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«  Pascal Perrineau n’a pourtant pas démérité »

«  Pascal Perrineau n’a pourtant pas démérité »

Pierre Vermeren

Pierre Vermeren, normalien et agrégé d'histoire, est un spécialiste du Maghreb et des mondes arabo-berbères.

 La récente affaire « Perrineau », professeur d’université émérite à Sciences-Po Paris, spécialiste reconnu de la vie politique française et de la sociologie du Front national, a enrichi la chronique de la vie universitaire, dévoilant la violence des combats invisibles qui s’y déroulent, sur fond de lutte entre partisans de la table rase et défenseurs d’une certaine idée de l’Université. Fin mars 2024, alors que s’y déroulaient des manifestations étudiantes très médiatisées et que la crise de la gouvernance de Sciences Po se poursuivait, Pascal Perrineau déclara à L’Express que son École peinait à faire vivre le pluralisme interne. Une faute apparemment impardonnable qui vient de lui coûter la prolongation de son éméritat.

L’éméritat est une dignité universitaire offerte sur leur demande aux universitaires qui partent à la retraite. Elle leur permet de suivre ès-qualités leurs derniers doctorants jusqu’à la soutenance, afin qu’ils n’achèvent pas leurs thèses dans d’autres mains, mais aussi parfois d’écrire, de prononcer des conférences voire de faire des cours au titre de leur université. Tout cela s’opère à titre gratuit. L’éméritat participe donc du rayonnement de l’Université dont il élargit le corps professoral en confiant à des universitaires chevronnés des missions de service public. L’éméritat équivaut à l’honorariat des diplomates ou des magistrats, preuve de distinction, de gratitude et de déférence de l’institution envers ceux qui l’ont fidèlement servie. Cette reconnaissance est attribuable deux fois de suite pendant quelques années, selon les règles en cours dans chaque université.Ne pas attribuer l’éméritat à un professeur qui en a fait la demande est un geste hostile. Ne pas le renouveler après une première attribution s’apparente à une punition, surtout quand la personne a dûment servi son établissement et la science, et que sa santé lui permet de poursuivre sa mission. L’affaire Perrineau coche toutes les cases de la malveillance et du règlement de compte, infligés par les membres du Conseil scientifique de Sciences Po Paris. Patron du CEVIPOF pendant plus de vingt ans, président de l’association des Anciens élèves de Sciences-Po Paris, Pascal Perrineau est puni par un aréopage sans visage. Éminent membre de l’IEP durant ses heures de gloire, se reconnaissant dans la filiation de René Rémond, n’hésitant pas à se livrer sur ses convictions intimes, ce démocrate républicain qui a questionné les ressorts et les procédures de la démocratie est aussi membre du Conseil scientifique de l’Observatoire des idéologies identitaires. C’en était trop pour les coupeurs de tête. Les tenanciers d’un pluralisme univoque ont décidé de le faire taire. Pour combien de temps ?

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