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En banlieue, l’islamisme élémentaire

En banlieue, l’islamisme élémentaire

Entretien réalisé auprès d’une sympathisante en juin 2015, initialement publié en novembre 2015 dans la brochure « n°21 Islamismes, islamogauchisme, islamophobie. Première partie : L’islam à l’offensive, de la prédication à la guerre, puis mis en ligne sur le site Lieux Communs en septembre 2016.


Nayla, tu veux te présenter ?

Je suis institutrice volontairement précaire (en fait on dit maintenant « Professeur des écoles » tant on n’institue plus grand-chose…), française, née en France au début des années 70 de parents d’origine maghrébine et musulmane. Je fais essentiellement des remplacements de congés maladie, de dépressions, de congés maternité, etc., remplacements dont la durée varie de trois jours à la totalité de l’année scolaire. Je travaille dans les banlieues « populaires » d’une grande agglomération. Donc je vole comme ça, depuis environ 6 ans, d’école en école, maternelles mais surtout élémen­taires. J’ai dû en faire plus d’une quarantaine en tout… Donc des enfants qui ont entre 3 et 12 ans.

Ça donne un bon point de vue… D’autant plus que tu y habites, non ?

Oui, depuis une dizaine d’années – et je me bats pour ne pas avoir d’écoles trop près de la cité où je vis. J’ai donc un panorama de ce qui s’y passe, et c’est très inquié­tant. Ce sont des quartiers et des classes avec des dizaines d’origines différentes, Afghanistan, Pakistan, Inde, Roumanie, Mali, Sénégal, Caraïbes, Tchétchénie, Ukraine, etc. et bien sûr massivement Maghreb et maintenant Moyen-Orient, et souvent le seul « liant » culturel de ces petites tours de Babel ça va être l’islam, de gré ou de force, puisque les classes sont souvent musulmanes à plus de 70 %, voire plus dans ces quartiers.

Pour toi, c’est la religion qui pose problème à l’école ?

J.-P. Le Goff, J.-C. Michéa, etc. ont très bien décrit le tournant managérial de l’enseignement à la fin des années 90. À cette époque, j’étais prof dans le secondaire en banlieue et je vivais ce tournant avec l’amer constat de la récupération des outils et techniques des pédagogies institutionnelles et autogestionnaires que je pratiquais depuis quelques années et sur lesquelles je publiais occasionnellement. J’étais alors, comme ces auteurs, aveugle à l’émergence de cette contre-culture islamiste qui venait dans certaines zones combler le vide des institutions en plein délabrement. Aujourd’hui, on est encore loin d’imaginer ce qui est en train de s’y passer… Des gamins savent écrire « Allah » avant leur propre prénom… Et rien que les prénoms deviennent délirants. Par exemple dans une classe de moyenne section de maternelle que j’avais à l’année, des parents sont venus se plaindre du fait que je faisais constam­ment une erreur sur la prononciation du prénom de leur enfant. Et c’est vrai que le gamin, assez réservé, me reprend, avec le soutien de la classe, à chaque fois que je prononce son prénom tel qu’il est orthographié soit Aymane. Or, cela se prononce ÈymÈne me disent les parents… Je rétorque qu’à ce moment-là, si cela ne les ennuie pas, je vais changer l’orthographe du prénom sur l’étiquette de leur enfant pour qu’il corresponde à la prononciation qu’ils souhaitent. Je leur explique qu’à ce stade de la scolarité il est primordial que ces élèves de cinq ans comprennent le rapport entre les sons et les lettres – on dit « développer une conscience phonologique » – c’est la base de la lecture-écriture, de l’appropriation de la langue. Je leur précise que mon prénom aussi est arabe mais qu’en français il se prononce différemment, c’est normal on est en France… Refus des parents. Je laisse tomber après quelques semaines de tension, et donc tous les gamins de la classe apprennent qu’en français, la lettre « A » peut se dire « È »… Et ce n’est pas une exception : une fois c’était Imane, qu’il fallait prononcer ImÈne, une autre fois c’était le prénom Islam qu’il fallait prononcer ÈslÈm, etc., etc. Rien que d’un point de vue pédagogique « fonctionnel », ça pose problème… Bon, sans même parler de la connivence qui s’instaure immédiatement entre les gamins et les instits « rebeu »…

C’est ce qu’on retrouve au collège dans les apprentissages contestés : l’his­toire des religions, la théorie de l’évolution, le sport…

C’est ça, des enseignants non musulmans me racontent ébahis que leurs ados viennent leur dire que tout ce qu’ils leur enseignent, c’est dans le Coran. Sinon, tu comprends, c’est que ça ne vaut rien. En fait, c’est un handicap culturel mais entre­tenu par les parents, la famille, le quartier, etc. Les gamins partent donc dans la vie avec un rapport d’étrangeté et surtout d’adversité avec la langue qui leur permet de s’exprimer. C’est radical : avant même d’apprendre quoi que ce soit, rien que dans la langue du pays, ils n’ont pas leur place ici, ils sont en conflit, d’emblée, ils n’ont pas, linguistiquement, de place, pris dans un étau entre la bonne langue et le refus total d’intégration culturelle de leurs parents. Les petits asiatiques s’appellent Philippe, Jean, Vincent ou Carole…

Ça complique les choses, effectivement…

Et si ce n’était que ça… On assiste à la prolifération des prénoms explicitement co­raniques ou venant des stars du terrorisme islamique : Abou Hamza, Aymène, Hassi­bullah, Harith… et toute la série des Machins-Allah (Dieu) et Machins-Din (la foi). Ça n’a rien à voir avec les prénoms donnés par les parents immigrés arabes des années 60-70… Et ça, ça fait partie de tout le reste : l’obsession du halal, la discrimination envers les non-musulmans, les fêtes religieuses, les écoles coraniques, etc. Par exemple, bien la moitié des parents que je croise ont des tenues islamistes : la longue barbe ou taillée façon hipster pour les plus mainstream, le kamis ou la djellaba noire ou blanche pour les messieurs, et le voile pour les madames et les mademoiselles, de plus en plus strict, avec les longues jupes maintenant, jusqu’à la burqa… et ils ont les rapports qui vont avec : ils ne s’approchent pas de moi à moins de deux mètres, ne me regardent pas ou alors me fusillent du regard… Eh oui, la femme, c’est Satan… Quand ce n’est pas un rapport de maître à domestique – c’est moi, hein, la domes­tique ! Même dans les bahuts chics, on ne voit pas ça…

Comment réagit le personnel ?

Il s’écrase, dans sa majorité, ou reste enfermé dans des postures compassionnelles, ou pour le personnel musulman, victimaires. Le lendemain de l’exécution du comité de rédaction de Charlie Hebdo, les enseignantes d’origines maghrébines étaient flip­pées… mais pas par l’attaque des néo-barbares ! Pour elles ! Elles répétaient : « Ça va nous retomber dessus ! ». Elles s’en foutaient de Charb, de Cabu, de la liberté d’expression et de blasphème, etc. C’était l’islam qui ne devait pas être attaqué ! « C’est vraiment n’importe quoi, j’en ai marre de ces histoires, ça n’a rien à voir avec l’islam », disaient-elles en cœur. Mais par contre, elles défendent bec et ongles toutes les manifestations d’appartenance à l’islam, au jour le jour, quelles qu’elles soient : râler contre un père en tenue de djihadiste, ou une daronne en niqab, c’est faire de la discrimination ! Refuser de parler arabe avec les parents qui parlent mal français, c’est du racisme aussi, etc.
Bref, ce matin-là du 8 janvier, j’ai annoncé que je n’accueillerais pas les parents dans ma classe exceptionnellement, je ne me sentais absolument pas d’accueillir comme si de rien n’était les mamans bâchées et autres victimes de la mode Frères Muz’ ou salaf’, j’avais vraiment pas envie de voir leurs tronches de Tartufes conquérants, point barre ; je ne comprenais même pas que l’ac­cès à l’école ne soit pas interdit aux parents ce jour-là… Ça été très mal pris par le dirlo et par les collègues qui ont quand même accepté ma décision mais j’ai eu droit à la chanson padamalgam ; « Ils ont rien à voir avec tous ça ces pauvres gens, ils pratiquent leur religion, c’est tout, ils ont le droit, on est tous très émus mais faut pas faire d’amalgame… », etc. Une fois de plus je suis passée pour l’Arabe qui a un pro­blème avec sa « communauté d’origine » c’est-à-dire la nana dans la haine de soi et des autres, la raciste quoi, l’auto-raciste… Alors que j’avais justement en face de moi des Français qui se haïssaient en tant que tels, renchérissant dans la repentance, l’autoflagellation… Pourtant, les Maghrébins devraient tous avoir un gros problème avec cette « communauté d’origine » qui est en plein délire régressif et belliqueux qui n’est pas près de se calmer malheureusement.

Et avec le reste du personnel ?

Le reste du personnel… il accompagne le merdier, voire surenchérit, comme le personnel de service ou les AVS [Assistants de Vie Scolaire, qui assistent les institu­trices pour les élèves handicapés physiques ou mentaux]… Eux, ils sont très majori­tairement d’origine maghrébine dans ces écoles et ils ne s’opposent en rien à tout ça, bien au contraire pour les plus réactionnaires. Je me souviens de rapports très chaleu­reux avec une dame de service d’origine marocaine en poste dans ma classe jusqu’au jour où elle a appris que je n’étais pas « dans la religion » : du jour au lendemain elle m’a fait la gueule sans plus d’explication, nos relations sont devenues très tendues, elle me provoquait constamment, parlait arabe devant ou avec des enfants, chose évi­demment qu’elle savait que je ne tolérais pas, ou encore remettait son voile devant les gamins à la fin de son service, et elle passait ainsi devant la directrice qui s’en foutait complètement. Au moins elle ne me refourguait plus ses prospectus pour le pèleri­nage à la Mecque, les centres de loisirs réservés « aux petits muslims », etc. Quant aux instits d’origine maghrébine et musulmane qui représentent une part de plus en plus importante des enseignants dans ces banlieues-là, ils et elles ne vont évidem­ment pas s’opposer à des revendications qu’ils et elles portent aussi. Ce n’est pas rare de voir une collègue remettre son voile en quittant l’école…
J’avais un collègue comme ça qui s’activait fébrilement dans des démarches pour ramener une femme d’Algérie « pour la marier, une ma tahlache aïnaha [dont les yeux ne se sont pas encore ouverts], une bent’halal, [une fille de parents « halal » élevée dans le halal] » dixit l’instit algérien, hussard des Frères musulmans. Une autre collègue rebeu était encore vierge à plus de trente ans parce qu’elle voulait se marier confor­mément à la loi islamique. C’était trop drôle elle rougissait dès qu’on parlait de sexe… Ce qui est moins drôle c’est qu’elle a en charge l’éducation d’enfants en pleine explo­sion de libido, les zizis, les zézettes, les gougouttes, etc. Une autre qui s’évanouit en pleine récré parce qu’elle fait le Ramadan, qu’il fait 40° et qu’elle a 27 mouflets de 4-5 ans dans les pattes toute la journée… et va pas lui parler de principe de réalité, ce serait de l’islamophobie… Bref, des islamistes ordinaires comme ça j’en croisais tous les jours quel que soit le secteur de l’école, quartiers excentrés ou centre-ville de cette banlieue soumise.

Tu avais quitté le monde de l’animation pour échapper à ça, justement, non ?

Eh oui ! Je me souviens un jour d’une de ces animatrices de l’Antenne Jeunesse que je dirigeais alors, qui m’a fait comprendre qu’il n’était pas de bon ton de montrer aux jeunes que je ne faisais pas le Ramadan… Elle-même, d’origine algérienne kabyle, était athée mais n’en laissait rien paraître pour ne pas que « cela lui retombe dessus ». Elle flippait, même les Françaises devaient s’y plier, pour ne pas « se faire mettre à l’amende » par des gamins de 12 ans ! C’était au milieu des années 2000 où ce secteur commençait à être envahi d’animateurs Tartufes-racailles dont certains venaient bosser en djellaba la veille de l’Aïd et aussi par des lascars et autres scar­lettes arrivistes et nihilistes… Je me souviens aussi d’une animatrice d’origine ma­lienne qui à chacune de ses pauses allait prier Allah dans sa bagnole sur le parking du centre de loisirs et dont la sonnerie du portable était une sourate téléchargée… si c’est pas un « néo-islam » ça ! C’est ce même type de personnes – et aussi des Français convertis à cet islam de débiles – que tu vois débarquer aujourd’hui à l’Éducation Nationale dans certaines académies déficitaires en enseignants, des bigotes, des ignares I-podés à qui on donne quasiment le concours, des petits carriéristes qui feront bien, eux, la différence dans leurs classes entre les classes sociales, entre un Antillais koufar et un black muslim, entre une gamine et un petit mâle, etc.
Quand je travaillais dans l’animation, les maires des banlieues rouges où je bos­sais favorisaient dans leurs recrutements ce type de profil pour avoir la paix sociale et récupérer des voix au passage… Et le mécanisme s’auto-entretient, évidemment. Pro­gressivement, toutes les équipes que je dirigeais alors dans ces banlieues ne compre­naient plus qu’un seul Français d’origine, voire aucun dans certains centres. C’est le même processus à l’école maintenant dans ces territoires « conquis » où l’école est un des derniers endroits obligés de rencontre avec la France. Il y a vingt ans, j’aurais été ravie qu’on ouvre plus l’école aux parents, aujourd’hui, je regarde avec inquiétude ces collèges de banlieue s’ouvrir aux mollahs locaux, leur mettant à disposition des salles de classe pour qu’ils s’y réunissent quand ils veulent, les invitant à animer des clubs, etc.

Et justement, les Français d’origine ?

Ah bah ils sont traités de racistes, normal, hein ! Il n’y a parfois qu’un enfant franco-français, un français de souche ; dès le CE2, et ça se poursuit évidemment au collège, ces enfants sont complètement victimisés par les autres enfants (« bolossi­sés » comme disent les gamins), ils vivent constamment le harcèlement moral et phy­sique et sont dans un isolement et une souffrance psychique terribles parfois, à moins qu’ils acceptent de devenir des dhimmis. T’as des gamins comme ça, qui petit à petit ne mangent plus de porc, se mettent à s’exclamer « starfi’allah » quand ils rotent ou ponctuent leurs propos de walla, d’inch Allah, etc. Ils adoptent les tics langagiers des dominants quoi. Quant aux autres… Lors d’un de mes remplacements, j’avais un élève de CM2 comme ça, en dépression totale, un gamin de Bretons installés dans cette banlieue depuis 4 générations, je craignais même qu’il se suicide… Du côté de la direction de l’école on me disait « Ouais mais lui il est chiant, il provoque sans cesse et sa mère est pareille, une chieuse limite raciste d’ailleurs méfie-toi… ». Inverse une seconde la situation : on crierait au racisme ! Là non, le Blanc il est raciste, à la limite, c’est normal qu’il expie… Autre exemple, cette instit’ d’origine portugaise qui me dit une fois combien mes propos lui faisaient du bien. Moi, d’origine maghrébine, je pouvais dénoncer tel père barbu en tenue de djihadiste qui te regarde d’un œil torve ou la mère qui t’insulte en te jetant à la gueule le paquet de bonbons que tu viens d’offrir à son fils pour son anniversaire parce que les bonbons ne sont pas halal… Un jour cette instit’ a eu le malheur de dire à une femme que sa petite fille pouvait aller à la mosquée mais pas tous les vendredis et pas à tous les jours de fêtes musulmanes, quand même, peut-être juste une fois par mois car il y avait école et que même en grande section de maternelle l’école était obligatoire et importante pour sa fille qui était mal partie. Depuis une rumeur l’accusant de racisme circule dans la ville et sa cité où sa famille vit depuis des lustres. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue… C’est connu le racisme est l’apanage du Blanc. Tu comprends, soit tu cèdes aux chantages, soit tu es raciste. Or, le racisme c’est tout le contraire : c’est traiter les gens différemment en fonction de leurs origines.

Tu veux dire que sous prétexte de respect des différences, on recrée des inégalités ?

Un exemple : cela fait bientôt deux semaines que Kashan ne vient plus à l’école, je m’inquiète, ce gosse d’origine pakistanaise a mis des mois à apprendre une dizaine de mots de français et à s’asseoir sur une chaise et non en tailleur par terre… La direc­trice finit par contacter un proche de la famille et apprend que le gamin est « en vacances » avec ses parents au Pakistan, il sera de retour dans quelques jours… Déjà le gamin est en difficulté, à la maison on parle ourdou, on ne regarde que la télé du bled, on ne reçoit que la famille, etc. Si en plus il rate l’école… Je fais part des moyens légaux pour faire pression sur les parents. La dirlo et les collègues me rient au nez : « Eh bien, va leur dire toi-même si tu veux quand ils reviendront, hein ? Ils ne comprendront rien, ils parlent à peine 3 mots de français, laisse tomber, ça sert à rien en plus ils sont difficilement joignables, non laisse tomber, franchement tu vas te faire chier pour rien, on est au mois de mai en plus, c’est pas si grave… ». Quatre semaines plus tard, début juin, revoilà Kashan parmi nous vêtu d’un kamis ayant évidemment tout oublié de mes apprentissages d’un autre monde. Impossible d’en savoir plus sur le motif de ce long voyage au Pakistan, le daron au look Taliban a filé comme à son habitude en larguant le petit qui se ballade dans la classe paumé, va vers le robinet et regarde avec étrangeté l’eau couler comme à son premier jour de classe… Bien sûr ces absences ont été signalées à l’Inspectrice comme il se doit et… rien.
Ces anecdotes montrent à quel point en dix ans on est passés des « territoires per­dus de la République » à des portions de villes où les familles immigrées imposent à peu très tout ce qu’elles veulent… et notamment la loi coranique. Ces petites histoires n’ont rien d’original, malheureusement ; passe quelques heures dans une, deux, trois écoles de ces zones et t’en recueilleras à la pelle pour peu que le personnel soit assez en confiance pour te raconter tout ça, parce que la loi du silence à l’Éduc’ Nat’, c’est pire qu’à la Grande Muette ! Surtout autour de ces questions-là. T’as de plus en plus de nanas fraîchement débarquées de province et balancées dans ces classes à do­minante musulmane qui tournent aux antidépresseurs dès leur deuxième semaine de rentrée et c’est parti pour des années avant la miraculeuse mut’ [mutation, pour chan­ger d’académie] que toutes espèrent au bout d’un an de classe à peine, c’est navrant à voir… T’as l’impression qu’elles sont là sans rien comprendre à ce qui leur arrive, à ce qui arrive, qu’elles font de leur mieux, s’en prennent plein la tronche, passent des heures à préparer studieusement leurs « séquences d’apprentissages » qui volent en éclats en un quart d’heure, passent leur journée à hurler et subissent en attendant la délivrance qui un jour lointain arrivera peut-être… D’autres adoptent des postures dé­magogiques et se font balader par des gosses de 8 ans… D’autres encore commencent à voter FN et ne le cachent pas, ça fait bizarre dans un milieu réputé de gauche, t’as même un syndicat d’enseignants affilié au FN maintenant.

On pourrait dire que c’est du fait de la concentration d’immigrés en cer­taines zones…

J’ai rien entendu de tel lorsqu’il y avait, il y a quarante ans et dans les mêmes villes, des quartiers polonais ou portugais, ou espagnol ou breton. Et j’ai grandi dans un quartier chinois, je n’ai jamais vu ça et je ne crois pas qu’on assiste aujourd’hui à un comportement similaire de leur part… Ce n’est pas tellement ça le problème. C’est plutôt comme si le traitement égalitaire que l’école républicaine se doit de réserver à tous ses élèves dérangeait les musulmans qui exigent que leurs particularismes soient pris en compte, et souvent ils obtiennent gain de cause, même si cela handi­cape les apprentissages de leurs enfants. En tant qu’enseignant c’est très difficile de tenir. Par exemple, je ne discute même plus avec les mamans qui ramènent des bonbons halal exclusivement pour leur enfant pour que « leurs valeurs religieuses et culturelles soit respectées à l’école ». Maintenant, j’accepte les bonbons et lors de la distribution je les mélange avec les autres, les enfants qui ont encore en dessous de 7 ans en général n’y font pas attention et c’est tant mieux… « Pas de vagues », c’est ça la règle numéro un. Évidemment c’est un renoncement et ça me dérange profon­dément mais, pour l’instant et dans l’isolement dans lequel je suis, je n’ai pas trouvé d’autre solution… Quand j’étais enfant il ne serait jamais venu à l’idée de mes parents d’avoir de telles exigences envers l’école, on ne mangeait pas de porc à la cantine et c’était là la seule distinction qu’on vivait – d’ailleurs plutôt mal… Parce que pour un enfant l’appartenance au collectif, au groupe est très importante, c’est ça son boulot au gamin : rentrer dans une société, en faire partie et c’est cela entre autres qui est ici rompu à la demande des parents. On va faire des générations de psychopathes. C’est comme si les parents disaient à leurs enfants « Attention : tu es dans leur école, dans leur pays mais il y a eux qui sont haram [impurs], et il y a nous qui sommes halal [purs] et ça ne se mélange pas »… Donc, cette histoire de racisme institutionnel est de l’ordre du fantasme de beaucoup d’immigrés qui font tout pour que ce fantasme se réalise et qui en attendant pratiquent pleinement leur propre racisme.

Purs et impurs, c’est vrai que c’est un discours authentiquement raciste comme on n’en entend plus depuis longtemps…

Il y a clairement un refus de l’altérité, c’est hallucinant, les gamins sont nourris à ça, au sexisme, à la xénophobie, et à la haine du juif : les rares instits de ces banlieues qui sont juifs assimilés ne le disent pas ou restent très vagues sur leurs origines. En décembre dernier, j’ai été effarée d’entendre un petit groupe de petites filles de 8 ans qui se moquaient d’une de leur camarade de classe sur le fait qu’elle fêtait Noël… L’une des petites voulant gentiment la défendre s’est exclamée dans un grand élan de tolérance : « Laissez-la tranquille ! C’est pas de sa faute si elle est chrétienne, c’est pour ça qu’elle doit fêter Noël, c’est pas rigolo, elle est antillaise ! ». Mais il y a aussi un racisme authentique, fondé sur la race : rien de plus raciste qu’une bigote voilée maghrébine, elles peuvent pas saquer les Roms par exemple et rien que l’idée qu’il y en ait, non pas dans la classe de leur enfant, mais seulement dans l’école, leur est insupportable… Les Roms vivent un enfer quotidien dans les cours de récré, ils sont insultés et maltraités par d’autres enfants : j’ai entendu un petit maghrébin de 7 ans dire à un Rom « Tu finiras en prison comme tous ceux de ta race ! » ou encore une autre dire à une petite fille roumaine de 6 ans : « Sale Rom, tes vêtements viennent de nos poubelles… », etc. Alors ils se défendent comme ils peuvent, souvent avec les poings… Et les bigotes bâchées de rappliquer et de vomir leur xénophobie dès que leur gosse est pris dans ces histoires : « On vous l’avait dit ces enfants sont violents, ils pourrissent l’école, je comprends pas pourquoi l’école les prend ! » etc. Pour ces femmes, le gosse de Rom c’est ce qu’il y a de pire, pire encore que les Noirs parce qu’un Noir pour elles, bon c’est un singe, mais il peut quand même être muslim, voir friqué comme elles…Tandis que le Rom, en plus de ne pas être musulman, c’est l’incarnation même de la pauvreté et là c’est trop pour ces femmes qui marient très bien tenues islamiques, Smartphone dernier cri et lunettes de soleil Dolce Gabbana payées par la Sécu. Vis-à-vis des Roms, on retrouve le même mépris qu’ont les sédentaires de la ville pour les tribus pauvres, semi-nomades et semi-islamisées qui subsistent au Maghreb notamment.

Ça recoupe des clivages sociaux, alors ?

Globalement, les plus réactionnaires et les plus revendicatifs sont les parents musulmans maghrébins souvent de classe moyenne. Ce sont eux qui commencent à réclamer plus de « mixité » dans les écoles : comprenez plus de sunnites du même profil économique et social qu’eux, quelques Blancs parce que ça fait chic et que quand même, entre nous, on sait que plus il y a de Blancs meilleur est le niveau donc meilleures sont les perspectives d’ascension sociale, mais surtout, surtout ils veulent beaucoup moins, voire aucun Noir ou Rom dans la classe de leurs gamins. Ces musulmans maghrébins ne sont pas des pauvres et la plupart d’entre eux vivent en France depuis plus de 10 ans quand ils n’y sont pas nés, les élèves primo-arrivants par exemple sont la plupart du temps originaires des pays de l’Est ou de la Chine, depuis deux ans il y en a aussi qui viennent de pays arabes comme la Libye, la Syrie ou l’Irak, de plus en plus, des gens qui fuient les islamistes et leur barbarie mais qui continuent à se revendiquer publiquement de l’islam, les femmes portent toujours le voile et les pères te demandent, prioritairement, dans un anglais approximatif, si la viande à la cantine est halal… Mais les parents les plus revendicatifs identitaires sont ceux qui sont économiquement intégrés, souvent ils sont propriétaires d’un petit commerce et/ou de leur logement, sans parler des propriétés au bled. Et leurs femmes (quelquefois plusieurs, hein !) voilées à qui mieux mieux peuvent se permettre de ne pas avoir d’activité salariée et de partir plusieurs fois dans l’année au bled, sans que cela pose de problème financier au foyer et sans qu’elles soient pour autant privées de relations sociales puisqu’elles sont très bien intégrées à la vie de leur quartier, notamment via la mosquée, voire la municipalité, et que tous les petits commerces sont halal et tenus par des coreligionnaires, évidemment, donc il n’y a pas de problème d’exclusion comme peuvent les vivre d’autres minorités.

Et les musulmans subsahariens ?

Les musulmans d’Afrique subsaharienne, d’une manière générale, sont souvent moins revendicatifs, moins agressifs. D’abord, ils maîtrisent beaucoup moins bien le français que leurs coreligionnaires maghrébins, ils sont moins bien lotis économi­quement et culturellement, ils éduquent leurs gamins et leur gamines surtout dans une sorte d’indifférence à la scolarité. C’est très frappant, ça, et ça me pose souvent des problèmes pédagogiques parce qu’on a l’impression que ces gamins sont posés là en attendant que ça passe, tout leur glisse dessus, rien n’accroche… L’école étant obligatoire jusqu’à 16 ans, ils sont là mais sans y être vraiment, sans comprendre pourquoi ou dans quel but, et surtout chez les gamines qui restent silencieuses. Les mères africaines semblent penser que l’école est une sorte à la fois de PMI [Protec­tion Maternelle et Infantile] et de garderie (ce à quoi effectivement elle ressemble de plus en plus). Que leurs enfants soient bons ou mauvais élèves, tu ne les vois pas, cela ne les intéresse pas – sauf rares exceptions. Ils viennent de sociétés d’origine à statuts où tu n’as pas de mobilité sociale, faut lire l’enquête sociologique de Hugues Lagrange là-dessus, c’est très éclairant… J’ai en tête, par exemple, une gamine d’origine malienne, excellente, une perle rare dans cette classe de grande section de maternelle, à l’aise à l’oral, dégourdie, éveillée, etc., qui savait déjà écrire quelques mots en cursive, eh bien jamais au cours des cinq mois que j’ai passés dans cette classe je n’ai pu rencontrer ses parents pour leur dire directement combien leur fille était brillante. Ils s’en foutent.

Il y a un décalage culturel…

Pas qu’un peu… T’as le père africain aussi qui se radine une fois tous les trente-six souvent après que t’aies mis un mot dans le carnet du gamin, après avoir tout essayé, pour violence répétée ou autre chose ; il décolle une grosse mandale au gamin devant toi et t’explique : « C’est comme ça qu’il faut faire avec lui, vous savez pas faire c’est pour ça qu’il ne vous obéit pas. » Ok, merci du conseil, au revoir. Alors quoi ? Je vais saisir l’Enfance maltraitée, là, c’est ça ? Faire un signalement ? C’est un secret de polichinelle dans le milieu, on sait tous comment ça se passe à la maison pour ces petits blacks, et toi non seulement t’es une nana mais en plus tu ne frappes pas, alors c’est la fête en classe comparé à la maison ou la madrassa du coin où là, ça cogne. En même temps ce qui est très troublant c’est que le gosse va être battu et en même temps gâté pourri, les sorties à Euro Disney ou Central Parc avec le grand frère (ou la grande sœur maintenant que le burkini y est toléré !), les jeux vidéo, la tablette, les télés et toute la camelote matérielle et culturelle abrutissante de l’époque, aucun manque de ce côté-là. Ce sont parfois ces mêmes enfants qui débarquent en tongs à l’école en plein mois de février !

Oui, mais ça, ça doit dépendre du moment de leur arrivée en France…

Non. Ce qui est assez troublant c’est que c’est de plus en plus difficile de déter­miner depuis quand ils sont en France. J’ai été effarée par exemple d’apprendre qu’une maman d’origine sénégalaise vivait dans cette banlieue depuis plus de 10 ans : elle ne parlait pas français si ce n’est une dizaine de mots tout au plus, alors que j’aurais parié que cette maman venait de débarquer de sa brousse il y a quelques mois. Ça pose question quant à la volonté d’intégration et aux capacités de ces banlieues à intégrer à la culture française que plus grand-chose n’incarne dans ces territoires. Il est tout à fait possible aujourd’hui de vivre dans ces banlieues en ignorant à peu près tout de la France et des Français, jusqu’à leur langue, sans pour autant être dans l’isolement : par exemple lorsque je rentre dans l’appartement de mes voisins d’origine sénégalaise, c’est l’Afrique de l’Ouest : la cuisine, la musique, la télé coranique, les gens en visite, la langue parlée, etc. Les gamins tripotent mes cheveux raides, ils ne voient jamais ça… Ça fait quinze ans qu’ils sont là… Et la petite Bintou vient de mettre le voile noir à 11 ans… Cool l’entrée en sixième ! Eh oui, fini de rire ! C’est qu’elle est réglée maintenant la petite… Faudra penser à la marier bientôt, hein… Bref, beaucoup de subsahariens ne maîtrisent que très peu les codes culturels, ce qui certainement participe à la création d’une sorte de complexe d’infériorité vis-à-vis de l’école. Alors peut-être que l’islamisme, pour eux, c’est une manière d’essayer de ressembler aux maghrébins qui siègent en nombre aux conseils d’école de ces ban­lieues, et ils ne se limitent pas à imposer tel fournisseur de merguez halal pour la fête de fin d’année de l’école… Ils se mettent à se pencher sur les programmes scolaires…

Tu veux dire qu’il y a vraiment une dimension militante ?

Très clairement ! Un peu comme les militants du PC de la grande époque, ils sont sur le terrain et très actifs. Ces mamans-là sont très attentives à ce qui se passe en classe, s’intéressent à l’école et pour une part grandissante d’entre elles siègent aux conseils d’école, sans ôter leur voile puisque c’est autorisé. Ce sont des mamans musulmanes militantes, des islamistes, pas des terroristes évidemment, mais qui savent très bien monter au créneau pour adapter progressivement l’enseignement à leurs superstitions. Par exemple lors de la mise en place des « ABCD de l’Égalité » à titre expérimental, j’ai découvert des mamans qui s’étaient informées, mieux infor­mées sur ce coup-là que la plupart des instits. Les imams avaient alors fait tout un boulot de formation et de propagation de fausses rumeurs, les parents étaient remon­tés à bloc, leurs arguments tournaient autour des questions d’homosexualité, en bons homophobes ils craignaient qu’on enseigne aux enfants que cela n’avait rien de grave d’être homo, ou qu’on allait leur « montrer » des sexes ou comment un homme et une femme font l’amour, ou prononcer les mots sexe, vagin, etc. devant leurs petits anges purs. Ils ont gagné ! Ne me dis pas que c’est les cathos : les JRE [« Journées de Retrait de l’École »] organisées par F. Berghoul ont été une réussite essentiellement dans les quartiers d’immigration… Même chose pour l’accompagnement des sorties scolaires, qui sont maintenant ouvertes aux voilées, elles ont gagné, c’est tout, à force de pression. Sans parler des projets d’élargissement du financement des crèches et écoles confessionnelles, etc.

Et du côté de l’institution, des institutrices, des directeurs, et surtout du rec­torat ?

Sur « l’ABCD de l’égalité », ils ont été d’un courage exemplaire : les inspecteurs d’académie invitaient les enseignants à rassurer les parents en leur disant que leur mise en place n’était pas au programme de cette année scolaire, que c’était juste un projet et qu’il n’était pas certain qu’il soit mis en place tel quel, etc. Tu vois ce que je veux dire ? No problem… Je ne défends pas le délire de la théorie du genre, mais là il y avait un truc à jouer. Moi je fais asseoir les gamins en alternant fille/garçon, encore un truc que j’aurais jamais institué dans un groupe d’enfants il y encore une dizaine d’années. Rien que pour ça, des parents me tombent dessus… En fait tout le monde est paniqué, personne ne l’admet alors on se passe un vernis relativiste ou démago­gique, mais c’est un climat de terreur qui règne, une terreur latente.
Un jour, une surveillante de cantine remplaçante est venue chercher les élèves de ma classe au moment du déjeuner, avec son voile de néofasciste de l’hyper-islam sur la tête, bien noir, bien serré. Elle est passée devant des collègues puis devant la direc­trice de l’école tranquillement… Je me lève et lui signale qu’elle n’a pas le droit de porter son truc sur sa tête dans l’enceinte de l’école. Elle me rit au nez, je refuse de lui confier mes élèves, la tension monte et finalement la directrice intervient, prend les enfants jusqu’au réfectoire… où elle les remet à la bigote… « Pour ne pas faire de problèmes, et puis son voile est discret, etc. » tu comprends ? Et c’est lié au reste : Pas mal d’élu(e)s sont d’origine maghrébine, une part importante des enfants scola­risés fréquente assidûment la mosquée du quartier, etc. Le week-end, je croise assez régulièrement mes petites élèves qui ont entre 4 et 11 ans qui se rendent à la madrassa du quartier, voilées, et mes petits gars de 8 ans en djellaba qui te regardent fièrement avec leur tapis de prière roulé sous le bras : c’est totalement déprimant. Du coup en classe t’as des gamins qui réclament littéralement leur claque, te provoquent sans cesse, te prennent pour une imbécile, etc. pour voir si toi aussi tu vas sortir ton gros bâton et leur taper dessus comme l’imam le fait avec eux. Alors quand tu menaces un gamin de l’envoyer chez le ou la dirlo parce qu’il refuse d’obéir à la femme que je suis, évidemment la plupart du temps il se marre…

Il y a de la violence physique ?

Tu débarques ou quoi ? Évidemment qu’il y a de la violence physique quotidien­nement, entre élèves bien sûr, mais surtout des élèves et des parents envers les équipes éducatives, et ça ne fait que monter. Des agressions de directeurs, considérés comme « boloss », j’en ai entendues et vues. À un moment, devant une école élé­mentaire, on avait pendant une semaine la présence d’une « milice » de l’Éducation nationale envoyée par le Rectorat et en charge de protéger les équipes, dont la directrice qui avait reçu des menaces physiques. Ces brigades spéciales ont été créées pour les collèges, à la base, désormais elles interviennent également en élémentaire. La première fois que je suis passée devant ces cinq, six gars costauds, pendant un bref instant je me suis crue à Beyrouth… Les types étaient eux-mêmes étonnés d’être là. Détail croustillant : tous des tronches de Muslim brothers bodybuildés ! L’em­brouille était partie d’une gamine rebelle de 8 ans qui avait menacé des instits et la dirlo de les tuer « parce qu’ils étaient tous nuls » : tout le monde avait rigolé et convoqué les parents. Le lendemain, le père s’est ramené avec ses frères de la mosquée et il leur a dit la même chose… Finalement, après convocation des parents par l’inspecteur d’académie, on a déplacé la gamine dans une autre école de la ville, on était au mois d’avril et c’était déjà son troisième changement d’école.
C’est dans cette même école que je me suis pris mon premier coup de poing d’un gamin de 11 ans, ça m’était jamais arrivé en 20 ans de travail en banlieue avec des mômes y compris avec des ados. C’était mi-janvier 2015, Mohamed (c’était son prénom, donc évidemment il se prenait pour le prophète insulté) était un pauvre gamin embrigadé, antisémite jusqu’aux ongles, qui récitait bien mieux les thèses complotistes que son papa lui avait apprises que le poème du mois de Paul Éluard… On venait de finir un atelier que j’avais préparé sur le Chevalier de La Barre après le 7 janvier (je te passe la réaction des collègues : « C’est qui ça ? ») et le débat qui s’en est suivi (les mêmes collègues : « Hannn ! T’as fait ça ?! Nan, moi je leur ai fait un truc sur la tolérance et le respect !Et j’ai fait attention de pas dire islamistes mais « terroristes » pour pas les stigmatiser »). Le gamin avait été infernal pendant toute la séance, il traitait tout le monde de koufar, surtout moi qu’il identifiait comme musulmane, je ne pouvais pas aborder la liberté de blasphème, c’était trop pour lui, j’ai dû le sortir. La récré qui suivit, il fut impliqué dans une bagarre avec un Antillais qu’il avait traité de « porc », de « boudin noir », etc. Je les ai séparés en mettant Mohamed à part, il en profita pour me décoller une beigne. Bien sûr les parents ont été convoqués par la directrice qui leur a dit « C’est pas bien, vraiment ce qu’a fait votre fils, pas bien du tout ». L’inspecteur machin a été informé et il ne s’est rien passé de plus : le même qui disait aux équipes de direction des écoles de « ne rien laisser passer concernant la laïcité » au matin du 8 janvier. C’est dans ce groupe scolaire qu’une cantinière s’est pris une gifle par un père salafiste en plein service devant les gosses et ses collègues pour avoir malencontreusement servi du porc à son fils la veille ; là encore l’employeur de cette cantinière, une mairie stalino-islamiste, a été d’un courage et d’une réactivité exemplaires : rien ne s’est passé, pas de sanction, tout roule. Ce sont des moments de grande solitude, on dirait que là-haut, ça ne répond plus, il n’y a personne ! La plupart des directeurs ne relayent pas ces inci­dents, « On règle ça en interne », comprenez : « Faut pas que ça remonte car je vais commencer à être mal vu… ». D’un autre côté, et ça peut se comprendre, pourquoi solliciter sa hiérarchie quand on sait, un : qu’elle ne fera rien ; deux : que ça vous signale en tant que mauvais directeur ou enseignant ; et que trois : faudrait pas que le quartier l’apprenne, les pneus crevés, tout ça…

C’est dans ce contexte que tu as vécu les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher.

Tiens, justement, une semaine après j’étais ensuite en remplacement dans une classe de CM1, je demande au directeur de cette école élémentaire où il a affiché la Charte de la Laïcité, obligatoire dans toutes les écoles : « Ah ouais, je l’ai enlevée mais je vais la remettre, j’avais plus de place pour les autres affichages… ». Classe, hein ? Un autre dirlo, à un moment où je fais faire une enquête aux gamins sur les symboles de la République : « Un buste de Marianne ? Une photo du président de la République ? Je ne vois pas de quoi tu parles. J’ai la photo de Ben Ali dans mon bureau mais pas de buste de machinchose… ». C’était un marrant, lui… La seule directrice que j’ai rencontrée qui était très claire sur ces questions et tentait tant bien que mal de ne rien laisser passer avait une réputation de raciste, d’islamophobe dans le quartier et parmi les enseignants maghrébins de son école. Pour tout dire elle était à un an de la retraite et était ravie de se casser enfin de là car l’ambiance devenait de plus en plus malsaine pour elle… Depuis, elle a déménagé.
Bref, pour beaucoup de parents les attentats de janvier, l’application de la fatwa qui pesait sur Charlie Hebdo, c’était le non-événement, il ne s’était rien passé, ou alors la peur, mais pas la peur des terroristes : la peur d’être stigmatisés ! Et bien sûr tout le tralala « L’islam c’est pas ça » et gnagnagna… Agrémenté de l’hystérie anti-juive et complotiste du genre « entre nous on sait qui est derrière tout ça… c’est pour nous salir une fois de plus », et de déverser leur vase nauséabonde, paranoïaque et délirante à propos des juifs qui tiennent le monde, etc. Je n’ai eu qu’un exceptionnel et salutaire « J’ai honte d’être musulmane » d’une maman, deux jours après les massacres – je pense qu’elle s’en est remise, depuis, faut pas trop s’inquiéter pour elle… Du côté des personnels de service et enseignants, j’ai vu une dame de service qui portait le voile habituellement et qui le 8 janvier le retire… « par peur d’être vic­time d’un acte d’islamophobie ». Le lendemain, elle le remet, tout va bien finalement, tranquilles les françaouis en fait ! Ce qui m’a le plus frappée venant des parents c’est leur indifférence au moment de ces événements ; j’ai vraiment vécu cela comme l’expression forte et naturelle du clivage incorporé du « eux » et du « nous ».

Et du côté des gamins ?

Du côté des gamins, il y avait d’abord le « No comment », silence mutique. J’ai organisé quelques débats avec des CM1 notamment, et des CM2 ensuite : « C’est pas nos affaires, on sait pas… ». C’était surtout la réaction des filles, qui étaient quasi­ment prostrées pendant le débat, les petites filles dont les papas sont plus que jamais en tenue djihadiste. Donc elles, c’était plutôt : on attend que ça passe, vivement qu’on fasse des maths. Autre réaction : le « Oui, mais », le « oui mais » des Frères musul­mans : « Oui, non ce n’est pas bien ce que les terroristes ont fait, mais… Mais les journalistes n’avaient qu’à pas… Mais quand même l’islam a été attaqué… » Théorie du complot aussi : « Oui, mais c’est parce qu’Israël… oui, mais c’est parce que les juifs… ». Des gamins de 9, 10 ans fantasmant sur le conflit israélo-palestinien, qui vous en parlent, qui se positionnent clairement. Un exemple de ce qu’ils m’ont écrit (je les fait écrire là-dessus après un débat), je lis : « Ils ont pas le droit de tuer, mais Charlie Hebdo dessine des choses pas bien, donc tout le monde manifeste. La police a pu les arrêter, je suis pas d’accord avec les terroristes parce qu’ils tuent, mais je suis pas d’accord avec Charlie Hebdo car ils dessinent le prophète Mohammed et ça ça se fait pas. » Deuxième petite rédaction : « Moi je pense que les terroristes ont raison car ils n’ont pas besoin de critiquer l’islam. Je pense qu’ils feraient mieux de faire des dessins qui sont sans rapport avec les prophètes et l’islam, et dans les cari­catures, ils vont trop loin. Donc je pense qu’ils feraient mieux d’arrêter ça et ils seront tranquilles. » Voilà. Dernière réaction, c’était donc ouvertement et fran­chement en accord avec les terroristes, y compris dans les dessins… Alors des « Je ne suis pas Charlie », j’en ai eu une quantité aussi, certains avec des terroristes le sourire aux lèvres ; des terroristes qui sont ravis d’entrer dans une armurerie pour acheter leur arsenal, etc.

Aucune remise en cause, donc, pas de doute ni de solidarité ?

C’est très paradoxal tout ça, mais exactement comme au lendemain des attentats du 11 septembre et tous ceux qui ont suivi depuis, au lieu de se calmer et de cesser de se revendiquer constamment comme musulmans dans l’espace public pour ensuite se plaindre de fantasmatiques et/ou insignifiantes discriminations, les musulmans ont paradoxalement surenchéri… Si c’est pas un front commun, ça… Depuis le 7 janvier, la fréquentation des mosquées n’a pas baissé, bien au contraire, et j’ai l’impression (quand j’observe celles de mon quartier) qu’elles font encore plus le plein, le nombre de petites filles voilées est en constante augmentation, c’est très loin de reculer… Apparemment, il n’y a que moi qui soit si sensible au manège étrange de cette maman en burqa qui traverse nonchalamment la cour de l’école maternelle le lendemain du massacre de Charlie Hebdo… Le port du voile de plus en plus ostensi­blement est en train de devenir la norme, comme la barbe aussi, hirsute ou clean, qui descend jusqu’au nombril ou taillée carrée, devient un marqueur obligé… C’est l’ex­trême droite musulmane qui s’affirme tout simplement et l’éducation est un domaine qu’ils surinvestissent, même la très laïque Ligue de l’Enseignement s’est faite infiltrer un temps par les Frères musulmans.

L’extrême droite musulmane qui s’affirme…

Je vois régulièrement des mamans se voiler sous la pression d’autres, en cours d’année. C’est très concret comme avancée… T’es pas voilée, t’es une mauvaise mu­sulmane, t’es une mauvaise mère, pour ne pas dire une pute, etc. Alors les couardes finissent par céder, on dirait qu’ils ont tous un flic de l’État Islamique qui les suit partout, une sorte de Daech mental. T’as des nanas algériennes qui ont la cinquan­taine, très courageuses, musulmanes comme ma grand-mère pouvait l’être, c’est-à-dire détendues, ouvertes, franches, la foi du charbonnier quoi, qu’ont monté un collectif « femmes sans voile » pour qu’on cesse de les insulter et de les agresser parce qu’elles ne portent pas le voile ou encore d’autres qui militent pour ré-instituer la mixité dans les bars de ces villes… Ça en est là, le combat féministe dans ces territoires, tu vois le niveau de régression qu’on a atteint !

Et les syndicats d’enseignants ?

Pffff… Pourquoi tu me parles de ceux-là ? Ils sont enfermés dans leur démagogie et leurs petits calculs. Ils ne savent que te dire que le problème est économique et blablabla, rien de culturel (on dirait que, pour eux, le mot « culturel » équivaut à « inférieur racial ») et puis après ils te servent leur discours sur les conditions socio-économiques du ghetto, le manque de moyens, le manque de postes, etc. Connards. Donc eux leur discours se réduit à des moyens, des moyens, etc. Leurs réunions, leurs AG, leurs actions sont pleines d’islamistes mais ils pensent que c’est une mode ou qu’ils vont les doubler… Tu parles. Faudra pas pleurer si le FN se radine…

C’est pas nouveau que les syndicats ne s’intéressent pas à la base…

Bien sûr. Quand tu lis les monographies des types qui faisaient de la Pédagogie Institutionnelle dans les années 60-70 dans ces mêmes banlieues, les Fonvieille, les Oury, les J. Pain… ils pouvaient avoir des classes de plus de cinquante élèves avec des budgets et des moyens pédagogiques dérisoires, mais ils rencontraient beaucoup moins de problèmes que nous en classe car ils avaient à faire à une culture commune : la culture prolétaire et les parents immigrés à cette époque-là même s’ils étaient non francophones visaient réellement l’intégration de leurs gamins et avaient un profond respect pour les maîtres et les maîtresses… Faut lire Cavanna…
À la rentrée 2014 on m’a proposé un poste à l’année, sur un CM2 dans l’école du quartier où je vis et où je suis déjà le contre-exemple pour toutes les beurettes bigotes et les lapinistes islamistes : je fréquente des Français, j’achète de l’alcool, je ne veux pas avoir d’enfants, etc. Déjà que les daronnes m’ont en grippe, si en plus je leur refuse les passe-droits et les cours particuliers qu’elles exigent, ça va être l’enfer… Parce que c’est ça, hein, un prof : c’est quelqu’un qui doit te servir notamment à magouiller avec l’Éduc’ Nat’, avec la Mairie, la CAF, etc. Alors un prof rebeu ! C’est double ou triple trahison du clan !
Bref aujourd’hui comme je te disais, tu vas avoir des classes avec 20 nationalités différentes. Parfois, je suis complètement perdue face à certains élèves, c’est moi qui n’ai pas les codes, comment son psychisme fonctionne à celui-ci ? Qu’est-ce qu’il a vu, ce petit Afghan arrivé il y a six mois, prostré, mutique et balancé dans ce qu’on nomme de plus en plus entre nous « nos cours des miracles » de classes ? Il faudrait se former à l’ethnopsychiatrie mais pour chaque culture et sous-culture tribale ! Et encore moi, je suis un peu moins dans la mouise parce que j’ai une double culture franco-maghrébine et musulmane donc je m’en sors à peu près au moins avec les gosses de maghrébins – les Français ne comprennent rien à ce qui se passe… Avec les petits, ça les met en confiance de croire que je suis musulmane comme eux, avec les grands c’est le contraire quand ils comprennent que je suis une « apostate »,donc condamnée à mort par leurs parents, parce qu’ils m’ont croisée avec une clope pendant le Ramadan… Évidemment, là encore la question de l’immigration et des problèmes qu’elle pose dans ces quartiers, à l’école et pour nous enseignants ne se pose jamais, trop incorrecte politiquement, pourtant va bien falloir l’aborder. Parce que si on tire le bilan de l’accueil d’Algériens en France qui fuyaient la décennie noire et la barbarie, il n’y a pas beaucoup de Mohamed Sifaoui, de Dilem, etc. Pour revenir à l’école, je crois que les syndicalistes ne comprennent pas ce qui se passe ou ne voient pas les problèmes autres que matériels.

Tu penses que les syndicalistes ne comprennent pas ce qui se passe ?

Ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre, ou comprennent trop bien… C’est connu, l’hypocrisie gauchiste face à la carte scolaire : vive la diversité heureuse mais pas avec mon enfant… Du coup, les syndicats demandent des postes toujours plus de postes sans prendre en compte cette dimension culturelle… Sur les JRE on ne les a pas entendus non plus, ça la foutait mal pour eux que ce soient non pas des familles réac’ catho’ qui suivent le mot d’ordre mais des immigrés musulmans ! Du coup silence radio. Dernièrement je suis passée dans une de leur manifs à la con lors d’une énième journée de grève des enseignants-gnan-gnan qui réclament des po-postes : figure-toi qu’au moment de marquer une pause devant la mairie de la ville, une dizaine de gauchistes s’est radinée avec des pancartes sur lesquelles étaient ins­crits des slogans en arabe, s’il te plaît, et en blanc sur fond noir ! En pleine extension du territoire de l’État Islamique ! Voilà c’est ça en gros le paysage du côté des forces syndicales ou politiques face à ce qui se passe dans les quartiers, on voit rien, on fait comme si, on recule. Mais plus on recule, plus ils avancent : Vallaud-Belkacem abroge « l’ABCD de l’égalité » ? Immédiatement après des voix se sont élevées pour demander l’abrogation de la loi de 2004 sur le port de signes religieux… Tu acceptes qu’ils aient des menus spéciaux sans porc à la cantine ? Ils te demandent maintenant des bonbons et des œufs halal… C’est la guerre, ils ne vont pas te dire merci…

C’est la guerre, d’après toi… Comment en est-on arrivés là ?

Bah, du côté musulman, c’est pas dur, il faut regarder l’état de ces pays depuis une quarantaine d’années : pour eux, c’est la guerre depuis longtemps, contre les juifs, les coptes, l’Amérique, les Français… La question c’est plutôt comment se fait-il qu’on soit incapables d’y faire face, ici, en France… Parce que, simplement, les discours qui prennent acte de ce qui se passe, il n’y en a pas beaucoup. Marine Le Pen se saisit, elle, à sa manière, des questions qui préoccupent réellement les classes populaires franco-françaises, mais pas qu’elles, qui dans certains territoires se sentent complète­ment abandonnées par la gauche moralisatrice. Vous en avez marre, et c’est tout à fait sain, d’être le seul « Blanc », ou même non-musulman, de votre cité, entouré d’étrangers qui en plus refusent la culture française, à la limite vous méprisent d’être encore là, et, cerise sur le gâteau, se renouvellent en permanence, parce que dès qu’ils ont du fric, ils se cassent pour aller habiter ailleurs ou mettre les gamins dans le privé, si possible musulman, eh bien vous ne devez pas ressentir cela sinon vous êtes un méchant raciste, vous n’êtes pas dans le coup, pas dans le bain de la « mondia­lisation heureuse », bref vous êtes un petit réac’. Dans certaines villes de banlieues où sur 25 000 habitants il n’y a plus que tout au plus une petite centaine de Français qui sont là depuis au moins 3 générations… C’est une réalité géographique, dans ton train de banlieue tu croises un Blanc tous les 36 du mois depuis des années maintenant et les lois de la République deviennent optionnelles. Les chantres du capitalisme, les Attali, etc. sont ravis des migrations historiques qu’on vit en ce moment, ils sont ravis de voir se dissoudre le peuple en une multitude de lobbies ethniques et de petits clans et autres gangs car en face il n’y a plus grand monde qui veuille faire société. La seule dimension culturelle française semble se résumer à la culpabilité : être coupable et redevable des crimes de ses ancêtres – genre, les Arabes sont des enfants de chœur et ont construit un empire en appelant à l’amour universel ! Bref, le Français n’est pas celui qui se réclame des Lumières, des révolutions, de la lutte des femmes, etc. et qui est habité par certaines valeurs héritées de ces combats, mais c’est celui qui a intégré qu’il est coupable et qu’il doit demander pardon constamment. Ça fait quarante ans que c’est là, mais là on commence à en voir les résultats législatifs : les lois mémorielles, la discrimination positive, la traque du racisme onirique, la culture de l’excuse, et maintenant le retour du blasphème. Je connais même des Fran­çais qui dans des contextes où ils sont minoritaires ont honte de dire qu’ils le sont depuis plusieurs générations.

On a du mal à se sentir dans le pays de 1789…

Pire ! Je suis à chaque fois choquée de voir que les descendantes des Olympe de Gouges, des Communardes, du féminisme des années 60 etc. sont des femmes rava­gées par le consumérisme et le conformisme. Un exemple tout bête, j’ai fait le choix de ne pas avoir d’enfant et aujourd’hui, contrairement à il y a une trentaine d’années, c’est un choix qui te fait vivre un véritable enfer en terme de pression sociale de toute part y compris dans le milieu enseignant censé être ouvert. Je te passe sur les ma­mans maghrébines qui, la main sur ton épaule et l’air compatissant, te disent : « Inch Allah tu vas en avoir un, au moins un, c’est Dieu qui décide, ma fille, c’est pas toi »… Alors je comprends parfaitement qu’on puisse vouloir être parents, un gamin ça peut donner de l’espoir et le sens des responsabilités à ceux qui en seraient dépourvus ou une occupation ou que sais-je encore… C’est pas parce que je ne veux pas de gosse que je ne comprends pas qu’on en veuille et que je regarde ceux et celles qui se lancent dans l’aventure comme des anormaux pathologiques (quoique, dans certains cas…). Mais l’inverse n’est pas possible. Quand tu débarques dans une école, assez rapidement les collègues posent la question, pas de problème de mon côté pour y ré­pondre, j’argumente mais souvent ça crée une sorte de peur panique y compris chez les mecs : en face, ils n’ont finalement aucun argument valable à leur choix d’enfant, la question ne se pose pas, c’était dans l’ordre des choses et puis c’est sympa un ga­min, ça peuple ta vie… Donc du coup tu passes pour une extra-terrestre, ou la pauvre nana stérile ou la méchante petite égoïste – soit dit en passant j’aimerais bien rencon­trer des parents dont la progéniture ne soit pas un signe de leur réussite sociale ! Bref, tu veux pas de marmailles pathologiquement ego-centrés, maniaco-dépressifs, hyperconnectés, hystériques, etc., eh bien ce choix est in-entendable pour ces lapi­nistes. C’est même plus un enfant à tout prix mais mes gènes à tout prix, la PMA, la GPA, et toute la quincaillerie, et toi si t’es pas là-dedans t’as un gros problème psy que tu rationalises plus ou moins bien, point barre ! Bon, les gamins d’aujourd’hui, c’est ce qu’on enseigne à l’IUFM, c’est 10 à 15 minutes d’attention, hein, pas plus, faut changer d’activité tous les quarts d’heure, sinon hop ça zappe ! Et du coup c’est le chahut, les conseillères pédagogiques nous le disent : si vous êtes dépassés par des problèmes de discipline dans votre classe c’est entièrement votre faute, vous n’êtes pas assez ludiques, vos activités sont trop longues, comprenez votre enseignement ne ressemble pas assez à un jeu vidéo, faut que ça pulse… Une concentration maximale de 10 à 15 minutes, tu te rends compte… Ça correspond à rien, même pas au bon travailleur soumis que l’école capitaliste voudrait former ! Même les publicitaires râlent de n’avoir plus que 8 secondes d’attention soutenue contre 15 il y a dix ans ! Les manuels scolaires ressemblent de plus en plus à des BD pour demeurés, les écoles à des centres de divertissement dans lesquels la transmission laborieuse du savoir devient optionnelle voire suspecte.

C’est l’effondrement occidental…

C’est ça, donc face à ce vide et à cette régression occidentale, effectivement, l’idéologie islamiste sexiste, entre autres, n’a aucun mal à se déployer. J’ai pris l’exem­ple des femmes parce qu’en tant que femme c’est celui qui me désole le plus, mais c’est pareil pour d’autres thèmes, même régression… Alors pour faire face à la catas­trophe de la ruine de l’école on va mettre « plus d’adultes par classe » : là où ça craint le plus, tel adulte sera affecté à l’intégration des enfants non francophones, tel autre aux enfants en difficulté et, comme je disais, le must, la solution « pédagogique » que nos élites ont trouvée pour gérer tout ce bordel, c’est le techno-scientisme, le numérique à l’école et tout le bazar : des grilles de compétences et des évaluations bidons en-veux-tu-en-voilà qui sont comme autant d’écrans plasma de fumée jetés sur une réalité dérangeante. Les syndicats sont ravis, plus de postes, plus de formations bidons, plus de machines qui ne servent à rien comme les « tableaux numériques », etc. mais quand tu vois le recrutement de ces deux dernières années dans certaines académies, tu flippes… J’ai partagé une classe avec un collègue contractuel : « Bijour les zonfont ! », c’était un Algérien récemment installé en France avec son Master 2 algérien de management en poche, qui n’avait jamais vu de groupe de gamins de sa vie, un matin Pôle Emploi l’a contacté et le lendemain, hop, il était dans une classe. Véridique. Même les daronnes voilées se sont plaintes de lui mais très gentiment ! Imagine si c’était un Blanc ! ou un juif ce qu’il aurait pris !… Bref, on met en place un tas de prothèses techno-pédagogiques, des brigades de conseillers pédagogiques pour former en panique ces enseignants débutants dont il s’avère qu’ils ne maîtrisent pas les savoirs ou même la langue qu’ils sont censés ensei­gner. Dans les classes où on m’a envoyée « éteindre les incendies » après le passage de débutants dont les classes étaient devenues des cages aux fauves, je suis tombée dans les carnets sur des mots destinés aux parents bourrés de fautes d’orthographe… Je travaille dans une zone qui semble s’autodétruire à tous les échelons, comme si c’était planifié, mais à un tel point qu’aucun État ne pourrait le faire, ni aucune puissance d’aucune sorte. C’est l’histoire qui avance – ou recule, plutôt…

Tu décris quelque chose de difficilement imaginable pour ceux qui n’y sont pas confrontés directement…

Les gens à qui j’en parle ne me croient pas, ou alors oublient vite, dans tous les cas, ils ne prennent pas la mesure de ce qui est en train de se passer, ni en intensité, ni en étendue. Autour de mon quartier dans un rayon d’un kilomètre tu as 4 mosquées officielles, dont deux gigantesques, flambant neuves, avec minarets et dômes surplombant le quartier. Les bien-pensants jouent les vierges effarouchées en voyant des milliers de gamins tentés par le Djihad : mais ceux-là ont grandi il y a quinze ou vingt ans, même avant, et n’ont vécu que le dixième de ce qui apparaît depuis, on va dire, les soulèvements arabes, c’est-à-dire des gamins qui naissent littéralement enrô­lés et cernés, dans la famille, dans le quartier, à la mosquée, à l’école coranique, dans les cours de récré, sur internet, etc. Tu ne peux plus prononcer le mot « vin » sans provoquer émoi et hostilité dans la classe. Et la lecture des « Trois petits cochons » rencontre une incompréhension profonde : ces gamins ne peuvent pas s’identifier… Je ne te dis rien de très original, des rapports sur les crispations musulmanes et les problèmes que cela pose dans l’enseignement (et aussi dans d’autres secteurs) s’em­pilent sur les bureaux des plus hautes autorités depuis au moins 15 ans maintenant. On en a encore pour quelques années, hein…

Tu ne penses pas que les choses peuvent s’arranger, d’une manière ou d’une autre ?

