Read More 1Parce qu’elle ne cesse de se modifier et/ou d’évoluer (tout dépend de la façon dont sont perçus les phénomènes linguistiques), la langue est un système mouvant qui, la plupart du temps, se fait le reflet des transformations de notre société. Dans Appelons un chat un chat ! Françoise Nore se penche sur les changements, dans notre langue française, liés au « politiquement correct » et signe un ouvrage aussi plaisant qu’instructif, qui amène des pistes de réflexions liées à la linguistique mais aussi, et peut-être surtout, au sociologique. 2F. Nore est docteure en linguistique, spécialiste de lexicologie, et traductrice. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur la langue française, parmi lesquels le Dictionnaire du bon français contemporain (Paris, Éd. Les Cent Chemins, 2019) et le remarqué Bizarre, vous avez dit bizarre ? (Paris, Éd. de l’Opportun, 2020). Sa dernière publication, qui invite à nous interroger sur le mauvais usage des mots, propose de revenir sur la notion du « politiquement correct » et sur les transformations linguistiques qui en découlent. 3Justement, l’introduction permet de définir ce concept né dans les années 1970 aux États-Unis et dont la vocation est d’effacer du langage courant des termes pouvant être perçus comme offensants et remplacés par des mots plus flatteurs ou, au pire, moins dégradants. Cette notion d’adoucissement, si elle élimine ce qui blesse, atténue cependant une réalité à laquelle on évite, par là même, de se confronter. Ainsi F. Nore commence-t-elle par appréhender les différents moyens de production de ces éléments issus du « politiquement correct » : le remplacement pur et simple d’un mot perçu comme dévalorisant (« assistante » pour « secrétaire », p. 8) ; l’euphémisme, dont l’aspect parfois trompeur n’est plus à prouver ; la périphrase qui s’appuie sur le contraire d’un mot existant pour en atténuer la réalité (ou comment le SDF – sans domicile fixe – est venu supplanter le clochard) ; enfin, les anglicismes qui ont permis à l’escort-girl de se substituer à la prostituée. L’enjeu de l’ouvrage est non seulement de montrer combien cette tendance revêt une dimension superficielle – notamment parce qu’elle annihile toute spontanéité – mais aussi de mettre en valeur la rapidité des évolutions linguistiques, puisque certains euphémismes à la durée de vie très brève se voient rapidement remplacés sous prétexte qu’ils recouvrent, à leur tour, une signification péjorative (l’auteure donne l’exemple de « vieux », devenu « personnes âgées » avant de se muer en « seniors »). Précisément, l’introduction permet de poser les limites de ce langage politiquement correct. En effet, à trop vouloir protéger certaines minorités, nous finissons par attirer l’attention sur elles. De plus, cette tendance langagière enjolive des réalités et, par répercussion, influence la pensée, y compris au sujet d’éléments pourtant dénués de connotation négative au fondement (par exemple, la cantine devenue le « restaurant d’entreprise » p. 14). Ces constats amènent l’auteure, et donc le lecteur, à se demander s’il n’est pas question, ici, d’une véritable langue de bois, communément acceptée car établie par l’usage. 4Dans une première partie (p. 17-165), intitulée « Bienvenue dans la novlangue » (en référence au célèbre roman 1984 de George Orwell), F. Nore expose un grand nombre de termes ou d’expressions dont l’objectif est de ne pas blesser, et qui se retrouvent dans des domaines aussi variés que la politique, la santé, le social ou la vie quotidienne. Un des exemples les plus probants est la désignation de certaines professions, dont la visée première est de dissimuler la déconsidération du labeur. En témoigne l’« agent de traitement des déchets » (p. 31) qui remplace le dévalorisant « éboueur » et qui illustre parfaitement ce refus d’affronter certaines réalités, écartant ainsi toute possibilité de polémique. 