L’«Universalisme» de Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang (éd. Anamosa)

L’«Universalisme» de Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang (éd. Anamosa)

Table des matières

L’«Universalisme» de Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang (éd. Anamosa)

Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang, Universalisme, collection « Le mot est faible », Anamosa, 2022
https://anamosa.fr/livre/universalisme/

«Universalisme, un concept humaniste blanc puissamment interrogé par une conscience postcoloniale»

https://www.rfi.fr/fr/podcasts/en-sol-majeur/20220313-mame-fatou-niang-pour-un-universalisme-postcolonial

Avant d’envisager « l’homme sans étiquette » de l’idéal universaliste, il faut examiner le processus d’étiquetage que le colonialisme européen a développé pour asseoir sa domination sur le monde. Cette analyse ne saurait occulter la question raciale, comme si on pouvait se contenter de rêver d’une société post-raciale – comme si la fin du colonialisme avait marqué la fin de la colonialité, cette naturalisation des hiérarchies entre colonisateurs et colonisés, entre Européens et non-Européens, entre Blancs et non-Blancs. Comment les constructions du passé ont-elles façonné et affectent-elles encore ce qui est considéré comme français, à l’évidence, sans arrière-pensées, et ce dont l’identité française est mise en doute, faisant l’objet de multiples justificatifs, d’incessants contrôles et autres vérifications d’identité? En quoi ce pouvoir de surveiller, contrôler, contenir, est-il aussi un pouvoir d’effacer?

Extrait de l’introduction cité par http://www.slate.fr/story/223083/bonnes-feuilles-universalisme-mame-fatou-niang-julien-suaudeau-anamosa

Sur l’universalisme
« Le concept d’universalisme a été dévoyé. »
« Nous faisons le constat d’un projet qui n’est pas arrivé à terme. »
« L’universalisme fait l’objet d’un rapt de la part d’une certaine caste qui décrète qu’on y est, que le projet universaliste est arrivé à son terme. »
« L’universalisme, depuis sa naissance, a toujours été un projet incomplet et qui a souffert d’exception par rapport aux droits des femmes, de certaines minorités ou même des libertés. »
« L’universalisme est un projet qu’il faut chérir mais qui a ses failles. »
« Nous cherchons à déconstruire ce que l’on appelle le pseudo universalisme : tout un système d’impasses, d’angles morts, l’organisation d’oublis et d’une amnésie historique par rapport à l’histoire du colonialisme français. »
« Il y a une mythologie et une idéologie pseudo-universaliste qui remplit trois fonctions : 1- escamoter les crimes contre l’humanité qu’ont été la traite et l’esclavage des noirs et l’importance qu’ont eu ces crimes dans le rayonnement de la France et dans l’essor du capitalisme mondial (…). 2- Conserver la mainmise sur la production du roman national. Et 3- Nier toute forme d’existence d’actualité, de réalité du racisme français. »
« On parle d’universalisme à la française. »
« La France est une petite province dans un endroit qui s’appelle le monde. »
« Il est extrêmement important pour nous de sortir du nombrilisme français, de cette centralisation d’une France qui deviendrait le centre du monde, avec une extension de sa mission civilisatrice. »
« On se place dans une perspective républicaine parce qu’à notre sens le monopole sur la production des valeurs républicaines est extrêmement problématique et nous emmène tout droit vers une France qui n’est pas républicaine mais plutôt post-républicaine. »
« Notre axe de réflexion c’est plutôt de nous ramener en France avant d’envisager autre chose, c’est-à-dire à la connaissance, à l’acceptation et au faire face de notre histoire coloniale. »
« Il y a des pages arrachées et manquantes dans cette chose qu’on appelle le roman national de manière bien commode (…). Il est de notre responsabilité de connaître ces zones d’ombres pour nous accepter enfin comme un peuple post-colonial. »
« Une fois qu’on aura accompli ce travail de reconnaissance et d’acceptation historiques – et ça n’est ni une position de repentance ni de concurrence victimaire mais bien une histoire de responsabilité et de devoir de mémoire – peut-être qu’on pourra envisager autre chose qui est le pluriversalisme. »
« On n’est pas sur une victimisation. »
« On assiste aujourd’hui à ce qu’on appelle la colonialité, qui sont des survivances contemporaines de l’histoire oubliée de l’esclavage et de la colonisation. »
« Penser que le racisme ou l’antiracisme auraient été importés par les Etats-Unis est une imposture. »
« La manière dont le pouvoir politique et médiatique utilise la reconnaissance d’une femme noire au Panthéon [Jospéhine Baker] comme une sorte de preuve que le racisme n’a ni histoire ni forme d’actualité en France est tout à fait problématique. »

