[par Samuel Mayol]
Dans un texte récemment publié dans les colonnes de l’Express, notre collègue proposait « d’ouvrir nos amphithéâtres, nos facs à Charb » assassiné en 2015 mais qui est l’auteur d’une pièce de théâtre dont la lecture est d’utilité publique. L’auteur revient sur les origines de sa motivation. Si vous aussi à votre tour vous souhaitez signer la lettre, il est encore possible de le faire en cliquant ici.
Le 7 janvier 2015, attablé dans un resto avec quelques collègues, je regarde sans y prêter vraiment attention la télé fixée au plafond. Les images de BFM TV défilent, de façon récurrente.
Et soudain, le bandeau attire mon regard : Edition spéciale, attentat à Charlie Hebdo.
Et c’est avec une émotion que je ne peux dissimuler que je vois apparaitre le nom des victimes : Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski. Pour moi, ces noms résonnent comme des légendes. Certains m’ont accompagné pendant mon enfance et mon adolescence. J’ai vécu, comme beaucoup, avec les dessins de Cabu dans le club Dorothée, avec ceux de Wolinski dans Phosphore et dans le Nouvel Observateur.
Quelques années plus tard, fervent lecteur de Charlie Hebdo, je suis de près les publications de Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski. Les jours qui suivent avec les hommages, les commémorations, les publications ne font qu’accentuer pour ma part la volonté de porter le combat de l’équipe de Charlie. Ils ont payé de leur vie cette liberté d’expression si importante pour notre pays.
Quelques mois après, le 15 octobre 2015, je reçois le prix national de la laïcité des mains de du Premier ministre et de la maire de Paris. Le jour de cette remise de prix, je déjeune le midi avec la maire de paris et les parents de Charb car un hommage sera rendu à leur fils lors de cette cérémonie. Je rencontre également Marika Bret, membre de l’équipe de Charlie Hebdo. Marika deviendra par la suite une amie.
En janvier 2016, soit un an après les attentats, on me propose d’intervenir sur le thème « un an après, toujours Charlie ». J’accepte bien entendu et je découvre à cette occasion la pièce de théâtre créée, mise en scène et jouée par Gérard Dumont. Je découvre un texte qui prône la tolérance et la paix ; qui ne met en cause ni la religion, ni les pratiquants, mais les ignorants qui détournent les mots de leur sens, et utilisent l’intimidation et la censure en dévoyant l’argument de respect de la différence.
Cette pièce et donc ce livre est un manifeste contre le racisme et l’intolérance qui tord le cou à tous les extrémismes désireux de semer la confusion dans les esprits. On est loin de l’esprit d’intolérance que certains veulent prêter aux journalistes de Charlie.
Lors d’une rencontre récente avec Marika Bret, nous avons beaucoup discuté du débat qui tourne actuellement autour des universités. Étant moi-même universitaire je constate que le débat n’est pas si serein que cela pourrait paraître au sein des universités.
Nous sommes nombreux à observer que les extrémismes en tout genre ont, depuis toujours, convoité et recherché activement leur légitimation académique. Qu’il s’agisse d’extrémismes de droite ou de gauche, religieux ou nationalistes, ils ont tous, à un moment donné, considéré que, l’avenir de la Nation se jouant largement au sein des universités, ces dernières constituaient un terrain d’action à privilégier afin de faire progresser leurs causes.
Nous avons donc eu l’idée de solliciter les présidents d’université et d’y associer des acteurs de la culture. Ma collègue Isabelle Barbéris, MCF HDR à l’Université Paris 7 a accepté immédiatement de porter avec nous ce projet. Lorsque les présidents disent que l’université est toujours un lieu de débat, nous avons envie de les croire et souhaiterions les aider à rendre irréfutable leur protestation.
Ce texte constitue donc un point de départ fructueux pour ouvrir le débat sur une diversité non dévoyée et sur la formation de l’esprit de critique. Si l’Université, lieu du savoir, doit pouvoir accueillir tous les débats, alors, soyons sans crainte, et ouvrons nos facs à Charb.