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Françoise Vergès : « Programme de désordre absolu, décoloniser le musée »

Françoise Vergès : « Programme de désordre absolu, décoloniser le musée »

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  Il y a eu, chez La Fabrique, Un féminisme décolonial (2019), puis Une théorie féministe de la violence (2020), où Françoise Vergès interrogeait le féminisme sous un prisme décolonial. Dans Programme de désordre absolu – Décoloniser le musée, il est désormais question de la colonialité à l’œuvre dans le monde des arts et les institutions culturelles occidentales.
La politologue y rappelle l’ampleur des pillages et des saisies d’objets effectués par les armées coloniales, objets qui, encore aujourd’hui, n’ont pas quitté les musées occidentaux. Selon une logique programmatique, Françoise Vergès examine la forme que pourrait prendre un « post-musée », perspective de « désordre absolu » (l’expression est empruntée à Frantz Fanon) par rapport à l’ordre colonial destructeur. Elle y affirme l’impératif de réparation et de restitution d’objets pour les pays et les peuples anciennement colonisés. Elle défend un programme de décolonisation qui implique, estime-t-elle, de revisiter notre rapport au monde et de redéfinir ce que veut dire « être au monde » comme soi-disant une identité pleine et entière.
L’urgence de lutter contre toutes les formes d’inégalitésC’est une vie aventureuse qui, depuis l’enfance, anime sa manière d’envisager le monde sous le signe de la pluralité. Elle a toujours cultivé une distance temporelle, une subjectivité et une réflexion sur le sens de l’identité. Fille d’une mère française et d’un père vietnamien et réunionnais. Sa mère était une grande militante intellectuelle féministe et communiste, membre de l’Union des femmes de la Réunion. Son père a été député et incarné l’idéal du communisme à l’île de la Réunion. Il a mené un combat pendant des décennies contre les inégalités sociales et ethniques. Un parcours familial qui lui permet d’être très tôt sensibilisée aux questions de l’exploitation de l’humanité sous toutes ses formes et qui la conduit à devenir spécialiste des questions liées à l’esclavage. Sa famille lui transmet très tôt le sens de l’ouverture sur le monde.
Son travail intellectuel et ses nombreuses publications sur les thèmes du racisme, de l’esclavage, de la décolonisation, portent, toutes, « l’expérience du sensible » tant elle considère qu’il est essentiel de comprendre par son corps, par son esprit et pas seulement par des concepts, les différentes formes d’exploitation qui habitent toujours notre société : « C’est très important pour moi de partir du sentiment de l’exploitation pour comprendre la société, le monde dans lequel nous vivons. Je ne supporte pas l’humiliation qu’on peut faire subir chaque jour, sous plein de formes différentes. Cette sensibilité et ce désir de vivre autrement dans le respect d’autrui et de chacun sont aujourd’hui conduits par tous les mouvements féministes, les mouvements LGBT, par tous les mouvements de libération nationale, un combat qui s’est élargi grâce à ces mouvements qui cultivent le désir de vivre autrement. Par exemple, beaucoup plus de personnes sont sensibles à la grande précarité dans laquelle sont mises les femmes, partout dans le monde. Cet écart grandit et de plus en plus de personnes s’en aperçoivent ».
La décolonisation des consciences passe aussi par les muséesCe programme de désordre absolu que la politiste défend à l’intérieur de son nouvel ouvrage porte sur beaucoup de pans de la décolonisation qui ne demeure pas assez rapide à ses yeux. Elle constate que le racisme est toujours systémique et qu’il ne baisse pas suffisamment, ni aux États-Unis, ni en France, tant certains modèles culturels nourrissent encore en toute inconscience, selon elle, une forme de racisme. En effet, dans son ouvrage, elle explique notamment combien les musées occidentaux – dont la naissance remonte au XIXᵉ siècle – étaient avant tout conçus comme des formes de greniers d’exhibition des plus beaux objets des cultures pillées par-delà les océans. Et les musées contribuent toujours à alimenter des idées d’inégalités entre les peuples : « Et beaucoup plus profondément qu’on le pense. Le musée a réussi à se présenter comme un endroit totalement neutre de beauté et de méditation, mais en même temps un endroit vraiment coupé de ce qui l’entoure. Or, il fait partie du monde social qu’il absorbe et les musées européens sont les musées qu’ils sont parce que plus d’objets ont été pillés ou volés ou acquis totalement malhonnêtement. Même si on ne va pas au musée, le musée vient dans nos esprits parce que ça fait partie du prestige de la nation. Toutes ces institutions se nourrissent et sont un instrument du discours, et même de représentations racistes inconscientes ».
« Le féminisme, c’est la libération de toute la société »Françoise Vergès en profite pour rappeler la place essentielle qu’occupent aujourd’hui l’ensemble des femmes dans cette aspiration qui traverse toute la société à vouloir opérer de grands changements dans les rapports humains et la volonté de faire disparaître toutes les discriminations et violences sociales confondues :  » Pour moi, le féminisme, c’est la libération de toute la société, puisque c’est un mouvement porté d’abord par des personnes qui ont été placées dans la plus grande précarité et vulnérabilité. Et ces personnes sont souvent des femmes. Elles sont plus à même à comprendre ce qui doit être changé sur le plan de l’égalité. »
► La suite à écouter…
Musiques
Celia CRUZ – « La vida es un carnaval »Giacomo PUCCINI et Maria CALLAS – « Un bel di vedremo » (acte II, Madame Butterfly)Juliette ARMANET – « Qu’importe »
Archives sonores
Paul Vergès à propos de l’abolition de l’esclavage à la Réunion, Archive Ina du 1er janvier 1988
Frantz Fanon sur le racisme et ses répercussions sur la culture, extrait de la conférence « racisme et culture » à la Sorbonne donnée en 1956
Angela Davis parle de sa conception du féminisme, évoque la convergence des luttes pour la libération de tous les opprimés, Archive Ina du 9 mai 1977
Patrick Chamoiseau sur l’identité. Extrait du documentaire de Sylvain Bourmeau, « Les intellectuels du XXIe siècle – Penser l’identité », Arte – 2017
Reportage manifestations Black Lives Matter à Memphis suite à l’arrestation mortelle de Tyre Nichols. AFP Euronews, le 30 janvier 2023
Générique
Veridis Quo des Daft Punk 