Sur le post-colonialisme, l’anti-colonialisme et le décolonial
« Nous sommes dans une logique de compréhension et de mise en commun. De réparation. »
« On cherche à apprendre à dire nous. »
« On se place dans une perspective qui cherche à tendre vers une forme d’harmonie, de dialogue et donc on n’avait pas envie de se poser dans une logique d’antagonisme ou de contre. On n’aime pas cette logique des deux camps souvent présupposée par le camp pseudo universaliste. »
« Il est très urgent de sortir de cette logique de clash et de cette volonté de vouloir à tout prix avoir le dernier mot. »
« L’universalisme qu’on essaie de réinventer implique un renoncement à l’idée d’avoir le dernier mot. »
« On parle d’histoire post-colonial parce qu’il n’y a pas deux corps. On parle d’une situation d’un corps : la France comme élément post-colonial. »
« Il faut arrêter de voir l’autre comme autre et de comprendre comment est-ce que cet autre est devenu noir. »
« La post-colonialité, c’est l’évidence de ce qu’est la France. »
« Le traitement policier des banlieues françaises obéit point pour point au traitement militaire qui a pu être réservé au 19ème siècle aux pays colonisés d’Afrique ou des Caraïbes. »
« Notre position universaliste est aussi anticoloniale. »
« Ceux qu’on appelle les rentiers de la République ou qui exercent un monopole sur la production du discours universaliste doivent être mis devant les incohérences et les contradictions de leur discours, non pas pour les exclure du champ républicain mais in fine, pour les y amener. »
« La pire forme de violence que souvent je puisse exercer sur les gens, c’est de dire que je ne suis pas d’accord. Ça fait écho à la virulence de certaines personnes de voir des femmes, ou de femmes voilées sur un plateau. »
« Le nous que nous arrivons à produire naturellement est d’une violence autrement pire qu’un coup de poing dans l’œil. »
« Le fait que nous pensons ensemble depuis 3 ans dérange, pose problème et exerce une forme de violence sur l’emprise pseudo-universaliste de l’espace public. »
« En disant nous ou je, on agit. »
« Nous avons essayé de transmettre, dans notre livre, un appel à l’action – plutôt qu’un appel à la réaction. »
« Comme le disait Toni Morrison, l’une des premières fonctions du racisme, c’est une fonction de distraction. »

Sur la question urbanistique
« Il faut voir l’autre comme moi. »
« Il y a une ignorance extraordinaire de la longue histoire des banlieues qui commence au XIXe siècle avec Haussman qui chasse toute une partie de la population parisienne vers la périphérie. »
« Il y a une histoire qui institutionnalise la périphérie et la concentration de population ressemblant ou conforme de l’autre côté du périphérique. »
« La ville, c’est le lieu par excellence où s’invente le nous d’aujourd’hui et demain : Paris en 1792, par exemple, est le lieu où s’invente le nous révolutionnaire. »
« La ville est un espace comme un livre, un opéra où un imaginaire se construit et se préserve. Lorsqu’on regarde nos villes, elles ne reflètent qu’une certaine histoire à travers les noms de rue ou les statues. »

Sur le nouveau clivage républicain-antirépublicain
« Les discours qui feraient que certains s’arrogent le droit d’incarner la gauche républicaine, ce qui exclut tous ceux qui ne seraient pas d’accord avec eux, sont totalement irrecevables. »
« On ne pourra pas réparer notre pays en procédant par anathèmes et ostracismes. »
« Pour pouvoir renaître de ses cendres qui sont déjà froides, la gauche devra regarder son monde et pas seulement le monde d’avant : que demandent les gens, sortir des anathèmes, sortir des projections et de la grande histoire qui est déjà dans les musées et s’ancrer dans la réalité des demandes des gens. »
« Aujourd’hui, il y a une ligne de fracture claire dans ceux qui se disent de gauche entre la question de la classe et la question de la race. »
« La question de la race est centrale et l’a toujours été. »
« Les choses sont tellement fractionnées que parler des ouvriers nous amène trop souvent à ne pas parler des ouvriers femmes, des ouvriers maghrébins, des ouvriers pauvres de la banlieue. »
« Dans l’imaginaire de mai 68, on ne voit que des corps blancs. »
« Mai 68 est devenu une histoire blanche. Mais quid de l’importance du département du 93 dans le départ de ces événements ? Quid du mouvement entre les ouvriers maghrébins, d’Afrique subsaharienne et les étudiants ? »
« Pour comprendre mai 68, il faut par exemple se souvenir de mai 67 et le massacre d’Etat à la Guadeloupe – et les facteurs sociaux et politiques qui en sont à l’origine. »
« Il y a aussi le problème de la fracture factice entre République et démocratie dans l’idéologie de cette soit-disant nouvelle gauche progressiste moderne (…). D’où vient cette volonté d’opposer la République au sens étymologique et le pouvoir du peuple ? Ça n’a aucun sens. »
« Il est urgent pour que la gauche s’invente un avenir durable de ne pas fonctionner sur ce type d’antagonisme tout-à-fait factice. »

Extraits cités par http://www.regards.fr/la-midinale/article/reconsiderons-les-pages-arrachees-de-l-histoire-pour-nous-accepter-enfin-comme

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