par Wiktor Stoczkowski, directeur d’études à l’EHESS1
Les propos tenus par Frédérique Vidal sur la chaîne CNews, le 14 février 2021, ont mis le monde universitaire français en ébullition. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche aurait dit que « l’islamo-gauchisme gangrène l’Université ». Pour être précis, il faut rappeler qu’elle n’a jamais prononcé cette phrase: celle-ci est extraite du titre d’un article publié le 12 février à la une du Figaro (« Comment l’islamo-gauchisme gangrène les universités? »). En répondant à Jean-Pierre Elkabbach qui sollicitait son commentaire sur cet article, la ministre a déclaré que « l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et que l’Université n’est pas imperméable, l’Université fait partie de la société. Ce que l’on observe dans les universités, c’est qu’effectivement il y a des gens qui peuvent utiliser leur titre et l’aura qu’ils ont, ils sont minoritaires, pour porter des idées radicales ou des idées militantes ». Et la ministre d’annoncer son intention de diligenter une enquête pour distinguer « ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève du militantisme, de l’opinion ».
La controverse autour des « études décoloniales »
Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les passions. On a crié au scandale, à l’intimidation, au maccarthysme; on a présumé une stratégie électoraliste de la République en Marche visant à s’attirer des sympathies de l’extrême droite; on s’est fait philologue pour discourir de l’étymologie du mot « islamo-gauchisme », retracer son histoire et disséquer ses usages idéologiques, dans le but ouvertement déclaré de lui dénier toute légitimité: ce serait un mot de propagande auquel nulle réalité ne correspond. Deux fractions se sont aussitôt formées, qui se combattent depuis à coups de tribunes, de pétitions collectives et d’entretiens dans les médias. Les uns affirment que le monde académique français reste irréprochable, ne connaissant d’autres problèmes que ceux engendrés par une série de réformes malvenues dont seul son ministère de tutelle est responsable. Les autres estiment que le monde académique français souffre de dérives militantes; même si le mot « enquête » évoque de déplaisantes connotations policières, il n’est pas anormal que le gouvernement puisse vérifier si les ressources qu’il alloue à la recherche et à l’enseignement supérieur sont employées en accord avec les missions auxquels on les destine traditionnellement: non pas pour mener des luttes politiques, mais pour élaborer des connaissances solidement étayées et vérifiables.
Toutefois, le principal point d’achoppement de cette controverse n’est pas la déclaration de la ministre, mais les jugements divergents que les deux fractions portent sur un ensemble de recherches réunies sous l’étiquette commune d’ »études décoloniales ». Le postulat fondateur de ces études est que les États occidentaux, héritiers des puissances coloniales, constituent des régimes politiques oppressifs, structurellement défavorables aux gens de couleur, aux immigrés issus des pays auparavant colonisés, aux femmes, aux musulmans, aux gays, aux lesbiennes et aux personnes transgenres. Les sciences sociales et humaines qui mettent au jour toutes ces oppressions rempliraient leur vocation critique et contribueraient ainsi à l’œuvre salutaire de l’émancipation des groupes dominés2.
Les partisans des « études décoloniales » les présentent comme un paradigme naissant de la pensée contemporaine, à l’avant-garde libératrice de la recherche universitaire. Leurs adversaires y voient plutôt l’expression d’une doctrine qui peut certes trouver une place dans l’arène politique où tous les points de vue sont admis à s’affronter dans un débat démocratique, mais qui reste trop dogmatique pour être acceptée dans l’enceinte académique, où elle joue un rôle néfaste lorsque des minorités militantes, imbues de leurs certitudes, récusent les faits, la logique et la discussion contradictoire, préférant recourir à l’injure, à la diffamation et au boycott.
