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L’aveuglement volontaire

Lors d’une table ronde organisée à Pantin le 7 février 2024, la philosophe américaine Judith Butler, dont la réputation est internationale et qui se trouve invitée de manière quasi permanente en France, à l’ENS-Ulm, à Sciences Po Paris et ailleurs, a déclaré que l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 n’était « ni une attaque terroriste », « ni une attaque antisémite », mais un acte de « soulèvement armé ». Elle était invitée par un collectif d’associations indigénistes, décoloniales, antisionistes, ainsi que par le NPA.

Pourquoi revenir sur ces déclarations qui ont été dites et répétées par des membres de partis politiques (LFI et autres), des associations d’étudiants, et un peu partout ailleurs ? Ce n’est pas parce que les parents de cette philosophe étaient juifs pratiquants et qu’une partie de sa famille a été exterminée par les nazis : après tout, personne n’est obligé d’assumer son histoire familiale. Ce n’est pas non plus en raison de la discordance entre l’indigence de la pensée prétendument philosophique de Judith Butler et son immense notoriété de grande philosophe de notre temps : après tout, l’écart entre la réalité et l’apparence est si générale qu’on ne s’en étonne qu’à peine dans ce cas. Enfin, ce n’est pas non plus parce qu’elle est une égérie du mouvement Queer et de la théorie du genre, qui remet radicalement en question l’hétérosexualité comme socle de la domination masculine : après tout, ces options sur la sexualité n’impliquent pas nécessairement la perte de tout bon sens et de toute honnêteté sur d’autres plans comme celui de la guerre ou du terrorisme.

Alors, pourquoi y revenir ? Parce que la non-reconnaissance du caractère ignominieusement terroriste de l’attaque du Hamas, avec l’assassinat de 1200 personnes dont des bébés, des enfants, des femmes violées et éventrées, des familles entières brûlées vives, et tout cela filmé par les acteurs-assassins de ces exactions effroyables, est le symptôme d’un mal qui, certes, n’est pas nouveau, mais s’étend très largement dans le monde.

Ce mal, je propose de le nommer « l’aveuglement volontaire », et je forge bien sûr cette notion sur le modèle du concept de « servitude volontaire » d’Étienne de La Boétie. Ce grand penseur, ami de Montaigne, l’utilisait pour expliquer que la soumission à un tyran ne repose pas seulement ni principalement sur la contrainte, mais surtout sur l’acceptation des peuples, leur renoncement à résister et à se révolter. La puissance du tyran vient de la force accumulée que lui prêtent, sans s’en rendre compte, ceux qui se soumettent à lui comme volontairement. De la même façon on peut dire que l’aveuglement volontaire affecte ceux qui ne veulent pas reconnaître ce que, pourtant, ils voient. Cet aveuglement est d’autant plus aveugle qu’il se prend pour de la clairvoyance. Et la raison en est, cette fois, l’idéologie. Cela était vrai avec l’idéologie communiste lorsque des intellectuels français allaient en URSS ou en Chine du temps de la révolution culturelle de Mao et revenaient ravis de ce qu’ils avaient vu. L’aveuglement se prend pour de la clairvoyance lorsqu’il passe par le tamis de l’idéologie.

Aujourd’hui l’idéologie dominante est décoloniale, racialiste et genrée, et elle est d’autant plus aveuglante qu’elle se nomme elle-même woke (éveillée). Elle transforme Israël en dernier des États coloniaux, dominateur et persécuteur, en toute ignorance de la réalité historique. Pire, cet aveuglement est alimenté par le mimétisme inversé de tous les moments de l’histoire juive (la diaspora, l’exil, la Shoah, le retour, etc.) pour en qualifier les Palestiniens qui deviennent ainsi les « vrais Juifs » (Alain Badiou, autre prétendu philosophe, français cette fois), y compris dans les universités en France, en Europe et aux États-Unis.

Le plus extravagant dans cet aveuglement volontaire est que, étant donné les positions de Judith Butler en faveur de l’homosexualité, elle serait immédiatement passible de lapidation et de mort dans un régime qui suivrait la doctrine islamiste du Hamas…

Yves Charles Zarka

Yves Charles Zarka