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Le Parlement aurait-il pu devenir le Cheval de Troie du transactivisme ?

L’Observatoire de la Petite Sirène nous avait alerté : sous couvert de renforcer la lutte contre les dérives sectaires, des dispositions avaient été introduites par la Commission des lois de l’Assemblée nationale qui apparaissaient comme autant de moyens légaux apportés aux propagandistes trans pour poursuivre en justice des thérapeutes qui hésiteraient à souscrire aux demandes de « transition de genre » formulées par leurs patients, fussent-ils mineurs.

Ce qui, dans le charabia anglo-américain en vigueur, est appelé une « affirmation d’identité » – entendons une déclaration subjective, un discours tenu par le patient portant sur son ressenti identitaire sexuel – pouvait, dès lors que le praticien ne l’exauce pas aveuglément, être assimilée à une « thérapie de conversion », laquelle est explicitement sanctionnée par la loi (art. 225‑4‑13 du code pénal issu de la loi du 31 janvier 2022).

Mais surtout, c’étaient les nouvelles dispositions portant sur la capacité des associations intervenant dans le domaine des dérives sectaires à agir au titre de partie civile qui inquiétaient au plus haut point. Non seulement parce qu’elles prévoyaient la suppression de l’exigence d’accord de la victime d’une « thérapie de conversion » lorsqu’elle se trouve en situation de sujétion psychologique ou physique – ce qui n’a jamais eu l’évidence d’un simple fait d’observation –, mais encore parce que cela ouvrait largement la porte aux manœuvres offensives et déstabilisatrices des lobbies pro-trans.

Or, l’on sait déjà combien les lobbies de ce type ne lésinent pas sur les moyens pour faire triompher leurs vues. Mikhaïl Kostylev1, dans une analyse précisément documentée publiée sur le site de l’Observatoire des idéologies identitaires, nous avait montré comment sous le cache-sexe – si l’on peut dire – d’un collectif de « survivant-e-s de thérapie de conversion », #RienàGuérir, quelques activistes LGTB+, gays et catholiques, avaient tout fait pour essayer de faire condamner l’Église catholique en lui imputant des « actes de torture » au motif qu’elle maintenait sa doctrine du « péché » à l’endroit de l’homosexualité. Leur lobbying auprès des parlementaires, appuyé par des campagnes dans les médias, avait failli porter ses fruits n’était un sursaut gouvernemental qui perçut in extremis l’inconstitutionnalité probable de la loi proposée. D’autant que lesdits cas de torture avérés avaient été recherchés dans les pratiques de quelques sectes évangéliques d’Amérique du nord. Mais cela ne suffira pas pour désarmer nos activistes qui reprendront et leurs campagnes médiatiques et leurs pressions sur les parlementaires.

C’était donc à une entreprise de la même farine que nous avons eu affaire avec le projet de loi débattu en Commission. Il sera adopté par l’Assemblée nationale le 14 février 2024 après d’importants débats portant notamment sur son article 4 des plus litigieux. La rédaction finale écartera les craintes et aura même tendance à renverser en faveur des praticiens prudents en matière de transition de sexe l’incrimination visée2. Le texte est aujourd’hui transmis à une Commission mixte paritaire.

Si les espérances des transactivistes ont pu ainsi être déçues, il n’en reste pas moins que leurs capacités d’action paraissent sans limite et des plus sournoises. Car cette fois il s’agissait moins de discréditer la doctrine d’un culte religieux que de soumettre un secteur professionnel à la férule idéologique d’ayatollahs de la transidentité. Il ne s’agissait rien de moins que de contraindre tout thérapeute, quelle que soit finalement sa spécialité, d’abonder dans le sens du demandeur de « transition de genre » et de se comporter purement et simplement en flagorneur du « transitionneur ». Ce qui aurait constitué à n’en pas douter une entorse grave à la déontologie médicale, singulièrement en transformant toujours plus le « colloque singulier » du praticien avec son patient en un guichet de service obligé. Mais au-delà, il se serait instauré une forme de contrôle totalitaire de la profession médicale par ce qui n’a jamais été qu’un noyau d’activistes totalement égocentrés et largement insensibles aux problèmes psychologiques réels des patients faisant état d’une « dysphorie de genre ».

Contraindre par la loi un secteur professionnel à adopter les pratiques les plus laxistes à l’égard d’individus déclarant une « dysphorie de genre », ne peut être qualifié autrement que d’acte autoritaire. En l’espèce, il s’agirait d’un acte autoritaire répondant aux seuls desiderata d’une poignée d’activistes trans obnubilés par les manifestations outrancières que réalisent leurs homologues nord-américains et au-delà, alors que, tant du côté des instances médicales que de celui des parents d’enfants scolarisés, les plus graves questions se trouvent posées quant aux effets individuels et collectifs des « transitions de genre » que des États, tel la France, facilitent si ce n’est encouragent auprès des jeunes générations.