Les divergences sont si profondes que les passions prennent souvent le pas sur les arguments. Chacun se présente comme le porte-parole d’un savoir authentique; on se renvoie l’accusation d’un militantisme politique; on croit déconsidérer l’adversaire en lui prêtant des accointances avec l’extrême gauche ou avec l’extrême droite, dans un pays où des partis d’extrême gauche et d’extrême droite ont pourtant une existence légale et recueillent à chaque élection des millions de suffrages. Certains n’hésitent pas à recourir à l’insulte: dans un article récent, deux universitaires favorables aux études décoloniales composent un remarquable florilège d’invectives, parlant du « gloubi-boulga » servi par des « badernes » d’une « inculture profonde » et d’une « bêtise haineuse », adeptes du « trumpisme », en proie à « une intolérance maladive et ravageuse », lesquels se mettraient au service « de la domination machiste voire de violence et de viol des corps comme des âmes »3. La démesure de ces fulminations suffit pour indiquer que quelque chose d’inquiétant se passe dans la république des professeurs, et ce sentiment ne fait que croître quand on entend des universitaires agiter le spectre de la censure alors qu’ils s’expriment librement, sans craindre l’outrance, dans des médias à grand tirage.
On ne peut se satisfaire des explications qui réduisent cette controverse à une confrontation entre des « opinions idéologiques » et des « savoirs avérés », à un affrontement entre une « avant-garde progressiste » et une « arrière-garde conservatrice », ou encore à un conflit politique entre l’extrême gauche et l’extrême droite. Le véritable enjeu réside ailleurs: il s’agit du désaccord fondamental qui oppose, depuis un siècle et demi, deux visions du monde.
L’affrontement entre deux visions du monde
Ce n’est pas par hasard si la controverse touche principalement les sciences sociales et humaines. Un étudiant qui découvre l’astrophysique ou la génétique n’a habituellement aucune idée arrêtée sur les quasars ou sur le polymorphisme mononucléotidique, si tant est qu’il en connaisse déjà l’existence. Ce n’est pas le cas de l’étudiant en sociologie, en anthropologie ou en science politique, qui arrive sur les bancs de l’Université pétri de certitudes: il croit savoir ce que sont la nature humaine, les ressorts de la vie collective et les mécanismes de l’histoire. Le projet fondateur des sciences de l’homme, au XIXe siècle, augurait avec optimisme que ces « prénotions » seraient rapidement éradiquées. Cet espoir a été déçu. Les théories des sciences de l’homme continuent à comporter, à côté des connaissances factuelles, des postulats acceptés a priori et dont la fonction reste non négligeable: ils influent sur les grands choix théoriques, sur les sympathies et antipathies pour des modes d’argumentation, les types de sources utilisées, les postures rhétoriques et les procédures de validation. Les controverses théoriques en sciences sociales et humaines ne sont donc jamais une confrontation entre les savoirs purs, fondés exclusivement sur les faits, et les présupposés conjecturaux admis a priori: ceux-ci et ceux-là s’entrelacent dans la plupart des constructions conceptuelles de ces disciplines. Cela n’empêche pas le chercheur de construire un savoir solide et même cumulatif, à condition qu’il ne tienne pas la part conjecturale de ses idées pour un dogme irréfutable, mais pour un instrument provisoire, pouvant être abandonné si les faits lui apportent un démenti.
Deux grandes visions axiomatiques continuent ainsi à s’affronter depuis le XIXe siècle. La vision antagoniste présuppose que les principaux mobiles de l’être humain sont ses intérêts individuels ou les intérêts du groupe délimité auquel il s’identifie: chacun est mû par le désir d’acquérir le pouvoir, les richesses matérielles et la reconnaissance sociale. Par conséquent, la vie collective est un combat perpétuel que les individus et les groupes se livrent pour l’appropriation exclusive de ces biens rares. Toute société se divise en deux catégories: d’un côté, les privilégiés, détenteurs de la part léonine des biens dont ils gardent jalousement le monopole; de l’autre, les victimes opprimées et spoliées par les possesseurs des apanages. La répartition inégale des biens est une injustice à laquelle les dépossédés doivent mettre un terme, à travers des luttes qu’ils engagent légitimement contre les dominants. L’histoire a un sens: son cours se dirige vers l’émancipation nécessaire des opprimés, promis à secouer le joug qui leur pèse et à abolir les privilèges accaparés indûment par une minorité.
