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Reportage en immersion au coeur du wokistan: retour sur le colloque « Fondements de la discrimination contemporaine » en Sorbonne

Reportage en immersion au coeur du wokistan: retour sur le colloque « Fondements de la discrimination contemporaine » en Sorbonne

Collectif

Tribune des observateurs

L’Observatoire s’est fait microscopique pour assister en toute tranquillité à la journée organisée en Sorbonne autour de la question sur les fondements de la discrimination contemporaine qui accueillait entre autres Pap NDiaye, l’inénarrable auteur avec Constance Rivière du rapport sur la diversité à l’Opéra dont nous avons déjà écrit tout le mal qu’il fallait en penser. Voilà donc le compte-rendu de reportage en immersion au cœur du Wokistan de la part de notre intrépide reporter.

Le jeudi 15 avril s’est tenue en Sorbonne une journée d’études intitulée « Fondements de la discrimination contemporaine. Comment agir contre les discriminations à l’université ? », organisée par plusieurs chargés de « mission lutte contre les discriminations et le racisme ». Il sera mis en ligne le 10 mai, à l’occasion de la « journée nationale de commémoration des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition » (depuis 2006). La parole y fut donnée à des enseignants de formations diverses (université, CNRS, INSPE), ainsi qu’à des étudiants.

L’ensemble forme un concentré de wokisme, à la fois par les thématiques traitées, par la reprise des éléments de langage catéchétiques et par la confusion constante entre recherche et militantisme.

L’introduction de Beate Collet donne le ton : « Le vrai chercheur, la vraie chercheuse, est plutôt modeste. Elle ou il garde toujours un doute. Pourquoi certaines ou certains ne font-ils et elles pas confiance… ? » Les oreilles écorchées par ce bégaiement, l’auditeur se dit : à ce rythme, je ne tiendrai pas le coup, et se prend à rêver de parlure inclusive, pour en venir à bout plus vite. Une précaution méthodologique s’impose : « Les termes race, racialisation (bien présents dans le programme) ne sont pas utilisés dans le sens de la pensée raciste », bien entendu, mais uniquement « pour dénoncer ces processus » – ouf ! on est rassuré: si on parle de race sans être raciste, c’est donc que tout va bien. Il s’agit bien d’un colloque militant, dont les sujets traités « sont en lien avec les actions politiques que d’autres mènent ailleurs pour faire valoir leurs droits et leurs convictions ». Mais les chercheu.se.r.e.s (vous allez y arriver !) « devraient aller au-delà de leurs convictions militantes » pour donner « ampleur et profondeur à leurs raisonnements ». Autrement dit, c’est du militantisme amplifié et approfondi – et surtout, accrédité, consacré, estampillé Sorbonne, Salle des Actes, sous les portraits austères de tous les anciens Présidents qui se retournent dans leur tombe colonialiste.

Certes, prévient béatement Beate, les résultats de ce colloque pourraient bien « heurter des personnes qui n’ont pas appris à raisonner en ces termes », notamment les collègues formés au rational-universalisme occidentalo-patriarcal, mais tant pis s’ils sont heurtés, puisque qu’ils appartiennent à une race (le mot m’a échappé !) périmée, et que de toute façon ils n’ont pas fini d’en voir de toutes les couleurs (métaphore échappée aussi). Si ces hommes périmés veulent s’exprimer, prévient la Commissaire à la Diversité, ils sont libres de prendre la parole, mais attention, « les propos discriminatoires ou racistes ne sont pas admis lors de nos discussions », car ce ne sont pas de simples opinions, mais des propos « passibles de sanctions ». Pour éviter la prison, nous vous invitons donc à suivre le programme de rééducation sur Zoom. Devant un tel marché, il n’y a pas à hésiter: il faut se taire !

La première session, consacrée aux « Représentations et discriminations croisées », présente l’approche intersectionnelle comme le Graal du chercheur en quête d’une grille herméneutique toute faite (et surtout en quête d’un poste et de subventions), grille d’usage aussi simple qu’un grille-pain, d’où n’importe quelle tranche de réalité ressort avec le même aspect, grillé des deux côtés, côté race et côté genre. Exemple donné par une intervenante avec une belle emphase pédagogique :

Nous pouvons être femmes, et c’est une catégorie d’analyse ; nous pouvons être pauvres, et c’est une autre catégorie d’analyse ; nous pouvons êtres lesbiennes, et c’est une autre catégorie d’analyse ; nous pouvons être noires, et c’est une autre catégorie d’analyse ; mais nous pouvons être femmes, pauvres, lesbiennes et noires, et c’est encore une autre catégorie d’analyse. 