5Beaucoup plus courte (p. 166-209), la deuxième partie, « Des mots pour d’autres réalités », donne de nombreux exemples d’usages terminologiques visant à recouvrir d’un « vernis mélioratif » (p. 168) des réalités pourtant peu, voire pas, désagréables. Le procédé d’euphémisation fait alors œuvre de dissimulation en politique (acheter des voix revient maintenant à « développer le réseau associatif » p. 182), dans les médias ou la publicité (des « modérateurs d’appétit » semblent recouvrir une réalité moins brute que les « coupe-faims », p. 194). Deux pages sont consacrées aux slogans moralisateurs liés à la santé (« Fumer tue » p. 177) et qui orientent certains comportements et peuvent même engendrer une culpabilité au quotidien. 6« Mots et expressions flatteurs » (p. 211-261), au titre révélateur, revient sur un certain snobisme langagier qui consiste à faire naître des expressions qui édulcorent une réalité pourtant positive. Ainsi le camping est-il devenu l’« hôtellerie de plein air » (p. 233), gagnant de la sorte un sérieux apparent. Là encore, F. Nore offre un savoureux éclairage sur nos usages, y compris dans la vie de tous les jours puisque deux pages sont consacrées aux cartes des restaurants, dans lesquelles la traditionnelle salade est aujourd’hui désignée comme une « fraîcheur de saison ». 7Enfin, la quatrième et dernière partie (p. 262-274) expose comment le « politiquement correct » engendre une « descendance » à travers les mots fourre-tout et les buzzwords. Les premiers désignent des termes dont l’usage excessif a démultiplié les sens et pour lesquels il se révèle complexe de saisir les tenants et les aboutissants en l’absence de contexte précis. Tel est le cas de « bio », diminutif de « biologique » aujourd’hui employé à toutes les sauces de telle manière qu’il en est devenu, de façon abusive, synonyme d’« écologie ». Les buzzwords, quant à eux, sont originairement des mots clés qui qualifient aujourd’hui des expressions à la mode. Particulièrement utilisés en marketing ou dans les discours politiques, ils n’ont qu’une seule signification mais celle-ci se révèle difficilement compréhensible au premier abord. Le buzzword est emprunté à l’anglais (la « formation en ligne » est devenu le « e-learning », p. 270), au vocabulaire ancien (« sérendipité », par exemple) ou né d’un assemblage oxymorique, comme en témoigne la « croissance négative » (p. 273) ; néanmoins, sa dimension jargonnante n’a pas une vocation informative, mais crée plutôt une distance puisque, s’il témoigne d’un apparent sérieux, il ne se trouve réservé qu’à l’usage d’initiés. 8L’organisation générale de l’ouvrage, découpé en parties à l’intérieur desquelles est expliqué un grand nombre de mots, par ordre alphabétique, laisse une liberté très appréciable et permet, si besoin, de cibler sa lecture sur quelques expressions. Le propos général peut concerner tout un chacun et donne l’occasion de revenir sur un phénomène dont tout le monde s’étonne, mais que très peu questionne. F. Nore constate, explique et discute avec une bonne dose d’humour, ce qui lui permet de s’adresser à un très large public. Elle n’entre pas dans des considérations linguistiques poussées à l’excès et offre, pour chaque terme exposé, un éclairage qui laisse au lecteur la liberté de se rendre compte de la récurrence de cette pratique, ou du moins dans quelle mesure le « politiquement correct » a envahi nos habitudes. Cette adaptabilité du propos ne peut qu’être appréciée. Néanmoins, il ne faut pas s’y tromper : l’auteure expose une problématique bien moins légère qu’elle n’y parait, puisque les mutations linguistiques qu’elle relate sont symptomatiques d’une société qui refuse, aujourd’hui, de se confronter à certaines réalités et, par répercussion, de les nommer. Ainsi est-on amené à s’interroger sur cette forme de langage qui, à long terme, tuera peut-être la langue française, comme le laisse à penser la quatrième de couverture de ce livre. Page 2 42 | 2022Explorations, nouvelles frontières ? Explorations, new frontiers ? Dans le Dossier, les auteur·es examinent les nouvelles frontières dans les domaines des institutions scientifiques, de l’exploration spatiale ou de la société. Dans les Échanges, plusieurs contibuteur·rices répondent à la question de l’urgence dans la recherche initiée dans la livraison 40. Six Notes de recherche traitent de la géolocalisation entre adolescents, les vidéos de debunking sceptique, des mécanismes du prestige sur les réseaux sociaux, du traitement de la press(…) 41 | 202220 ans, 10 questions, 20 réponses À l’occasion des 20 ans de la revue, le comité de rédaction de Questions de communication pose 10 questions, chacune consacrée à une thématique d’actualité. En invitant deux chercheur·es à répondre à chaque interrogation, ce sont des approches complémentaires qui sont proposées et ouvrent des perspectives. 