À l’opposé de cette vision antagoniste, la vision solidariste suppose que l’être humain, loin d’être toujours guidé par ses intérêts utilitaristes et égoïstes, tend à ordonner ses actions selon un idéal guidé par la raison, tout comme la société dans son ensemble, car l’idéal, fait de valeurs, est la principale raison d’être de toute nation, son ciment et sa force. L’aspiration à l’égalité est assurément légitime, mais il est vain de rêver à une égalité inconditionnelle, car seules sont injustes les inégalités personnellement imméritées. Dans un État-nation moderne, les revendications individuelles doivent céder devant l’intérêt collectif, lequel exige une inégalité de rétributions, proportionnelle à la diversité des contributions individuelles que chacun apporte au bien commun. Et puisque ces contributions dépendent des capacités inégales qui ouvrent le droit à des rétributions différenciées, l’inégalité sera toujours une partie intégrante de la vie sociale dont la bonne marche serait impossible s’il n’y avait pas de prime aux capacités. L’abolition de toutes les inégalités sociales ne rendrait pas la société plus juste: elle abrogerait dans le même geste et la justice et la société. En dépit des différences inévitables qui séparent les catégories sociales, chacune doit collaborer avec les autres à la bonne marche de la société dont elles sont toutes des organes complémentaires et également indispensables. C’est cet idéal du bien commun qui devrait convaincre les privilégiés de concéder une part plus grande de leurs biens à ceux qui en ont besoin; les moins fortunés devraient abandonner la haine jalouse des riches et renoncer au phantasme dangereux de la lutte de tous contre tous, laquelle ne peut être que préjudiciable à tous. À la place de la société de luttes, où les rapports de force mouvants créent arbitrairement les droits et les privilèges exclusifs des plus forts, les solidaristes aspirent à une société fondée sur les obligations morales dont la puissance favoriserait le sens du devoir, le dévouement désintéressé et le sacrifice de soi. L’horizon de l’histoire, ici, n’est pas l’ »émancipation » illimitée de tous: c’est un chemin, jamais parcouru jusqu’à son terme, qui conduit entre les périls du misonéisme conservateur tenant l’ordre établi pour le seul ordre possible, et l’intempérance révolutionnaire convaincue que toute transformation désirable sera réalisable.
Les deux visions resteront à jamais inconciliables. Les solidaristes estiment que l’idée de la lutte inexorable entre les différents groupes de la même société, exacerbant les ressentiments et les frustrations, ne peut mener qu’à la désunion dont le chaos dévastateur est l’aboutissement prévisible. Les antagonistes sont persuadés que toute référence au sens du devoir et à l’obligation morale n’est qu’une ruse idéologique ourdie par les privilégiés pour tromper, désarmer et mieux assujettir les dominés.
Une longue histoire
Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, la théorie de Karl Marx était l’expression exemplaire de la vision antagoniste du monde, alors que la sociologie d’Émile Durkheim, conçue à dessein comme une alternative au marxisme, offrait un modèle de la vision solidariste4. La rupture entre ces deux visions ne correspondait nullement à la séparation politique entre la gauche et la droite. Bien que les partis socialistes européens aient alors adhéré majoritairement au marxisme, chacune d’elle comportait un courant solidariste, ouvertement opposé à l’idée marxienne de la lutte des classes: ce fut le cas du révisionnisme d’Eduard Bernstein en Allemagne et du « socialisme éthique » d’Henri De Man en Belgique5; la SFIO française, inféodée au marxisme, accueillait en son sein plusieurs courants de jeunes socialistes hostiles au marxisme et fascinés par le socialisme éthique demanien, au nombre desquels on comptait alors Claude Lévi-Strauss et Raymond Aron6. Les solidaristes socialistes étaient convaincus que l’antagonisme entre le capital et le travail était bien réel, et réellement dommageable pour la solidarité sociale, mais ils jugeaient que la lutte des classes, qui appelle la haine entre les classes, ne pouvait que porter une atteinte supplémentaire à la cohésion collective, en ajoutant un égoïsme de classe à l’égoïsme des individus: ils en concluaient qu’il était illusoire de croire que l’on puisse surmonter, par des luttes sur la place publique, le conflit dont la véritable scène est notre for intérieur, où les pulsions de l’amour-propre devraient être modérées par l’idéal du dévouement altruiste: d’où le projet d’une révolution constructive du socialisme éthique, opposé au projet de la révolution violente du socialisme marxiste7. Ainsi, le solidarisme pouvait être de gauche, de même que la vision antagoniste pouvait être de droite, comme dans le nazisme.