L’ampleur de vue est à la mesure de la longueur de la phrase, et sa subtilité à la mesure de sa légèreté. De même, on peut être doctrinaire, c’est une catégorie ; on peut être enseignant à l’université, c’est une autre catégorie, et on peut être payé à raconter des inepties, c’est une troisième catégorie ; et si l’on fusionne les trois catégories, on obtient le profil type du chercheur woke. Dans la perspective intersectionnelle, le critère de l’embauche en entreprise ne doit pas dépendre du profil du poste ni de la compétence professionnelle des personnes. Mais, encore plongé dans l’obscurantisme, le monde du travail continue à se référer aux individus comme « autonomes », comme s’ils étaient « libérés de leur genre et de leur origine ». Et quand la discrimination positive est pratiquée, elle est perverse puisqu’elle ne tient compte que d’un seul critère de discrimination, au lieu de considérer les individus « dans leur globalité intersectionnelle ».

Quant à la logique du mérite, c’est la plus hypocrite selon eux : elle permet de nommer à de hauts postes des personnes « racisées » (Rachel Khan aurait dit: « racées »), mais c’est un pur effet d’affichage qui ne vaut pas une politique de quotas. Ainsi, alors que les universités prétendent œuvrer à « la réduction des inégalités » et à la « construction d’une société inclusive » (article L123-2 du Code de l’Éducation), le profil-type du président d’université est un homme blanc de plus de 55 ans – autrement dit, un profil douteux. Pire encore, à les écouter: seuls trois présidents d’université seraient – à en croire leur prénom toujours selon les orateurs – représentants de la diversité !

L’université est aussi loin du compte que l’entreprise, faute d’une culture militante suffisante. L’un des intervenants raconte son expérience au service des missions égalité homme-femme, et exprime une opinion originale en déplorant qu’une « logique consensualiste organise les politiques publiques, obstacle à parole conflictualiste ». L’harmonie sociale y prime la lutte des races, mais ça doit changer : puisque l’institution ne promeut pas la baston, mettons-y du barouf et du rififi. Une autre chante les louanges de bell hooks, militante afro-américaine allergique aux majuscules, qui s’est battue pour « décoloniser nos manières de voir, de penser, de créer. »

L’urgence est d’établir un état des lieux de l’enseignement pour mieux décoloniser les programmes.

Plusieurs étudiants de master et de doctorat prennent la parole pour exposer leurs recherches dont l’intérêt manifeste est quelque peu amorti par une présentation confondante de conformisme :: « La femme martiniquaise est en proie à une double discrimination, de race et de genre » ; « Le cheveu c’est quelque chose d’éminemment politique ». Certain.e.s ne se privent pas d’affirmer :

Ce sont des questions qui m’intéressent fortement et que je poursuis dans mon activité militante par ailleurs.

Mais le clou du spectacle est sans conteste l’intervention de Pap Ndiaye.

Il nous rappelle d’emblée que « l’université peut être un lieu de différentes formes de violence », et nous propose un programme de déblanchiment à tous les niveaux. D’abord en orientant l’argent, nerf de la guerre, vers la bonne cible et la bonne couleur : « Flécher, colorer (sic) certains contrats doctoraux dans telle ou telle discipline », avoir une « politique à l’échelle des COMUE, des ERC, ANR », bref, une « politique de recherche fermement engagée dans ces domaines », pour éviter notamment la fuite des cerveaux (ou des écervelés ?) vers l’Eldorado des campus américains. Hélas, en matière de fléchage, ses désirs ont été devancés. L’urgence est d’établir un état des lieux de l’enseignement pour mieux décoloniser les programmes. Ainsi en histoire, il faut « enseigner la racialisation du monde », puisque « les savoirs sur l’homme au XVIe siècle s’organisent autour de l’invention des races », en lien avec l’histoire de la colonisation.

Il faut également chauffer les étudiants pour qu’ils deviennent de bons militants, à l’instar du groupe Black Lives Matter très actif à Sciences-Po, et qui a brillamment contribué à redorer l’image de cette poussiéreuse école. Le mot d’ordre est de « faire des Universités des lieux où ces questions soient pensées, enseignées, militées, diffusées ».

Pour conclure, le directeur du Musée national de l’histoire de l’immigration se réjouit que la Sorbonne aille dans la bonne direction. Certes, cela « peut susciter des réactions très vives, de celles et ceux qui estiment que les universités ne devraient pas s’attaquer à ces questions. » Certains esprits chagrins pointent les « influences néfastes qui viendraient de telle ou telle région du monde » pour « délégitimer tous ces efforts, ces recherches, ces enseignements. » La présence du Pape Ndiaye s’explique ; le Pontife est venu bénir la nouvelle croisade, remonter le moral des troupes.

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