40 | 2021Plateformiser, un impératif ? Platforming, an imperative? Dans le Dossier, les auteur·es analysent la plateformisation et ses effets via la création du terme, son application dans le monde du travail ou encore la construction de nouveaux paradigmes. Dans les Échanges, le contributeur ouvre la discussion autour de l’urgence de la recherche et de la recherche en urgence. Neuf Notes de recherche traitent, entre autres sujets, des violences sexuelles, de la robotique sociale et des métriques de consultation des réseaux sociaux. En VO(…) 39 | 2021Mise en (in)visibilité des groupes professionnels Making professional groups (in)visible Dans le Dossier, les auteur·es s’intéressent à la mise en visibilité ou invisibilité de groupes professionnels, de l’instrumentalisation à la réappropriation. Le contributeur initial conclut dans les Échanges la discussion ouverte à propos « du chercheur et du discours sur ses objets ». Quatre Notes de recherche portent entre autres aspects sur : la pensée managériale américaine, les séries, les communautés en ligne ou la prise de parole. La rubrique En VO accueille un art(…) 38 | 2020La communication politique négative en campagne présidentielle The negative political communication in presidential campaign Dans le Dossier, les auteur·es explorent, de la construction à la déconstruction, la communication offensive dans une campagne électorale via ses usages, ses vecteurs et ses conséquences. Dans les d’Échanges, les contributeur·rices discutent la position des chercheur·es sur le discours de leurs objets ; l’initiateur des échanges sur l’intervention par l’image répond à ses discutant·es. Sept Notes de recherche portent sur : les agences de publicité et de communication, la (…) 37 | 2020La religion sous le regard du tiers Religion in the Eye of the Bystander Dans le Dossier, les auteurs refusent la réification comme l’assignation univoque de sens pour examiner comment la religion se montre, se dissimule et est perçue hors d’elle-même. Une série d’Échanges est inaugurée sur le chercheur et le discours de ses objets (acteurs, institutions…). Cinq Notes de recherche traitent la question du rapport entre explication sociologique des actions humaines et excuse morale, les dispositifs de captation de la colère nommés fury rooms, les(…) 36 | 2019Des données urbaines Le Dossier s’intéresse à la fabrique de données urbaines et à leurs usages pour analyser les conditions numériques de la transformation de la ville. Les Notes de recherche portent sur le pétitionnement en ligne, l’identité, la désinformation et la polarisation idéologique sur Facebook, l’économie des images dans un parc à thème hollywoodien et la place des blogs dans l’économie vitivinicole. La rubrique En VO questionne le rôle de Facebook dans la communication des partis (…) 35 | 2019Identité éditoriale, identités sportives Editorial Identity, Sports Identities !–[if gte mso 9] 1024×768 ![endif]–!–[if gte mso 9] Normal 0 21 false false false FR X-NONE X-NONE ![endif]–!–[if gte mso 9] (…) 34 | 2018Territoires numériques de marques Digital Territories of Brands Le Dossier ouvre un espace réflexif sur les catégories et les méthodes d’analyse des territoires numériques de marques. Les Échanges sur la théorie du récit se clôturent et de nouveaux sur les images conversationnelles s’ouvrent. Les Notes de recherche portent sur la temporalité de la controverse sur le nucléaire, l’éducation aux médias dans les discours des ministres de l’Éducation, les représentations de la technique dans les séries Cop and lab, le lien entre open data e(…) 33 | 2018Le genre des controverses Gender of the Controversies Le Dossier analyse des controverses autour du genre et montre les transformations idéologiques et la redéfinition d’antagonismes politiques à partir de dispositifs médiatiques qu’elles impliquent. Un point final est mis aux Échanges sur une sociologie des valeurs. Les Notes de recherche s’intéressent à l’usage des stéréotypes dans la communication