Dominante dans le monde universitaire français sous la Troisième République, la vision solidariste fut battue en brèche dans l’après-guerre, à la faveur de la grande vogue du philosoviétisme marxiste. Après les engouements passagers mais fervents pour le stalinisme, puis pour le maoïsme, vint la riche période des théories post-marxistes. Éloignées en apparence du dogme démodé, ces théories reprenaient plusieurs axiomes du marxisme, tout en les modifiant et les complétant. Ce fut le cas du système historico-philosophique de Michel Foucault, avec son intérêt soutenu pour le pouvoir, le contrôle et l’oppression, comme de la sociologie de Pierre Bourdieu, où l’idée de la lutte des classes passait du plan économique au plan symbolique8. Sans disparaître, les théories inspirées du solidarisme ont été éclipsées par les succès nationaux et internationaux des théories antagonistes.
Les « études décoloniales » se sont épanouies sur ce terreau. Ainsi que dans toutes les conceptions antagonistes, l’être humain imaginé par les décolonialistes cherche à revendiquer ses droits et à satisfaire ses intérêts en tant qu’individu porteur d’une identité sectorielle, membre d’une catégorie séparée de la nation à laquelle il ne veut plus s’identifier: groupe ethnique, racial, religieux, sexuel, genré ou dépourvu de genre. La société est par définition oppressive, car elle se divise en privilégiés qui monopolisent le pouvoir et le contrôle de l’État, et en dominés victimaires, soumis à l’hégémonie des dominants. À la conception marxienne de la dictature des capitalistes accaparant la propriété des moyens de production, se substitue désormais la dictature des mâles blancs « cis-genre » autochtones, détenteurs du capital culturel acquis dans les écoles qui favorisent la connaissance du latin et la lecture de la Princesse de Clèves, pour mieux accabler ceux qui excellent dans la mémorisation des versets du Coran ou dans l’art du slam. Il est admis comme certain que ces mâles hétérosexuels blancs, par nature misogynes, racistes, xénophobes, homophobes et islamophobes, cherchent à conserver leur domination qui les autorise à faire subir aux autres toute sorte d’outrages et d’humiliations. Des alliances entre l’islamisme et une ultragauche − tantôt anarchiste, tantôt trotskiste, tantôt révolutionnaire − ne sont qu’un élément parmi d’autres de la vaste galaxie de groupes acquis à la vision antagoniste du monde: les « études décoloniales » en constituent aujourd’hui la tête de pont universitaire.
L’objectif des « études décoloniales » en France est clairement formulé par ses leaders: après avoir remplacé l’idée de la lutte du prolétariat par l’idée de la lutte des minorités prétendument opprimées, il s’agit d’inverser les rapports de domination dans la société française et − comme le recommandait naguère le communiste Antonio Gramsci − d’imposer à l’ensemble de la société une nouvelle hégémonie culturelle, idéologique et morale. Ceux qui n’approuvent pas ce projet révolutionnaire sont qualifiés d’ »extrémistes de la République », de « franchouillards culturels », de défenseurs « d’un universalisme de pacotille »9.
