs des universités, 1 maître de conférences, des représentants de chargés d’enseignements, d’étudiants etc.), 5 membres de droits (le président de la FNSP,  maire de Paris….) et 5 personnalités extérieures désignés par les autres membres
  • Le conseil d’administration de la FNSP : 25 membres mais en réalité totalement contrôlé par le fameux « collège des fondateurs » (10 membres, ce qui est moins qu’il y a quelques années après les scandales liés à la gestion financière).  Bloc le plus important en son sein, le collège des fondateurs dirige le CA de la FNSP. Depuis 1945, les nouveaux membres de ce collège des fondateurs sont cooptés par les anciens (opacité totale qui favorise l’entre-soi). Selon les statuts actuels, le CA de la FNSP est obligatoirement dirigé par un membre de ce collège dont étaient membres Marc Guillaume ou Olivier Duhamel… En résumé, le collège des fondateurs « coopte » le président du CA de la FNSP.. F. Mion avait été nommé grâce à l’action de ce collège et d’O. Duhamel. Même s’ils n’ont pas la majorité au sein de la FNSP, ils sont les plus influents, les 15 autres n’étant pas fédérés. De surcroît, le président du CA de la FNSP ne peut être qu’un membre du CF. C’est la raison pour laquelle tout l’enjeu se situe là : dans la maîtrise de la composition et du système de cooptation des membres du CF. 
  • Par ailleurs, pour l’anecdote, rappelons que l’établissement échappe à ParcoursSup grâce à une dérogation obtenue du Premier Ministre lui-même. Du coup, on y organise comme et quand on veut son mode de recrutement. 

Aujourd’hui, les Membres actuels sont Louis SchweitzerLaurence ParisotLouis de CastriesPascal LamyHenry LaurensVéronique MoraliMichel PébereauSandra Lagumina Julie de la Sablière (et jusqu’il y a peu, Marc Guillaume et Olivier Duhamel qui doivent être remplacés). C’est tout l’enjeu de l’élection en cours. Co-opter les bons membres du CA pour choisir la bonne Présidence.

Transparence et collégialité vous dit-on !

Nonna Mayer, candidate pressentie ?

La spécificité institutionnelle de Sciences-Po n’est pas de disposer d’une fondation associée (c’est le cas de Polytechnique), mais que cette fondation dispose d’un poids exceptionnel dans la gouvernance de l’école et surtout qu’elle soit verrouillée par le collège des fondateurs, entre-soi grâce à des cooptations successives…

Cela marche très bien pour les clubs de golf, pourquoi pas pour les Grandes Écoles ?

Or comme nous venons de le rappeler, la Fondation Nationale de Sciences Politiques relève d’une association de droit privé . Le collège qui travaille à l’élection de son Président est choisi parmi les membres fondateurs. De l’élection du Président dépend ensuite la direction de l’établissement. A l’heure actuelle, Louis Schweitzer pousse de toutes ses forces pour assurer l’élection de  Nonna Meyer.

Nonna Mayer

«Ceux qui ont une aversion à l’égard d’un certain nombre de pratiques de l’islam, contrairement à ce qu’ils disent, ce n’est pas au nom de la défense des femmes, des gays, de la laïcité, c’est exactement l’inverse : plus on est hostile à l’islam, plus on est hostile aux femmes, aux gays, etc.»

Nonna Mayer, en 2019, dans un interview pour Libération.

Très intéressée par le Radical Right Gender Gap, investie dans la translation des concepts de genre et de race en Sociologie, il faut lire Nonna Mayer dans le texte. Elle donne une caution scientifique à la notion « d’islamophobie » dont on connaît mieux les enjeux collectifs aujourd’hui que Sciences Po Grenoble en a fait un enjeu sociétal. On écoutera son intervention sur le blog Hypothèse de l’EHESS sobrement intitulé « Islamophobie » ici. Elle définit la première « l’antisémitisme comme un préjugé envers les juifs; l’islamophobie, comme un préjugé envers les musulmans » (source), mettant les deux notions sur un pied d’égalité. Quant à la notion de « préjugés », elle: elle semble aller de soi. Plus troublant encore, le rapport de la CNCDH 2015 qu’elle co-signe propose une définition de l’islamophobie comme « une attitude d’hostilité envers les musulmans, les personnes reçues comme telles. » Cette définition reprend à s’y méprendre la définition proposée un an tout juste auparavant par feu le CCIF:

Le CCIF utilise une définition précise pour qualifier l’islamophobie : il s’agit de l’ensemble des actes de discrimination ou de violence contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à l’islam. Ces actes sont également légitimés par des idéologies et des discours incitant à l’hostilité et au rejet des musulmans […] Le monde universitaire a bien investi la question de l’islamophobie, en fournissant des outils d’analyse solides, lors des nombreuses conférences organisées sur l’année. 