Il y a eu, chez La Fabrique, Un féminisme décolonial (2019), puis Une théorie féministe de la violence (2020), où Françoise Vergès interrogeait le féminisme sous un prisme décolonial. Dans Programme de désordre absolu – Décoloniser le musée, il est désormais question de la colonialité à l’œuvre dans le monde des arts et les institutions culturelles occidentales.

La politologue y rappelle l’ampleur des pillages et des saisies d’objets effectués par les armées coloniales, objets qui, encore aujourd’hui, n’ont pas quitté les musées occidentaux. Selon une logique programmatique, Françoise Vergès examine la forme que pourrait prendre un « post-musée », perspective de « désordre absolu » (l’expression est empruntée à Frantz Fanon) par rapport à l’ordre colonial destructeur. Elle y affirme l’impératif de réparation et de restitution d’objets pour les pays et les peuples anciennement colonisés. Elle défend un programme de décolonisation qui implique, estime-t-elle, de revisiter notre rapport au monde et de redéfinir ce que veut dire « être au monde » comme soi-disant une identité pleine et entière.

L’urgence de lutter contre toutes les formes d’inégalités

C’est une vie aventureuse qui, depuis l’enfance, anime sa manière d’envisager le monde sous le signe de la pluralité. Elle a toujours cultivé une distance temporelle, une subjectivité et une réflexion sur le sens de l’identité. Fille d’une mère française et d’un père vietnamien et réunionnais. Sa mère était une grande militante intellectuelle féministe et communiste, membre de l’Union des femmes de la Réunion. Son père a été député et incarné l’idéal du communisme à l’île de la Réunion. Il a mené un combat pendant des décennies contre les inégalités sociales et ethniques. Un parcours familial qui lui permet d’être très tôt sensibilisée aux questions de l’exploitation de l’humanité sous toutes ses formes et qui la conduit à devenir spécialiste des questions liées à l’esclavage. Sa famille lui transmet très tôt le sens de l’ouverture sur le monde.