Une subversion cognitive
Ayant contribué magistralement à populariser la vision antagoniste de la vie sociale, Pierre Bourdieu a observé avec justesse que « la subversion politique présuppose une subversion cognitive, une conversion de la vision du monde »10. C’est à partir de ce principe qu’il a conçu la vocation de sa science sociologique: « imposer des représentations […] du monde social qui soient capables d’agir sur ce monde en agissant sur la représentation que s’en font les agents »11. Il suffit, en effet, de persuader les gens que la société où ils vivent est l’arène de luttes inévitables de tous contre tous, que les valeurs morales sont un artifice trompeur destiné à dissimuler des stratégies cyniques, que l’homme est un loup pour l’homme12, pour que les convertis, ne concevant pas d’autre façon d’exister, se mettent à vivre comme le sociologue postulait qu’ils vivent. Bien que les théories sociologiques soient censées se mouler sur la vie sociale, il est possible que la vie sociale puisse se mouler sur une théorie sociologique.
Il suffirait ainsi que les théories décoloniales soient crues et que nos concitoyens soient persuadés d’être condamnés à vivre dans une société d’égoïsmes et de luttes, pour qu’ils se mettent à construire une société effectivement saturée d’égoïsmes et de luttes. Que les universitaires aient le droit de concevoir des programmes de recherche basés sur les postulats antagonistes ou décoloniaux, est une chose. En est une autre la résolution de répandre ces postulats dans l’enseignement universitaire où, face à un public jeune et influençable, les présupposés de la vision antagoniste du monde sont présentés non pas comme des hypothèses à éprouver, mais comme des certitudes incontestables.
Il faut parfois beaucoup de temps pour comprendre que les idées théoriques, en apparence abstraites, sont porteuses d’immenses conséquences pratiques. De longues années passent avant que les écailles ne tombent des yeux des adeptes. Les « études décoloniales » sont encore trop récentes pour qu’elles aient déjà connu leurs premiers transfuges dégrisés, comme il y en avait eu du marxisme, du foucaldisme ou du bourdivinisme. La sociologue Jeannine Verdès-Leroux, naguère une disciple enthousiaste de Bourdieu, illustre le phénomène d’un tel réveil tardif. C’est un monde d’airain – finit-elle par écrire en caractérisant la société imaginée par son ancien maître –, empli de ressentiments, fait de rapports de violence entre dominants abominables et dominés honteux, écrasés, humiliés. « Si le monde n’était que cela, il serait épuisant, invivable, à détruire »13. Ce n’est qu’une vue personnelle du monde, conclut-elle, ce n’est pas le résultat d’une recherche. On peut en dire autant de toutes les théories tributaires de la vision antagoniste du monde, depuis le marxisme jusqu’aux « études décoloniales ».
Pourquoi rejeter cette vision du monde? Parce qu’elle n’est pas le résultat d’une recherche? Que non, car on lui oppose un refus qui n’est pas lui non plus le résultat d’une recherche. On récuse cette vision parce que l’on ne veut pas qu’elle engendre un jour la société qu’elle dépeint. On préfère le pari d’une société apaisée et solidaire, certes imparfaite, mais libre de ressentiments et d’affrontements. La société à laquelle on aspire n’est pas plus « vraie » ou plus « scientifique » que l’autre: elle est un idéal, un but éloigné mais clair: c’est une société où l’homme ne doit pas être un loup pour l’homme.
La controverse autour des « études décoloniales » est tout sauf une querelle académique sans conséquence. Elle est un conflit entre deux visions de la nature humaine et de la société. Depuis un siècle et demi, la science s’est montrée insuffisante pour justifier le choix entre l’une et l’autre, car la science ne peut nous indiquer ce qui est bon et souhaitable. L’une ou l’autre société, chacune imaginée dans le silence du cabinet, peuvent advenir, puisque nous pouvons choisir de nous engager de toutes nos forces dans la réalisation de l’une ou de l’autre. La science ne nous sera d’aucun secours dans ce choix. Par contre, une idéologie grimée en science peut nous laisser croire que nous n’avons pas de choix. Il faut y songer en scrutant les programmes d’enseignements de nos universités. C’est là que nous formons les citoyens du monde à venir; c’est là que nous façonnons la société du futur.