On sait comment, pour lever les barrages idéologiques limitant la liberté des individus à vivre dans la physionomie de sexe que leur dysphorie avait révélée, bien des États ont facilité les conversions médicamenteuses et chirurgicales de sexe, notamment au sein de cliniques dites de transition de genre. Depuis, nombre d’États ont fait machine arrière parce que les procédures déontologiques n’y étaient pas toujours respectées et que les effets bénéfiques pour les transitionneurs n’étaient pas établis. Plus encore, avec le temps, le reflux dont témoignent les demandes de « détransition », laissait apparaître combien les pouvoirs publics, comme une fraction des professions médicales, avaient agi inconsidérément en la matière en cédant trop facilement aux sirènes idéologiques des activistes trans3.

On sait en outre que de plus en plus de parents d’enfants scolarisés s’inquiètent de voir intervenir dans les écoles ces mêmes activistes camouflés en éducateurs à la sexualité. L’éducation à la sexualité est en effet inscrite dans le Code de l’éducation depuis la loi du 4 juillet 2001 et une circulaire de 2018 en a précisé le contour, toutefois en confiant celle-ci à des associations ou des organismes privés agréés mais mal contrôlés, l’éducation à la sexualité auprès des enfants et des adolescents est devenue une porte d’entrée pour la propagande trans auprès de ce public.

Ajoutons la force de frappe des influenceurs sur les réseaux prétendument sociaux et nous obtenons l’épidémie de demandes de transition chez les jeunes adolescentes qui doutent de la manière dont elles vont pouvoir devenir des femmes équilibrées et satisfaites dans nos sociétés en proie à une « guerre des appartenances » (sexuelles et autres) qui s’installe insidieusement. Épidémie contenue certes, mais suffisamment alarmante pour que l’Académie nationale de médecine se fende d’un communiqué à l’adresse de la communauté médicale « sur la demande croissante de soins dans le contexte de la transidentité de genre chez l’enfant et l’adolescent » et fasse quelques recommandations dans le sens de la prudence, de l’accompagnement psychologique et du développement des connaissances scientifiques4.

On le comprend donc, les lobbies trans s’emploient tous azimuts à diffuser leur idéologie arc-en-ciel estampillée LGBT+ et stipulée « progressiste et émancipatrice », ils n’hésitent pas à faire feu de tout bois pour lever les obstacles lorsqu’ils apparaissent ou que certaines institutions se mettent à contrarier leurs espoirs.

Est-ce la crainte de voir les milieux médicaux regarder de plus près leurs propres pratiques en ce domaine et possiblement formuler des directives plus précises et plus claires au sujet des enfants et des adolescents potentiellement « transitionneurs », qui a redoublé l’ardeur des propagandistes trans en direction des parlementaires ? Quoi qu’il en soit, il est clair qu’ils tentent d’allumer un contre-feu en incitant ces derniers à considérer que toute réserve de la part d’un médecin ou d’un thérapeute confronté à une demande de transition de genre, émanant notamment d’un enfant ou d’un adolescent, doit être tenue pour l’équivalent d’une « thérapie de conversion ». Le Parlement a failli souscrire à cet étrange renversement sémantique qui faisait peser sur la profession médicale une menace de poursuites-bâillons, ces procès à répétition qui intimident et paralysent l’action. S’il avait approuvé les préconisations de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, il aurait seulement agi comme un Cheval de Troie pour le compte des lobbies transactivistes.

Michel Messu

Michel Messu

Sociologue-Professeur honoraire des universités

Notes & références

  1. Voir Mikhaïl Kostylev, « Comment les “thérapies de conversion” sont devenues une arme politique LGBT+ : enquête », Observatoire des idéologies identitaires, 25 septembre 2023.

  2. Voir Projet de loi n°241, modifié, par l’Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0241_texte-adopte-seance# En particulier, proposition d’insérer un article 223–1–2 au code pénal.

  3. Voir par exemple le documentaire francophone Trans Express, Épisode du jeudi 29 février 2024, Pasquale Turbide, Michael Deetjens, Gabriel Allard Gagnon, Jason Reed, Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/tele/enquete/site/episodes/864008/episode-du-jeudi-29-fevrier-2024

  4. Communiqué du 25 février 2022 de l’Académie nationale de médecine intitulé « La médecine face à la transidentité de genre chez les enfants et les adolescents ».