interculturelle, à la presse privée égyptienne, à la construction-circulation des cadrages médiatiques de deux groupes d’extrêm(…) 32 | 2017Environnement, savoirs, société Environments, Knowledge, Society Prenant acte de l’échec des sociétés industrialisées à préserver leur milieu et de la crise environnementale qui en résulte, le Dossier invite à se libérer des cadres dualistes (nature/culture, humains/animaux, sujet/objet…) qui organisent encore la pensée scientifique, les représentations sociales et les cadres institutionnels. Il ouvre la voie à d’autres méthodes de construction, de confrontation et de légitimation des savoirs qui permettraient de modifier en pr(…) 31 | 2017Humanités numériques, corpus et sens Digital Humanities, Corpora and Meaning Ce Dossier s’attache aux humanités numériques et au sens en lien avec des corpus textuels. Les Échanges prolongent la discussion sur la narratologie et en ouvrent une nouvelle sur les valeurs. Les Notes de recherche traitent l’analyse informatisée de la critique de cinéma, la médiatisation du burn out, le traitement romanesque de la réalité historiographique, le témoignage dans la publicité et la transidentité dans la littérature érotique. En VO, Hartmut Rosa montre les fa(…) 30 | 2016Arènes du débat public Ce Dossier contribue à mieux saisir les évolutions des formes du débat public. Les Échangesconcluent la discussion engagée sur ce que pourrait être un programme de recherche critique en communication et en ouvrent une nouvelle sur la narratologie. Les Notes de recherche traitent des effets de sincérité dans le discours journalistique télévisuel de l’enquête en immersion, des déplacements de frontières réalisés par un projet d’accompagnement d’élèves pendant leurs trajets d(…) 29 | 2016L’antibiorésistance, un problème en quête de publics 28 | 2015Plasticité des dispositifs numériques 27 | 2015L’alimentation, une affaire publique ? 26 | 2014La pornographie et ses discours 25 | 2014La ville, une œuvre ouverte ? 24 | 2013Renouvellement des mises en scène télévisuelles de la politique 23 | 2013Figures du sacré 22 | 2012Patrimonialiser les musiques populaires et actuelles 21 | 201210 ans déjà, 10 questions de communication 19 | 2011Annoncer la mort 20 | 2011Évoquer la mort 18 | 2010Les non-usagers des TIC 17 | 2010Les cultures des sciences en Europe 16 | 2009Journalistes et sociologues 15 | 2009Pathologies sociales de la communication 14 | 2008Moteurs de recherche. Usages et enjeux 13 | 2008La responsabilité collective dans la presse 12 | 2007Crises rhétoriques, crises démocratiques 11 | 2007Malades et maladies dans l’espace public 10 | 2006Humour et médias. Définition, genres et cultures 9 | 2006Rôles et identités dans les interactions conflictuelles 8 | 2005Mondes arabophones et médias 7 | 2005Espaces politiques au féminin 6 | 2004Intellectuels, médias et médiations. Autour de la Baltique 5 | 2004Psychologie sociale, traitements et effets des médias 4 | 2003Interculturalités 3 | 2003Frontières disciplinaires 2 | 2002L’expertise en situation 1 | 2002Les médias et les guerres en ex-Yougoslavie Revue soutenue par l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS
1Parce qu’elle ne cesse de se modifier et/ou d’évoluer (tout dépend de la façon dont sont perçus les phénomènes linguistiques), la langue est un système mouvant qui, la plupart du temps, se fait le reflet des transformations de notre société. Dans Appelons un chat un chat ! Françoise Nore se penche sur les changements, dans notre langue française, liés au « politiquement correct » et signe un ouvrage aussi plaisant qu’instructif, qui amène des pistes de réflexions liées à la linguistique mais aussi, et peut-être surtout, au sociologique.
2F. Nore est docteure en linguistique, spécialiste de lexicologie, et traductrice. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur la langue française, parmi lesquels le Dictionnaire du bon français contemporain (Paris, Éd. Les Cent Chemins, 2019) et le remarqué Bizarre, vous avez dit bizarre ? (Paris, Éd. de l’Opportun, 2020). Sa dernière publication, qui invite à nous interroger sur le mauvais usage des mots, propose de revenir sur la notion du « politiquement correct » et sur les transformations linguistiques qui en découlent.
