Avec un total de six récompenses sur dix nominations, dont celle du meilleur film français, la Nuit du 12 du réalisateur belge Dominik Moll a fait un triomphe aux César. Est-ce surprenant ? Dans son discours de remerciement, la réalisatrice Caroline Benjo a déclaré : « Il y a quelque chose qui cloche entre les hommes et les femmes. Un décès de femme survient tous les deux ou trois jours. Seules les femmes savent dans leur chair ce qu’on leur inflige ».
Passons sur le fait que les hommes constituent la grande majorité des victimes d’homicides. Retenons plutôt la phrase « il y a quelque chose qui cloche entre les hommes et les femmes », phrase qui constitue le leitmotiv du film.
Le caractère superficiel d’une telle phrase ne manque pas d’interpeller. Certes, techniquement, le film est réussi. Mais le scénario est bien mince. L’action se déroule dans la région grenobloise. Une jeune fille est assassinée, deux policiers enquêtent. On s’attend à suivre un récit captivant. Mais aucune surprise ne vient, aucun rebondissement, aucune issue même. L’histoire policière n’est qu’un prétexte : on ne saura pas qui a assassiné la jeune fille. Cette fin aussi agaçante que confortable est cohérente avec l’autre grande thèse du film, à savoir que chacun des garçons suspectés par la police, quasiment tous issus de la France rurale et blanche, aurait pu être le tueur. Bref, tout homme (blanc ?) est un tueur en puissance.
Voilà, c’est tout. Est-ce donc cela le message que les professionnels du cinéma veulent entendre et faire entendre ? Certes, le cinéma français a rarement brillé par son audace politique, sans doute en raison de mécanismes de financement qui font la part belle à l’État, avec une corporation elle-même très obséquieuse.
Mais ces défauts atteignent aujourd’hui une forme d’apogée. Les films rivalisent dans le politiquement correct, notamment sur l’immigration et le passé colonial. On assiste presque à une compétition dans le wokisme : Les Rascals, Les Engagés, Les Survivants, Ils sont vivants, Tirailleurs, etc. Pourtant, ce ne sont pas les sujets qui manquent. Mais manifestement, le désir d’explorer la complexité du monde et de l’âme humaine ne fait pas partie des priorités. On relève notamment que les attentats islamistes sont soigneusement évités, ou traités de manière détournée ou édulcorée comme dans le film Revoir Paris, également primé aux César, qui se contente de s’intéresser aux victimes d’un attentat sur lequel on ne saura rien. La psychologie, le couple, les maux de l’âme : telles sont les valeurs sûres, et si peu dérangeantes.
Silence, on tourne.