Pour un inclusivisme intégral.

Pour un inclusivisme intégral.

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Pour un inclusivisme intégral.

Par le collectif « Décoloniser la langue »

Le projet part d’un constat : l’écriture inclusive telle qu’elle est aujourd’hui préconisée et pratiquée représente certes un progrès appréciable, mais encore très partiel. Un long chemin reste à parcourir.

Non seulement cette écriture continue de reposer sur une logique des genres binaire, très en retard sur les préconisations de la grammaire queer qui réclame à bon droit sa suffixation spécifique (ae ou oe) et ses pronoms propres (ol, ul), mais surtout, en s’arrêtant aux questions de genre, elle ne résout aucunement le problème de l’invisibilisation persistante, dans la langue et l’écriture, des minorités sociales, racisées, culturelles et générationnelles. 

Il faut donc songer à une réforme, voire à une refonte beaucoup plus radicale de nos modes d’écriture afin que le programme égalitaire et diversitaire prenne littéralement corps dans la langue

Prenons l’exemple du mot « collègue », qui par son caractère épicène, fait souvent illusion. 

Or, le système actuellement prôné (appelons-le l’inclusivisme partiel) ne permet pas d’agir avec l’efficacité nécessaire sur les représentations mentales de ses interlocuteurs pour leur signifier qu’il existe des collègues socialement et culturellement privilégiés et d’autres défavorisés, des jeunes (victimes de juvénophobie), des vieux (victimes de gérontophobie ou âgisme), des musulmans (victimes d’islamophobie), des juifs (victimes de judéophobie), des roms (victimes de romophobie), des jaunes (victimes de kitrinophobie), des noirs (victimes de négrophobie), des gros (victimes de grossophobie), des maigres (victimes de minçophobie), des petits (victime de nanophobie), des handicapés (victime de handiphobie ou validisme). Sans compter les gays (victimes d’homophobie), les lesbiennes (victimes de lesbophobie), les trans (victimes de transphobie), pour n’en mentionner que quelques-uns. 

Il s’agirait donc de songer à un mode d’écriture novateur, capable de rendre compte de cette diversité. Les nouveaux moyens technologiques permettent aujourd’hui d’atteindre cet objectif. Nous pouvons désormais travailler à des solutions vraiment inclusives, jouant sur la grosseur des caractères, leur couleur, incluant les signes graphiques étrangers, etc.

À titre d’exemple, tandis qu’en écriture inclusive partielle, on se contentera d’écrire « Cher.e.s collègues » (ce qui n’est guère satisfaisant, tout le monde en conviendra), nous pourrions, en écriture inclusive intégrale, écrire quelque chose comme :

Il ne s’agit là que d’un échantillon virtuel donné à titre indicatif. La variable contextuelle n’y a pas été intégrée : s’il n’y a pas de gros ou d’Asiatiques parmi mes collègues, je peux m’en tenir à une expression plus dépouillée ; inversement, s’il y a des siamois, il me faudra peut-être recourir à un signe spécifique. Quoi qu’il en soit, la recherche n’en est qu’à ses débuts. 

Certains prendront prétexte d’une prétendue incommodité graphique pour dénoncer ce combat comme irréaliste. On entend déjà des arguments spécieux du type : « Il va nous falloir des heures pour écrire un message qui, dans l’androlecte blanc cisgenre validiste, ne prenait que cinq minutes. ». Ce ne serait pas la première fois, hélas, que les suppôts de l’ordre ancien viseraient à freiner la conquête nécessaire de nouveaux droits humains. Ajoutons que l’objection esthétique et pratique ne saurait, en toute rigueur, prévaloir sur les principes éthiques et politiques qui commandent notre projet.

Bien des problèmes demeurent à régler et des normes à établir. Il faudra veiller par exemple à l’équilibre global de certains signes pour éviter de créer des contentieux supplémentaires. Un inventaire équitable des minorités aspirant à la reconnaissance morpho-lexicale devra être réalisé. L’égalité ou la proportionnalité entre les signes graphiques concernant certains groupes devra faire l’objet d’une grande vigilance. Par exemple, il semble souhaitable (l’histoire le montre) de maintenir une certaine parité entre les graphèmes arabes et hébreux, ou d’être attentif à doter la Corse de sa personnalité graphique.

Ce programme de recherche ambitieux – qui, vous l’aurez compris, réclame des subventions conséquentes – pourrait déboucher, à moyen terme, sur le remplacement d’une Académie française disqualifiée par une « Ac-Halde-émie » résolument paritaire et inclusive, dont la tâche sera de veiller à l’égale visibilisation des groupes humains dans la langue, champ de bataille de la libération universelle.

NB. Afin de permettre la plus grande diffusion possible, ce message n’a pas été rédigé en écriture inclusive. On pourrait y voir une contradiction : soit, mais toute histoire révolutionnaire est tissée de telles concessions.

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