Primo, ne vous fiez pas à la quatrième de couverture ni au ton parfois trivial du fil rouge (ou rose) relatant les élucubrations de Robert/Catherine. Ce livre est terriblement sérieux. Surtout terrible.
Secundo, ce n’est pas un roman mais une étude fouillée d’un phénomène sociologique contemporain inquiétant.
Tertio, ce n’est pas un ouvrage transphobe, contrairement à ce qu’en disent les débiles et les édiles qui demandent son boycott sans l’avoir lu ( tel Emmanuel Grégoire, adjoint à la mairie de Paris qui a exigé de JCDecaux le retrait de la campagne d’affichage publicitaire pour ce livre et qui, par ailleurs, a avoué ne pas l’avoir lu. Profonde objectivité et admirable rigueur intellectuelle !). Les différents témoignages recueillis sont très respectueux des choix des personnes adultes ayant décidé à un moment de leur vie de changer d’identité sexuelle et qui explicitent ici ce choix.
Ce livre tire simplement un signal d’alarme face à ce qui relevait pour une infime minorité d’individus de ce qu’ils considéraient comme une nécessité vitale et qui, par un effet de mode lié à une idéologie délétère véhiculée par des mystificateurs et des activistes sectaires, prend aujourd’hui une ampleur mortifère ; face à un déni de la réalité biologique d’Homo sapiens au profit d’un transhumanisme mutilant.
Les points forts de cet ouvrage sont, en premier lieu, de démonter les rouages du lobbying lié à ce courant transsexualiste aux enjeux financiers non négligeables (rechercher toujours à qui profite le crime). Ainsi les auteurs détricotent les fils qui relient riches philanthropes et entreprises pharmaceutiques ou de matériel médical. Le lien entre ces intérêts financiers et la sphère politique susceptible de légiférer en leur faveur est aussi établi. Ainsi que la lâcheté, voire la compromission des institutions et des entreprises qui craignent de ne pas être dans le vent (ambition de feuille morte, disait Kundera).
Second point fort : la mise en évidence du danger couru par les adolescents et les pré-adolescents, cible principale de cet embrigadement orchestré par les associations trans-militantes (qui y trouvent un vivier et la justification de leur survie) et les médecins irresponsables (qui y trouvent une justification de leurs pratiques et un profit certain). L’accent est mis sur les bloqueurs de puberté, ces castrateurs chimiques et tueurs de désir dont nous ne soulignerons jamais assez l’impact dangereux induit par l’usage non conforme qui en est fait sur les mineurs. L’ouvrage renouvelle ici le cri d’alarme lancé par Caroline Eliacheff et Céline Masson dans La fabrique de l’enfant transgenre.
Enfin, dans le chapitre intitulé « Ils vont jusqu’à nous jeter du caca au visage », les auteurs détaillent les différentes pressions et exactions commises à l’encontre des « réfractaires au dogme transactiviste ». Car, dans une posture sectaire refusant tout dialogue, toute contestation du dogme, par des méthodes de diffusion de contre-vérités et de répressions, les transactivistes ont généré ce que Nathalie Heinich a dénommé un « totalitarisme d’atmosphère »…voire un total totalitarisme, comme les dernières agressions nous le révèlent : le nouveau fascisme viendra des antifascistes prophétisait Pasolini.
Toutefois, au-delà de la forme, souvent humoristique, qui permet de toucher un plus grand public (et que je serais mal venu de critiquer, en ayant usé et abusé), mais qui peut désorienter les professionnels -psychologues, psychanalystes, médecins ou biologistes- quelques remarques plus critiques. (In cauda venenum ?).
Tout d’abord, quelques lacunes on imprécisions sur le plan biologique, sur les modalités d’action et les effets secondaires des hormones et des bloqueurs de puberté (bon, d’accord, c’est mon rayon, donc je pinaille !).