3Justement, l’introduction permet de définir ce concept né dans les années 1970 aux États-Unis et dont la vocation est d’effacer du langage courant des termes pouvant être perçus comme offensants et remplacés par des mots plus flatteurs ou, au pire, moins dégradants. Cette notion d’adoucissement, si elle élimine ce qui blesse, atténue cependant une réalité à laquelle on évite, par là même, de se confronter. Ainsi F. Nore commence-t-elle par appréhender les différents moyens de production de ces éléments issus du « politiquement correct » : le remplacement pur et simple d’un mot perçu comme dévalorisant (« assistante » pour « secrétaire », p. 8) ; l’euphémisme, dont l’aspect parfois trompeur n’est plus à prouver ; la périphrase qui s’appuie sur le contraire d’un mot existant pour en atténuer la réalité (ou comment le SDF – sans domicile fixe – est venu supplanter le clochard) ; enfin, les anglicismes qui ont permis à l’escort-girl de se substituer à la prostituée. L’enjeu de l’ouvrage est non seulement de montrer combien cette tendance revêt une dimension superficielle – notamment parce qu’elle annihile toute spontanéité – mais aussi de mettre en valeur la rapidité des évolutions linguistiques, puisque certains euphémismes à la durée de vie très brève se voient rapidement remplacés sous prétexte qu’ils recouvrent, à leur tour, une signification péjorative (l’auteure donne l’exemple de « vieux », devenu « personnes âgées » avant de se muer en « seniors »). Précisément, l’introduction permet de poser les limites de ce langage politiquement correct. En effet, à trop vouloir protéger certaines minorités, nous finissons par attirer l’attention sur elles. De plus, cette tendance langagière enjolive des réalités et, par répercussion, influence la pensée, y compris au sujet d’éléments pourtant dénués de connotation négative au fondement (par exemple, la cantine devenue le « restaurant d’entreprise » p. 14). Ces constats amènent l’auteure, et donc le lecteur, à se demander s’il n’est pas question, ici, d’une véritable langue de bois, communément acceptée car établie par l’usage.
4Dans une première partie (p. 17-165), intitulée « Bienvenue dans la novlangue » (en référence au célèbre roman 1984 de George Orwell), F. Nore expose un grand nombre de termes ou d’expressions dont l’objectif est de ne pas blesser, et qui se retrouvent dans des domaines aussi variés que la politique, la santé, le social ou la vie quotidienne. Un des exemples les plus probants est la désignation de certaines professions, dont la visée première est de dissimuler la déconsidération du labeur. En témoigne l’« agent de traitement des déchets » (p. 31) qui remplace le dévalorisant « éboueur » et qui illustre parfaitement ce refus d’affronter certaines réalités, écartant ainsi toute possibilité de polémique.
5Beaucoup plus courte (p. 166-209), la deuxième partie, « Des mots pour d’autres réalités », donne de nombreux exemples d’usages terminologiques visant à recouvrir d’un « vernis mélioratif » (p. 168) des réalités pourtant peu, voire pas, désagréables. Le procédé d’euphémisation fait alors œuvre de dissimulation en politique (acheter des voix revient maintenant à « développer le réseau associatif » p. 182), dans les médias ou la publicité (des « modérateurs d’appétit » semblent recouvrir une réalité moins brute que les « coupe-faims », p. 194). Deux pages sont consacrées aux slogans moralisateurs liés à la santé (« Fumer tue » p. 177) et qui orientent certains comportements et peuvent même engendrer une culpabilité au quotidien.
6« Mots et expressions flatteurs » (p. 211-261), au titre révélateur, revient sur un certain snobisme langagier qui consiste à faire naître des expressions qui édulcorent une réalité pourtant positive. Ainsi le camping est-il devenu l’« hôtellerie de plein air » (p. 233), gagnant de la sorte un sérieux apparent. Là encore, F. Nore offre un savoureux éclairage sur nos usages, y compris dans la vie de tous les jours puisque deux pages sont consacrées aux cartes des restaurants, dans lesquelles la traditionnelle salade est aujourd’hui désignée comme une « fraîcheur de saison ».
7Enfin, la quatrième et dernière partie (p. 262-274) expose comment le « politiquement correct » engendre une « descendance » à travers les mots fourre-tout et les buzzwords. Les premiers désignent des termes dont l’usage excessif a démultiplié les sens et pour lesquels il se révèle complexe de saisir les tenants et les aboutissants en l’absence de contexte précis. Tel est le cas de « bio », diminutif de « biologique » aujourd’hui employé à toutes les sauces de telle manière qu’il en est devenu, de façon abusive, synonyme d’« écologie ». Les buzzwords, quant à eux, sont originairement des mots clés qui qualifient aujourd’hui des expressions à la mode. Particulièrement utilisés en marketing ou dans les discours politiques, ils n’ont qu’une seule signification mais celle-ci se révèle difficilement compréhensible au premier abord. Le buzzword est emprunté à l’anglais (la « formation en ligne » est devenu le « e-learning », p. 270), au vocabulaire ancien (« sérendipité », par exemple) ou né d’un assemblage oxymorique, comme en témoigne la « croissance négative » (p. 273) ; néanmoins, sa dimension jargonnante n’a pas une vocation informative, mais crée plutôt une distance puisque, s’il témoigne d’un apparent sérieux, il ne se trouve réservé qu’à l’usage d’initiés.
8L’organisation générale de l’ouvrage, découpé en parties à l’intérieur desquelles est expliqué un grand nombre de mots, par ordre alphabétique, laisse une liberté très appréciable et permet, si besoin, de cibler sa lecture sur quelques expressions. Le propos général peut concerner tout un chacun et donne l’occasion de revenir sur un phénomène dont tout le monde s’étonne, mais que très peu questionne. F. Nore constate, explique et discute avec une bonne dose d’humour, ce qui lui permet de s’adresser à un très large public. Elle n’entre pas dans des considérations linguistiques poussées à l’excès et offre, pour chaque terme exposé, un éclairage qui laisse au lecteur la liberté de se rendre compte de la récurrence de cette pratique, ou du moins dans quelle mesure le « politiquement correct » a envahi nos habitudes. Cette adaptabilité du propos ne peut qu’être appréciée. Néanmoins, il ne faut pas s’y tromper : l’auteure expose une problématique bien moins légère qu’elle n’y parait, puisque les mutations linguistiques qu’elle relate sont symptomatiques d’une société qui refuse, aujourd’hui, de se confronter à certaines réalités et, par répercussion, de les nommer. Ainsi est-on amené à s’interroger sur cette forme de langage qui, à long terme, tuera peut-être la langue française, comme le laisse à penser la quatrième de couverture de ce livre.
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42 | 2022
Explorations, nouvelles frontières ?
Dans le Dossier, les auteur·es examinent les nouvelles frontières dans les domaines des institutions scientifiques, de l’exploration spatiale ou de la société. Dans les Échanges, plusieurs contibuteur·rices répondent à la question de l’urgence dans la recherche initiée dans la livraison 40. Six Notes de recherche traitent de la géolocalisation entre adolescents, les vidéos de debunking sceptique, des mécanismes du prestige sur les réseaux sociaux, du traitement de la press(…)
41 | 2022
20 ans, 10 questions, 20 réponses
À l’occasion des 20 ans de la revue, le comité de rédaction de Questions de communication pose 10 questions, chacune consacrée à une thématique d’actualité. En invitant deux chercheur·es à répondre à chaque interrogation, ce sont des approches complémentaires qui sont proposées et ouvrent des perspectives.
40 | 2021
Plateformiser, un impératif ?