Son travail intellectuel et ses nombreuses publications sur les thèmes du racisme, de l’esclavage, de la décolonisation, portent, toutes, « l’expérience du sensible » tant elle considère qu’il est essentiel de comprendre par son corps, par son esprit et pas seulement par des concepts, les différentes formes d’exploitation qui habitent toujours notre société : « C’est très important pour moi de partir du sentiment de l’exploitation pour comprendre la société, le monde dans lequel nous vivons. Je ne supporte pas l’humiliation qu’on peut faire subir chaque jour, sous plein de formes différentes. Cette sensibilité et ce désir de vivre autrement dans le respect d’autrui et de chacun sont aujourd’hui conduits par tous les mouvements féministes, les mouvements LGBT, par tous les mouvements de libération nationale, un combat qui s’est élargi grâce à ces mouvements qui cultivent le désir de vivre autrement. Par exemple, beaucoup plus de personnes sont sensibles à la grande précarité dans laquelle sont mises les femmes, partout dans le monde. Cet écart grandit et de plus en plus de personnes s’en aperçoivent« .

La décolonisation des consciences passe aussi par les musées

Ce programme de désordre absolu que la politiste défend à l’intérieur de son nouvel ouvrage porte sur beaucoup de pans de la décolonisation qui ne demeure pas assez rapide à ses yeux. Elle constate que le racisme est toujours systémique et qu’il ne baisse pas suffisamment, ni aux États-Unis, ni en France, tant certains modèles culturels nourrissent encore en toute inconscience, selon elle, une forme de racisme. En effet, dans son ouvrage, elle explique notamment combien les musées occidentaux – dont la naissance remonte au XIXᵉ siècle – étaient avant tout conçus comme des formes de greniers d’exhibition des plus beaux objets des cultures pillées par-delà les océans. Et les musées contribuent toujours à alimenter des idées d’inégalités entre les peuples : « Et beaucoup plus profondément qu’on le pense. Le musée a réussi à se présenter comme un endroit totalement neutre de beauté et de méditation, mais en même temps un endroit vraiment coupé de ce qui l’entoure. Or, il fait partie du monde social qu’il absorbe et les musées européens sont les musées qu’ils sont parce que plus d’objets ont été pillés ou volés ou acquis totalement malhonnêtement. Même si on ne va pas au musée, le musée vient dans nos esprits parce que ça fait partie du prestige de la nation. Toutes ces institutions se nourrissent et sont un instrument du discours, et même de représentations racistes inconscientes« .

« Le féminisme, c’est la libération de toute la société »

Françoise Vergès en profite pour rappeler la place essentielle qu’occupent aujourd’hui l’ensemble des femmes dans cette aspiration qui traverse toute la société à vouloir opérer de grands changements dans les rapports humains et la volonté de faire disparaître toutes les discriminations et violences sociales confondues :  » Pour moi, le féminisme, c’est la libération de toute la société, puisque c’est un mouvement porté d’abord par des personnes qui ont été placées dans la plus grande précarité et vulnérabilité. Et ces personnes sont souvent des femmes. Elles sont plus à même à comprendre ce qui doit être changé sur le plan de l’égalité.« 

► La suite à écouter…

Musiques

Celia CRUZ – « La vida es un carnaval »
Giacomo PUCCINI et Maria CALLAS – « Un bel di vedremo » (acte II, Madame Butterfly)
Juliette ARMANET – « Qu’importe »

Archives sonores

Paul Vergès à propos de l’abolition de l’esclavage à la Réunion, Archive Ina du 1er janvier 1988

Frantz Fanon sur le racisme et ses répercussions sur la culture, extrait de la conférence « racisme et culture » à la Sorbonne donnée en 1956

Angela Davis parle de sa conception du féminisme, évoque la convergence des luttes pour la libération de tous les opprimés, Archive Ina du 9 mai 1977

Patrick Chamoiseau sur l’identité. Extrait du documentaire de Sylvain Bourmeau, « Les intellectuels du XXIe siècle – Penser l’identité », Arte – 2017

Reportage manifestations Black Lives Matter à Memphis suite à l’arrestation mortelle de Tyre Nichols. AFP Euronews, le 30 janvier 2023

Générique

Veridis Quo des Daft Punk

 

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