Retour sur les progrès de la cancel culture.
Ces temps-ci, on a annulé:
• Napoléon, dont le bicentenaire de la mort, le 5 mai dernier, n’a pas fait oublier l’anniversaire de la naissance de Karl Marx:
« Il était raciste, sexiste, despotique, militariste, colonisateur, mais tout cela est généralement mis sous le tapis. »
Françoise Vergès
« Enseigner Napoléon, d’accord, mais le commémorer, c’est faire de l’apologie de crime. »
Louis-Georges Tin
Cf. Usul, « Pourquoi il faut absolument “cancel” Napoléon » et Loïc Le Clerc, « Napoléon n’était pas raciste, la preuve: il a rétabli l’esclavage! » sur Regards.fr.
• Jane Austen, romancière complice de l’esclavagisme. Le Musée Jane Austen a « mis à jour ses notices historiques » en précisant que la romancière « consommait des produits issus de la traite des Noirs » (thé, sucre, coton). Cf. « La “cancel culture” n’est pas la tasse de thé du musée Jane Austen » dans Courrier international.
• Shrek, dessin animé « affreusement transphobe »:
« Dans Shrek, les représentations des personnages de Doris et le loup du Petit Chaperon rouge relèvent de la transmisogynie, cette discrimination à la croisée du sexisme et de la transphobie dont sont victimes les femmes transgenres, et qui ne peut être vécue par les femmes et les hommes cisgenres. »
aufeminin.com
• Le baiser du prince à Blanche-Neige:
Il s’agit « d’un baiser qu’il lui donne sans son consentement, pendant qu’elle dort, ce qui ne peut être le véritable amour à moins que la personne sache ce qu’il se passe. N’avons-nous pas déjà convenu que le consentement dans les premiers films de Disney était un problème majeur. Qu’apprendre aux enfants qu’embrasser sans l’accord des deux personnes n’était pas bien? » […] « Il est difficile de comprendre pourquoi en 2021 Disneyland choisirait d’ajouter une scène avec de telles idées démodées, surtout quand d’autres scènes problématiques ont été supprimées des attractions Jungle Cruise et Splash Moutain. Pourquoi ne pas imaginer une fin dans l’esprit du film et de Blanche-Neige, mais qui éviterait le problème?«
Julie Tremaine et Katie Dowd dans le San Francisco Chronicle
Le Wokistan croit s’acharner contre les contes de fées, mais il n’en connaît que les adaptations en dessins animés. Première mise au point sur le baiser non consenti: les frères Grimm n’y sont pour rien, le baiser est un ajout de Disney.
Comme de plus en plus souvent, à présent, chaque attaque de la cancel culture est immédiatement suivie de dénégations orchestrées par les partisans du wokisme. Le très réussi dessin de Coco dans Libération a été la cible d’attaques venant des partisans de la cancel culture, indignés qu’on puisse en rire. Elisa Rojas adresse une leçon de morale en prenant la caricature au pied de la lettre: « Respecter le consentement d’autrui ce n’est pas être “coincé.” Avoir couché avec sept hommes (ou plus) ne signifie pas avoir envie que tous ceux que tu croises te sautes dessus. » (Cf. actuaBD). Sur France Culture, le cancellologue André Gunthert pontifie sur l’inexistance de la cancel culture mais accuse le dessin de Coco de participer de la « culture du viol »!
« En essayant d’exagérer le phénomène, les partisans de la dénonciation de la cancel culture tombent facilement dans la caricature, et dans l’aveu de leurs préjugés. Faire dire à Blanche-Neige que l’embrasser n’est pas très grave parce qu’elle a déjà couché avec les sept nains, c’est problématique au niveau du consentement et de la culture du viol. […] Les princesses Disney ne véhiculent pas un modèle de société progressiste. Alors pourquoi se moquer de ceux qui essayent de réfléchir sur ce modèle? Sans le vouloir, ce que dit le dessin de Coco, en se moquant des progressistes et en abondant dans le sens des réactionnaires, c’est qu’on préfèrerait ne rien changer et conserver le modèle patriarcal. »
André Gunthert, cancellologue
• les oreilles percées des petites filles… « pratique d’un autre âge »:
Depuis des décennies, on perce les oreilles des petites filles sans même y penser. Cette tradition, ancrée dans de nombreuses cultures – et ne concernant que marginalement de petits garçons – soulève de plus en plus de questionnements. S’agit-il d’une volonté d’assigner les petites filles, dès leur plus jeune âge ?
Manuela Spinelli, maîtresse de conférences à l’université Rennes-II et spécialiste des études de genre, le croit : «Les boucles d’oreilles agissent comme un véritable marqueur de genre à un moment où les différences physiques ne sont pas marquées.»
Libération