Ok, peut-être, j’espère, mais je ne vois pas par où. Peut-être que cette jeunesse élevée dans la bigoterie, le rejet de la différence et la haine fondamentale du pays d’accueil vivra sa crise d’adolescence en opérant une rupture d’avec les « valeurs » de ses parents, une sorte de Mai 68, qu’on attend chez les arabo-musulmans depuis quarante ans ! Et qui foutrait en l’air la vindicte anti-juive, le patriarcat caricatural, le racisme, les superstitions, etc. Ça c’est possible, et ce serait la seule porte de sortie viable, mais il faudrait un contexte favorable. Les années 60 étaient des années fastes en Occident et contenaient une contre-culture qui héritait des mouvements contesta­taires des siècles passés… et ce qui nous attend, c’est plutôt des crises, notamment économique, à répétition, qui n’ont finalement pas commencé ici, contrairement à ce que racontent les gauchistes… Et comme les immigrés, ceux qui fuient la guerre y compris, sont venus chercher la prospérité, hein, c’est pas vos brochures à la con qui les intéressent ! je doute qu’ils réagissent de manière solidaire.
En fait, le grand pari de ceux qui se refusent à voir l’islamisme, à en mesurer l’am­pleur, c’est de se dire que les musulmans vont se faire bouffer peu à peu par la société de consommation, comme tous les mouvements subversifs, qu’ils finiront bien par s’intégrer d’une manière ou d’une autre. C’est une tendance qui existe, c’est clair que le nihilisme consumériste arrache des musulmans à leur délire mais ça ne propose pas grand-chose comme sens de la vie… Et assez vite, on se retrouve en face de son propre vide, qui se creuse, qui se creuse… Et les bibelots ne suffisent pas, et n’em­pêchent rien : ce qu’on voit, d’ailleurs, c’est qu’Al Banna militait avec des journaux, Khomeney et le FIS avec des cassettes audio et vidéo, aujourd’hui c’est YouTube, les tablettes, et toutes leurs saloperies technologiques, bref ça n’a fait que s’amplifier. Et les barbus ou les crypto-barbus, comme les bigotes bâchées, s’intègrent à grande vitesse : on les trouve à tous les postes, ils pénètrent quasiment tous les secteurs, le fait par exemple d’être professeur de linguistique dans une université française et d’occuper dans le même temps des fonctions d’imam en banlieue ne choque même plus : on aura bientôt des inspecteurs et des inspectrices Frères Muz’, qui joueront les médiateurs dans ces territoires. Il faudrait une révolution des mentalités arabo-musulmanes, mais pour l’instant je vois rien de signifiant qui va dans ce sens…

Pour toi la solution ne pourrait venir que d’une révolution dans les mentali­tés arabo-musulmanes ? Et quelle serait-elle ?

Je vois trois obstacles à renverser. D’abord il faudrait qu’ils clarifient leur présence en France : les descendants d’immigrés ne savent pas ce qu’ils foutent là, leurs parents ne leur ont jamais dit pourquoi ils ont émigré et choisi de vivre en France. Il faudrait que ça soit clair : on n’a pas été déportés, on a fui les mentalités, la cor­ruption, le clanisme, la tartuferie, etc. de nos pays qui venaient pourtant d’obtenir l’indépendance. Et nous voilà ici, dans un pays qui a bien voulu nous accueillir, alors nous allons devenir français, progressivement, de génération en génération, comme tous les immigrés depuis des siècles. À plus grande échelle, ça recoupe bien entendu toute l’ambivalence des pays arabo-musulmans vis-à-vis de l’Occident, à la fois admiré et haï à un point indescriptible, et qu’il faudrait assumer pour en faire une force de changement.
Ensuite, il y aurait la structure familiale, vécue comme un refuge dans « ce pays de Koufar » avec à son centre ce patriarcat légendaire qui a été rendu surpuissant, tyrannique, par l’exil. Le père se retrouve sans égaux qui équilibrent son pouvoir. En ce sens, le communautarisme est une sorte de retour à la normale… Amoindrir le patriarcat, ce serait évidemment redonner une place aux femmes, aux mères, aux filles, aux sœurs, aux amies. Redevenir humains, quoi…
Et enfin, dernier point, c’est évidemment le rapport au Coran, qui a été vécu par les générations précédentes sur un mode très détendu, très lâche, très distant et qui se crispe aujourd’hui. Il faudrait rompre avec ce que notre culture a de plus régressif, sa dimension religieuse dont les maghrébins sont pour l’instant le plus fiers. Voilà. Mais tout ça se fera difficilement dans un Occident en léthargie, qui renie lui-même sa propre culture ou plutôt toute sa culture émancipatrice et ne retient, lui aussi, que sa part la plus aliénée et destructrice.

Mais tu penses que c’est possible tout de même ?

De moins en moins, dans cette ambiance totalitaire. Pour l’avoir vécu personnelle­ment, cette rupture d’avec ce qu’il y a de plus aliénant, de plus xénophobe dans nos cultures d’origine est extrêmement compliqué, l’issue systématique pour qui fait le pas étant un grand isolement. Mais cela est d’autant plus difficile que les dhimmis, la Gauche molle et ses islamo-gauchistes, usent de tous les moyens pour étouffer ce désir d’émancipation, te maintenir dans tes déterminismes en excusant tout, et ça constitue pour moi une prise en tenaille extrêmement violente. Et en tant que femme évidemment c’est encore plus compliqué : en gros, si tu penses ce que tu penses et vis ce que tu vis c’est qu’il y a un mâle blanc derrière toi (peut-être même un juif) qui te manipule à ton insu : c’est le sexisme, que j’ai pu vivre notamment venant de types militants français se disant révolutionnaires…
T’as des gens comme ça dégoulinants de bons sentiments qui t’infantilisent en te renvoyant sans cesse aux crimes du colo­nialisme (occidental évidemment !) comme pour te culpabiliser de rallier l’ennemi, c’est-à-dire eux-mêmes, et de choisir l’assimilation. Ça les ennuie, au fond, que tu assumes une grande part de l’héritage français que tu fais tien, et qu’ils semblent haïr, que tu sois leur égale et que tu refuses la posture de victime bien commode pour leur petit narcissisme. S’il y a un vrai racisme occidental, c’est celui-là, c’est ça, la vraie assignation identitaire. Avec un Lepeniste au moins c’est clair, mais là c’est un ra­cisme qui se pare d’une pseudo-bienveillance, ce qui le rend d’autant plus odieux.
Bref, il faudrait que les franco-français réalisent que c’est une guerre déclarée depuis bien 30 ans maintenant. Cela impliquerait évidemment qu’on adopte enfin une posture moins « chrétienne », si je puis dire, et surtout plus politique vis-à-vis de l’islamisation en cours, qu’on ne combattra pas en se recueillant après chaque attentat islamiste et en allant ensuite bouffer chez le salaf’ sympa qui tient le kebab du coin.

Et toi, qu’est-ce que tu vas faire ?

Moi je ne repars pas à la rentrée de septembre, il y a de grandes chances que cette académie ne recrute plus ou très peu de contractuels maintenant que tous les postes sont pourvus par des titulaires recrutés en nombre par voie de concours avec un seuil d’admission à 4 de moyenne ! Mais même dans l’éventualité d’une ré-embauche, je ne pense pas reprendre, je ne me vois pas poursuivre ma mission dans une école où tout est organisé pour t’empêcher de transmettre réellement, où si tu prends vraiment au sérieux ta tâche tu es suspecte, voire ostracisée et sanctionnée.
Mais surtout, je vais très prochainement changer de lieu d’habitation, parce que je tiens à mon intégrité physique et mentale, parce que ç’en est là dans certains territoires, ça devient juste invivable pour les femmes qui ne sont pas dans la norme islamique, qui ne se soumettent pas au diktat du machisme agressif quotidien et prétendent garder un minimum de féminité et de liberté, et ça ne fait qu’empirer au fil du temps, je n’ai pas l’âme d’une martyre et le rapport de force n’y étant pas…
Personnellement, tout ça finit par me miner, je ne vois même plus ce qu’il reste d’agréable dans cette banlieue ou dans mes classes, ces petits miracles pédagogiques : ce petit Africain battu dont je te parlais, qui se met à parler et à écouter attentivement les autres au bout de trois semaines de Quoi de Neuf, qui ne se tord plus dans tous les sens, qui ne frappe plus personne, qui ne casse rien ; les seules vingt minutes de la journée où il est avec nous, où il n’est pas en guerre contre à peu près tout et tous… Ou l’autre, le petit Afghan, sonné, inexpressif, hypotonique – « ta plante verte » comme l’appellent mes collègues – qui pour la première fois, au bout de 4 mois de classe, t’esquisse un sou­rire à peine perceptible parce qu’il vient de réussir un exercice…

Bien sûr ce sont des moments qui te rechargent et dans le même temps qui te dépriment car tu vois bien, surtout en maternelle, que les gamins veulent tous apprendre dans une société où à peu près tout est fait pour les en empêcher : je ne connais pas de gamin (hormis les psychotiques sévères) qui ne veuille ni s’intégrer à la société dans laquelle ils vivent, ni grandir, je ne vois que des « adultes » qui y font obstacle comme probablement jamais dans l’Histoire. Quand, de ce fait, tu finis par avoir honte d’être un adulte en face de ces gosses jetés dans un monde où tout s’effondreetoù n’émerge toujours rien d’autre que la barbarie, qu’elle soit douce ou décomplexée, ce métier devient doublement impossible même en ayant recours aux drogues légales ou illégales comme le font quotidiennement de nombreux collègues épuisés nerveusement et physiquement. Nous sommes retombés dans la pré-histoire de l’école républicaine alors que nous devons affronter un nouveau fascisme.

Juin 2015

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