Plus gênant, le témoignage d’Alexandra (pages 92 et suivantes), intersexe qui considère que le transgenrisme lui nuit. Or la présentation de ce témoignage peut induire en erreur et conforter la confusion, déjà trop souvent faite et exploitée par les activistes, entre intersexualité et transexualité. Il faut rappeler que l’intersexualité est un problème biologique d’origine génétique ou développementale, contrairement au transgenrisme qui ne relève pas du biologique dans ses causes. Par ailleurs, Alexandra est un intersexué Klinefelter (génotype XXY) très atypique. La fréquence de cette anomalie est d’environ un sujet masculin sur 1000 et ne se traduit en général par aucune ambiguïté de l’identité sexuelle. Les cas d’intersexualité, eux, se limitent à 1 naissance sur 4500 environ, dont 5% sont considérés comme des hermaphrodites « véritables ». Il faut rappeler également que parmi les intersexués une grande majorité n’a aucun problème d’identité, soit parce que cette intersexualité demeure ignorée des sujets, soit parce qu’elle ne remet pas en cause l’identité « assignée » à la naissance et dans laquelle les personnes se sont construites (même si le terme « déterminée» » reste préférable pour ces cas marginaux). Ainsi, par exemple, certaines athlètes se sont révélées chromosomiquement hommes lors de tests et continuent à vivre et concourir en tant que femmes (même si, ici, les intérêts financiers et sportifs ne sont pas à négliger). (Pour plus de détail, voir notre article « Le genre, les adolescents et les réseaux dits sociaux » paru dans Topique n°156, 2022.). Les auteurs auraient dû insister sur le fait qu’Alexandra représentait un cas exceptionnel au sein d’une catégorie elle-même extrêmement marginale, et n’était donc pas très significatif.
Mais le point faible de l’ouvrage réside dans sa dernière partie « Les perturbateurs endocriniens nous rendraient-ils queers ? ».
Après avoir justement dénoncé l’inculture, les incohérences et la bêtise crasse de ceux que Franz-Olivier Giesbert nomme les « escrologistes » (il n’est qu’à voir l’intitulé d’un atelier des journées d’été 2024 des Verts : « Comment garantir des parcours sûrs et légaux pour les réfugié.e.s LGBTQIA+ »…Cherchez l’écologie là-dedans !), nos auteurs tombent malheureusement dans un travers simpliste qui a pu faire dire à certains que l’ouvrage contenait un biais complotiste (mais ce chapitre et lui seul qui, si l’ouvrage devait être réédité –ce que je lui souhaite et qu’il mérite- serait entièrement à réviser).
En effet, les perturbateurs endocriniens –dont certains sont encore à certifier, d’autres à identifier- ont pour la plupart un impact sur le développent de cancers (voir Cancer, l’ennemi intérieur, de Jacques Robert, 2024, CNRS Editions) ou le développement embryonnaire, comme le terrible diéthylstilboestrol (= Distilbène ou DES). Ils sont probablement impliqués dans la baisse de concentration des spermatozoïdes dans le sperme constatée depuis un siècle, même si ce phénomène est multifactoriel et globalement inexpliqué (selon diverses études, on serait passé d’environ 110 millions de spermatozoïdes par ml de sperme en 1940 à environ 60 millions de nos jours, soit une baisse de 1,4% par an). Mais présenter ces perturbateurs endocriniens (PE) en tant que cause de « dysphorie du genre » paraît totalement disproportionné et est scientifiquement non fondé. Par ailleurs, faire référence à l’impact de ces PE sur les poissons ou les grenouilles revient à (dé)raisonner comme les transactivises : s’appuyer sur un modèle animal non transposable à l’humain pour justifier une position idéologique. C’est ce que l’on trouve dans les articles ineptes de Médiapart, par exemple, ou les salmigondis butlériens pour « justifier » les errances du spectre ou de la fluidité des genres. Ce chapitre est donc contreproductif.
La diffusion d’une mode, d’un comportement, d’une idéologie, aussi délétères soient-ils, n’a pas besoin d’un déclencheur ou d’un catalyseur chimique ni même d’un dérèglement climatique. Il en est ainsi de la mode récente du tatouage, naguère apanage des marins anglais et des sicaires de cartels ou de la mafia russe. Il s’agit là aussi de la transformation de son corps, avec une forme de traumatisme et d’agression. Un oxymorique besoin de personnalisation grégaire, d’individualisation moutonnière. Et que dire de ces fusions dans des phénomènes de masse comme l’adhésion à une secte ou à une idéologie mortifère ? Aucun perturbateur articulaire n’a obligé des millions d’Allemands à tendre le bras dans les années 30. Et aucun orviétan n’est responsable des hallucinantes manifestations antisémites d’étudiants décérébrés (eux pourtant censés avoir un cerveau) à Sciences Po et dans les Universités américaines depuis le tragique 7 octobre 2023 !
Nonobstant ces quelques réserves, il n’en demeure pas moins que Transmania est un livre percutant et utile. Achetez-le, lisez-le… et, si possible, faites-le dédicacer (le port du casque est recommandé).
Merci à Jacques Robert et à Sylvie Rubiliani pour leur relecture attentive.