Il appartient à la France

Il appartient à la France

Nathalie Heinich

Chercheuse, sociologue
 Si Missak Manouchian doit entrer au Panthéon, ce n’est pas parce qu’il était communiste, ni parce qu’il était arménien, mais uniquement au titre d’étranger qui a donné sa vie pour la France. Manouchian n’appartient pas aux communistes, il appartient à la France

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Il appartient à la France

Samedi 18 février s’est tenu au Sénat un colloque sur « Les étrangers dans la Résistance » organisé dans le cadre d’une initiative visant à obtenir l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian : initiative de l’association Unité laïque, épaulée par la ville de Valence et par un comité de soutien où figurent notamment l’historien Denis Peschanski au titre de conseiller scientifique, et l’historien de la culture et académicien Pascal Ory au titre de parrain. L’opération semble proche de la réussite, comme l’indique notamment la déclaration faite le même jour par Anne Hidalgo pour demander au gouvernement la panthéonisation de Manouchian, comme si c’est d’elle qu’était venue l’idée… 

Mais peu importent les récupérations : l’essentiel est qu’un étranger mort pour la France en vienne enfin à être dignement célébré, et qu’une journée de colloque ait pu lui être consacrée sous les ors, comme on dit, de la République, tandis que devant le beau portrait de Manouchian réalisé par Ernest Pignon-Ernest se succédaient les politiques (dont la secrétaire d’État auprès du ministre des Armées), les diplomates (dont l’ambassadrice de la République d’Arménie en France) et, surtout, les historiens et spécialistes des politiques mémorielles. 

C’est vers la toute fin de la journée, au moment des questions de la salle, qu’eut lieu un moment de grâce. Une personne dans le public ayant demandé avec insistance que l’on mette bien en avant le fait que Manouchian était communiste, le sénateur Pierre Ouzoulias, lui-même communiste et qui fut à l’origine de cette invitation au Sénat, prit la parole pour déclarer, avec solennité : « Si Missak Manouchian doit entrer au Panthéon, ce n’est pas parce qu’il était communiste, ni parce qu’il était arménien, mais uniquement au titre d’étranger qui a donné sa vie pour la France. Manouchian n’appartient pas aux communistes, il appartient à la France ».

La salve d’applaudissements qui s’en est suivie avait cette tonalité particulière qui signale sans équivoque une intense émotion collective. Cette émotion, c’est celle qui accompagne toute expérience liée à une valeur : soit que celle-ci soit transgressée soit qu’elle soit, comme ici, magnifiquement illustrée. A cet instant, cent cinquante personnes ont communié par leurs applaudissements dans la valeur d’universalisme, à l’encontre de tous les identitarismes qui plombent notre actualité (fût-ce, comme ici, un identitarisme simplement politique et non pas sexuel ou racial, ce qui est bien pire) : moment heureux, moment de grâce même dans la grande salle Médicis, au cœur du Sénat, au cœur de Paris.

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    Soutien à notre collègue Bergeaud-Blackler

    Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse au CNRS, devait donner une conférence à l’Université de Lille sur un sujet brûlant : l’influence des Frères musulmans et l’entrisme islamiste dans certains syndicats et mouvements de gauche. Pourtant, sa conférence a été annulée. Cette décision, prise par le doyen, est un acte politique qui ne dit pas son nom. Une fois de plus, l’université cède aux pressions idéologiques et sacrifie le débat scientifique sur l’autel du conformisme militant.
     
    Cette annulation n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un climat où toute critique de l’islamisme est immédiatement disqualifiée, où ceux qui osent poser des questions sont taxés de “racistes” ou d’“extrême droite”. Dans les sciences sociales, en particulier, la règle tacite est claire : on se soumet ou on dégage. Ceux qui refusent de plier sont mis à l’écart, leurs conférences interdites, leurs noms jetés en pâture à des étudiants dressés à confondre débat intellectuel et offense personnelle.
     
    Comment expliquer que des syndicats, censés défendre la liberté d’expression, se soient transformés en gardiens du dogme ? Pourquoi tant de collègues se taisent, sinon par peur ? Cette lâcheté collective est précisément ce qui permet aux censeurs d’imposer leur loi. Mais il faut le dire : l’Université ne peut pas devenir un espace clos où seuls certains discours sont autorisés.
     
    Face à cette censure, la chercheuse a décidé de maintenir sa conférence, ailleurs s’il le faut. Le débat aura lieu le 5 mars, avec le plus grand nombre possible de participants. Car la lutte contre l’islamisme et ses complicités idéologiques n’est pas une affaire de partis : c’est une question existentielle pour notre démocratie.
    L’Université doit rester un lieu de savoir et d’échange, pas un bastion du sectarisme.