Dans son édition du 9 février, le New York Times a publié un article d’une grande faiblesse dévoilant son militantisme pour la cause décoloniale en France et son ingérence dans des affaires françaises dont il ne perçoit pas la complexité. Son militantisme aveugle et la mauvaise foi qui émane de l’article, où nos co-signataires sont méprisés au titre de leur âge ou de leur engagement amènent tous les collègues de l’Observatoire à souhaiter accompagner le droit de réponse de Nathalie HEINICH et Pierre-André TAGUIEFF dont vous trouverez le texte anglais ci-dessous (traduction française) :
« In his article published on the 9th of February entitled « France sees an Existential Threat from American Campuses », Norimitsu Onishi writes about the movement we have launched and claims that those « attacks on American universities are led by aging white male intellectuals ».
Cancelling people by playing the race card and the age card and the gender card is a triple combo of bigotry.
It is also a false statement. Among the 257 signatories of the « Manifeste des cent » published on the 1st of Novembre 2020 in Le Monde, are 71 women. Among the 73 first signatories of the « Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires » published in January 2021, 16 are women and the list is getting longer by the minute.
Those among us who were interviewed for the preparation of that article explained to the writer that the comparatively high proportion of older academics was mainly due to the prevailing Stalinist ambiance currently preventing the younger academics to air their feelings about the mainstream ideology for fear of risking their careers. We regret such fact was not taken into account.
We also wish to stress that such a statement is a telling example of the close-minded bias advocating identity politics and communitarianism, a set of dogmatic views that we reject as it reduces social debates to expressing mere identity postures, downgrading individuals to mere atoms standing for their community and drowning ideas and values into an indistinct rumble — as is demonstrated by the article.
The author seems to ignore that such mentality is radically opposed to the universalist and democratic tradition embodied by the French conception of national belonging and citizenship. American intellectuals too have stressed how the bigotry of identity is plaguing academia and the world of culture, people like Mark Lilla, Laurent Dubreuil, Coleman Hugues, John McWhorter, Glenn Loury, Steven Pinker, Jonathan Haidt, the members of Counterweight or Heterox Academy…. So it’s not just a few old white males who see the cancel culture ideology as a danger—it’s the legitimate concern of true democrats around the world.
We simply wish that honest readers will laugh at the opening phrase like we did and realize that the views of the ‘woke’ portion of the American left are based on a deep misconception of the universalist creed, as exemplified by this paper. »
Nathalie HEINICH – Pierre-André TAGUIEFF
and all the members of the « Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires«
Réponse au New-York Times
(Revenir à la version anglaise)
Dans l’article de Norimitsu Onishi paru le 9 février sous le titre « France sees an Existential Threat from American Campuses », il est écrit à propos du mouvement que nous avons lancé que ces « attacks on American universities are led by aging white male intellectuals« .
Diffamer les gens par leur âge, leur race et leur genre: c’est le triple combo de la bigoterie décoloniale.
Cette affirmation est fausse : parmi les 257 signataires du « manifeste des cent » publié le 1° novembre 2020 dans Le Monde, figurent 71 femmes ; et parmi les 73 premiers signataires de l’ « Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires », 16 sont des femmes (la liste s’est encore considérablement allongée depuis son lancement en janvier).
Par ailleurs, ceux d’entre nous qui ont été interviewés pour la préparation de cet article ont expliqué à son auteur que la forte proportion d’universitaires relativement âgés tient en grande partie au fait que nous vivons actuellement dans une atmosphère « stalinienne », qui interdit aux jeunes universitaires de se prononcer publiquement contre les idéologies aujourd’hui dominantes, au risque d’y sacrifier leur carrière; nous regrettons qu’il n’ait été tenu aucun compte de cette information.
Nous tenons également à souligner à quel point cette phrase est révélatrice de la mentalité communautariste et identitariste contre laquelle nous nous battons, puisqu’elle réduit le débat d’idées à l’expression de positions identitaires et les individus à des représentants de communautés, rendant ainsi idées et valeurs inaudibles, comme en témoigne malheureusement cet article.
L’auteur de l’article semble en outre ignorer que cette mentalité, opposée à l’universalisme républicain qu’incarne la conception française de la citoyenneté, a été stigmatisée par des intellectuels américains comme une des plaies actuelles du monde universitaire et culturel (ne citons que les noms de Mark Lilla, Laurent Dubreuil, Coleman Hugues, John McWhorter, Glenn Loury, Steven Pinker, Jonathan Haidt, the members of Counterweight or Heterox Academy…): ce n’est donc pas une lubie de vieux mâles blancs Français que d’y voir un danger, mais un souci partagé par les vrais démocrates de tous les pays.
Nous souhaitons pour finir que les lecteurs de bonne foi du New York Times prennent conscience que cette seule phrase – qui a fait éclater de rire les signataires de ce droit de réponse comme, probablement, de nombreux lecteurs de l’article – témoigne à elle seule de la profonde incompréhension qu’une certaine gauche américaine entretient envers l’idéal universaliste, et dont cet article très orienté constitue, malheureusement, un nouvel exemple.
Nathalie HEINICH – Pierre-André TAGUIEFF
and all the members of the « Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires«