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« Ce despotisme bien-pensant, appelé République ou laïcité »…

« Ce despotisme bien-pensant, appelé République ou laïcité »…

Xavier-Laurent Salvador

Linguiste, Président du LAIC

par XLS

Il est une idée qui se répand dans la littérature scientifique décoloniale tendant à faire de la République un système oppressif pour les minorités. On lit par exemple dans une revue très sérieusement publiée sur le concentrateur de contenus Cairn un numéro de revue spécialisée et modérée par les pairs consacré au Mal français dès les Lumières – La prohibition de l’islam.

On y lit notamment un article en 2015 déjà d’une collègue, Seloua Luste Boulbina , qui développe un credo décolonial illustrant la relation qu’entretient la discipline avec l’impensé politique républicain:

La France, en effet, est étatiquement despotique. Elle n’est pas un pays libéral. Le « bien » des populations se décide au sommet, non à la base par les intéressés eux-mêmes. Le voile en est un symbole. En tant que tel, il a une longue histoire. Ce despotisme bien-pensant, appelé « République » ou « laïcité », corrélatif de pratiques diffuses de relégation et de discrimination, ne peut exister qu’à la condition que soient éloignés des centres de décision tous ceux qui pourraient s’écarter de ce qui, depuis le début des années 1980, est devenu une norme politique et sociale : le mépris et, quelquefois, la haine […] La situation imposée aux enfants d’immigrés postcoloniaux aujourd’hui est la suivante : devenir citoyen français, c’est remettre en question son appartenance religieuse.

https://www.cairn.info/revue-multitudes-2015-2-page-61.htm 

Ce discours est loin d’être anodin. Il se répand doucement dans un certain milieu de la Recherche comme une évidence de bon sens, une chose de bon ton qui se dit et se répète. Dans un autre numéro de la revue paru plus tard et consacré à la question de la « Laïcité, une liberté ? » paraît un entretien savant entre Jacqueline Lalouette et Marion Dalibert. Sur le ton très mondain d’un échange informel, on y lit une affirmation très personnelle de Marion Dalibert:

Pour ma part, je pense que la laïcité peut être parfois un procédé rhétorique pour faire barrage à la religion musulmane. J’ai un exemple en tête où, dans un centre social, c’était le cas : on ne remettait pas en question les fêtes religieuses catholiques, comme l’arbre de noël mais accepter des fêtes liées à l’Islam posait problème. 

https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-dynamiques-2012-1-page-64.htm 

Ce constat prend parfois quelques nuances. Toujours sur Cairn, dans la revue Tiers Monde, deux chercheurs s’attachent à étudier « la fin de l’occidentalisme ». Ils expliquent ainsi que la République est oppressive pour diverses raisons, notamment dans les conditions d’accueil des migrants à qui l’on demande de parler français:

Requérir des migrants une adhésion aux normes et valeurs de la République et un niveau linguistique minimal a contribué à transformer le discours politique sur l’intégration en une machine de construction de frontières ethno-raciales dans la société française.

https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2012-1-page-125.htm 

Bref, au coeur de ce débat est posée la question de la place institutionnelle d’un racisme républicain dont les armes sont la langue et la laïcité. La question est pour ainsi dire explicitement posée dans la revue SociologieS hébergée sur la plateforme universitaire (Open Editions) dans un article d’Alana Lentin de mai 2019 intitulé: « Post-racialisme, déni du racisme et crise de la blanchité ». La chercheuse y développe l’idée que la « crise de la blanchité » est au centre des évolutions et des nouvelles conceptions du racisme. Elle y développe ainsi l’idée que « les peurs raciales pourtant bien fondées » pourraient être contournées au prix d’un remède simple:

le fait d’apprendre aux enfants que le racisme n’est pas tellement une faille morale d’ordre individuel, mais qu’il constitue plutôt un système de privilèges, dont certaines populations tirent profit en particulier. 

https://journals.openedition.org/sociologies/10990 

Autrement dit, en expliquant aux enfants qu’ils sont innocents, et que seule la République odieuse est responsable de tous les maux de la société.

Ces exemples sont pris sur un temps long et illustrent un certain type de discours qui sous l’apparence de la neutralité axiologique qui permet de débattre sans passion des vertus ou des défauts d’un système politique pris comme un objet lointain contribuent à élaborer un discours général qui met des mots sur des ressentis mal informés des lecteurs. Tel article de 2016 reprend l’analyse d’Éric Fassin soulignant que le « drame du bus de l’équipe de France » se comprend par parce que « Ribéry se voit déchu à ce moment de sa blanchité »(ici), telle analyse de feu Ruwen Ogien (CNRS) estime que l’Etat ne doit imposer « aucune vision du juste » (ici) ce qui d’ailleurs entraîne un compte-rendu du livre par Airick Pairat analysant la chose et concluant:

Alors en quel sens un tel projet est-il politiquement dangereux ? Il est politiquement dangereux dans la mesure où il occulte le vrai problème…

https://journals.openedition.org/rechercheseducations/1574 

Tel autre chercheur affiche sur les réseaux sociaux son soutien indéfectible à Tariq Ramadan, etc.

La liste serait longue des détails qui soulignent parfaitement que depuis 2015, voire avant, la critique du racisme systémique vise à émanciper l’individu de toute responsabilité pénale de racisme au profit de l’adhésion à un nouveau credo systémique qui fait de la République l’ennemi commun de toutes les minorités. Le déconstructivisme tourne à plein régime; on peine à identifier l’Empire qui le fédèrera.

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