Rapport 2014 du CCIF, p. 2

On poursuivra ces lectures par exemple par cet article publié sur le dépôt des articles en Sciences Humaines et Sociales très instructif. Sur la race, on est curieux de lire par exemple que la notion de racisme systémique est « une façon parmi d’autre de nommer un problème » qu’il n’est pas question de discuter:

« On peut symétriquement s’interroger sur les avantages et privilèges structurels dont bénéficie la population majoritaire sans nécessairement en avoir conscience. »

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02384760/file/2019-la-vie-des-idees-polemiques-et-controverses-autour-de-la-question-raciale.pdf, p. 25

Sur l’intersectionnalité, on est intéressé de découvrir que selon elle il n’existerait que deux camps politiques exprimant une opinion sur le sujet, les marxistes et les décoloniaux :

En France, le concept d’intersectionnalité […] heurte les tenants d’une approche marxiste de la société, hostiles à une focalisation sur les identités raciales, religieuses ou de genre parce qu’à leurs yeux la classe sociale est le principe explicatif majeur, et ceux qui y voient une lecture ethnicisante des rapports sociaux […] alors que, loin de s’opposer, ces lectures sont complémentaires.

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02384760/file/2019-la-vie-des-idees-polemiques-et-controverses-autour-de-la-question-raciale.pdf, p. 8

À l’heure où Sciences Po Grenoble s’enflamme, où l’UNEF part en vrille dans les campus des grandes écoles, où un sondage interne aux étudiants montre la surreprésentation des idéologies radicales au sein du public étudiant: on s’étonne à peine de voir que les principaux vecteurs de la pénétration de ces idées sont à trouver au sein de l’Institution. Cette perspective de nomination renforce le sentiment non plus d’une dérive idéologique, mais d’une prise en main de l’Institution.

Or cette école est déjà le lieu d’une forme de réflexion qui intéresse sur les enjeux politiques et sociétaux de la sociologie militante. C’est à Sciences Po que M. Burgat avait eu l’idée de recevoir il y a quelques années en partenariat avec son association le djihadiste Abdelhakim Belladj. Où ailleurs ? C’est dans le giron de la même institution que l’ANCMSP, Association Nationale des Candidats aux Métiers de la Science Politique, avait obtenu l’annulation de la manifestation « Corps et guerre ». C’est l’interlocuteur de Nonna Mayer, Juliette Galonnier (chercheuse à Sciences Po) qui théorise en conclusion d’un article la notion de passing :

Une troisième option consiste à pratiquer un islam visible pour répudier sa blanchité, l’une des motivations premières de la conversion étant cet objectif de passing.

Devenir musulman et devenir blanc : la conversion à l’islam comme découverte de la blanchité en France et aux Etats-Unis

Alors: Institution de droit privé, école privée ou établissement de prestige lié à l’Université ? En être, ou renoncer ? Ou c’est un territoire à reconquérir, ou ce n’est rien.

Il serait logique d’ouvrir l’appel à la Présidence de la FNSP à des candidatures issues par exemple de l’Université !

BRUIT DE COULOIR

Et de l’autre côté ?

En face, le camp Républicain pousse la candidature de Pascal Perrineau dont nous connaissons tous les engagements. Sa candidature sera vite disqualifiée par un Collège harmonieusement construit pour regretter que le mâle blanc de plus de 50 ans, symbole de l’hétéropatriarcat, ne soit pas plus représentatif des enjeux de l’école.

Le premier comité de sélection a lieu vendredi 12 mars ! Il a pour but de rencontrer les premiers candidats et de construire les premiers enjeux des coalitions en cours pour amener doucement Nonna Mayer à la tête de l’Institution. Voilà pourquoi nous lui adressons d’emblée nos félicitations les plus sincères pour cette réussite spectaculaire autant qu’inattendue… A moins que ?

Collectif des Observateurs

Collectif des Observateurs