Dans le Dossier, les auteur·es analysent la plateformisation et ses effets via la création du terme, son application dans le monde du travail ou encore la construction de nouveaux paradigmes. Dans les Échanges, le contributeur ouvre la discussion autour de l’urgence de la recherche et de la recherche en urgence. Neuf Notes de recherche traitent, entre autres sujets, des violences sexuelles, de la robotique sociale et des métriques de consultation des réseaux sociaux. En VO(…)
39 | 2021
Mise en (in)visibilité des groupes professionnels
Dans le Dossier, les auteur·es s’intéressent à la mise en visibilité ou invisibilité de groupes professionnels, de l’instrumentalisation à la réappropriation. Le contributeur initial conclut dans les Échanges la discussion ouverte à propos « du chercheur et du discours sur ses objets ». Quatre Notes de recherche portent entre autres aspects sur : la pensée managériale américaine, les séries, les communautés en ligne ou la prise de parole. La rubrique En VO accueille un art(…)
38 | 2020
La communication politique négative en campagne présidentielle
Dans le Dossier, les auteur·es explorent, de la construction à la déconstruction, la communication offensive dans une campagne électorale via ses usages, ses vecteurs et ses conséquences. Dans les d’Échanges, les contributeur·rices discutent la position des chercheur·es sur le discours de leurs objets ; l’initiateur des échanges sur l’intervention par l’image répond à ses discutant·es. Sept Notes de recherche portent sur : les agences de publicité et de communication, la (…)
37 | 2020
La religion sous le regard du tiers
Dans le Dossier, les auteurs refusent la réification comme l’assignation univoque de sens pour examiner comment la religion se montre, se dissimule et est perçue hors d’elle-même. Une série d’Échanges est inaugurée sur le chercheur et le discours de ses objets (acteurs, institutions…). Cinq Notes de recherche traitent la question du rapport entre explication sociologique des actions humaines et excuse morale, les dispositifs de captation de la colère nommés fury rooms, les(…)
Le Dossier s’intéresse à la fabrique de données urbaines et à leurs usages pour analyser les conditions numériques de la transformation de la ville. Les Notes de recherche portent sur le pétitionnement en ligne, l’identité, la désinformation et la polarisation idéologique sur Facebook, l’économie des images dans un parc à thème hollywoodien et la place des blogs dans l’économie vitivinicole. La rubrique En VO questionne le rôle de Facebook dans la communication des partis (…)
35 | 2019
Identité éditoriale, identités sportives
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34 | 2018
Territoires numériques de marques
Le Dossier ouvre un espace réflexif sur les catégories et les méthodes d’analyse des territoires numériques de marques. Les Échanges sur la théorie du récit se clôturent et de nouveaux sur les images conversationnelles s’ouvrent. Les Notes de recherche portent sur la temporalité de la controverse sur le nucléaire, l’éducation aux médias dans les discours des ministres de l’Éducation, les représentations de la technique dans les séries Cop and lab, le lien entre open data e(…)
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Le Dossier analyse des controverses autour du genre et montre les transformations idéologiques et la redéfinition d’antagonismes politiques à partir de dispositifs médiatiques qu’elles impliquent. Un point final est mis aux Échanges sur une sociologie des valeurs. Les Notes de recherche s’intéressent à l’usage des stéréotypes dans la communication interculturelle, à la presse privée égyptienne, à la construction-circulation des cadrages médiatiques de deux groupes d’extrêm(…)
32 | 2017
Environnement, savoirs, société
Prenant acte de l’échec des sociétés industrialisées à préserver leur milieu et de la crise environnementale qui en résulte, le Dossier invite à se libérer des cadres dualistes (nature/culture, humains/animaux, sujet/objet…) qui organisent encore la pensée scientifique, les représentations sociales et les cadres institutionnels. Il ouvre la voie à d’autres méthodes de construction, de confrontation et de légitimation des savoirs qui permettraient de modifier en pr(…)
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Humanités numériques, corpus et sens
Ce Dossier s’attache aux humanités numériques et au sens en lien avec des corpus textuels. Les Échanges prolongent la discussion sur la narratologie et en ouvrent une nouvelle sur les valeurs. Les Notes de recherche traitent l’analyse informatisée de la critique de cinéma, la médiatisation du burn out, le traitement romanesque de la réalité historiographique, le témoignage dans la publicité et la transidentité dans la littérature érotique. En VO, Hartmut Rosa montre les fa(…)
30 | 2016
Arènes du débat public
Ce Dossier contribue à mieux saisir les évolutions des formes du débat public. Les Échangesconcluent la discussion engagée sur ce que pourrait être un programme de recherche critique en communication et en ouvrent une nouvelle sur la narratologie. Les Notes de recherche traitent des effets de sincérité dans le discours journalistique télévisuel de l’enquête en immersion, des déplacements de frontières réalisés par un projet d’accompagnement d’élèves pendant leurs trajets d(…)
29 | 2016
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Frontières disciplinaires 2 | 2002
L’expertise en situation 1 | 2002
Les médias et les guerres en ex-Yougoslavie
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