[par Yana Grinshpun]
« De qui suis-je le fils ? » (Sophocle, Œdipe roi)
« Méfiez-vous de tous ceux qui parlent beaucoup de leur justice! En vérité, ce n’est pas seulement le miel qui manque à leurs âmes. Et s’ils s’appellent eux-mêmes « les bons et les justes », n’oubliez pas qu’il ne leur manque que la puissance pour être des pharisiens! » (Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra)
La différence entre une secte et une religion n’est pas toujours bien définie et ne peut se fonder sur des critères objectifs. Une secte est un ensemble de personnes clos sur lui-même. Il est en général créé pour s’opposer à des pratiques ou à des idées religieuses dominantes et peut évoluer en religion. En règle générale, une secte a tendance à condamner tous ceux qui ne sont pas ses membres. Mais certaines religions aussi, ce n’est donc pas cela qui serait un critère de distinction efficace.
Le christianisme, à ses débuts n’était qu’une secte fondée par des Juifs contestataires de la loi mosaïque. Jésus réinterprète la loi : les normes qu’il édicte, les discours essentiels qu’il prononce contribuent à le présenter peu à peu comme une nouvelle incarnation de la loi. Ses « followers » proclament peu à peu que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob est devenu le Dieu de tous et de chacun. Peu à peu l’influence de cette secte s’est étendue au point de devenir une religion officielle de l’empire.
La différence essentielle entre les sectes et les religions réside donc dans le nombre d’adeptes et dans l’institutionnalisation. Une petite secte juive qui pratiquait au début « la loi réformée » s’est transformée en religion de l’empire en quelques siècles.
Un groupe minoritaire, LGBTQ+, dont la critique essentielle portait sur l’inadaptation de la loi à leur essence sexuelle, s’est transformé en religion officielle de l’Europe en une dizaine d’année. La nouvelle religion du Genre a atteint son paroxysme en annonçant l’inexistence de la différence sexuelle, contrairement à la loi anthropologique et symbolique. C’est désormais le dogme officiel de cette nouvelle Église, dont la puissance et la nuisance sont à prendre au sérieux, qui doit être inculqué à tous les petits européens à partir de l’école primaire1.
La religion est un phénomène totalisant, elle englobe tous les pans de la vie sociale, elle propose un ensemble explicatif sur la vie en société, sur les modes de vie sociale et intime, elle aspire à devenir un élément constituant de la société, son fondement même.
Tout message religieux contient une promesse messianique portée par les élus porteurs de la bonne nouvelle. Toutes les religions proposent une nouvelle cosmogonie, et de nouvelles figures de martyrs qui finissent par incarner la norme à laquelle il est impératif de se plier sous peine de châtiments divers.
La religion du Genre, qu’on peut sans hésitation baptiser la religion du chaos sexuel est une religion universaliste, elle a une prétention de conquête mondiale, tout comme l’Islam. Sa devise officielle est « Sortir de l’hétérosexualité », son credo : « nous ne sommes pas des hommes et des femmes, nous sommes des êtres déconstruits ». Sortir de l’hétérosexualité n’est qu’une des nombreuses voies de salut pour les opprimés qui formaient la secte et qui sont devenus progressivement les dominants, mais elle n’est pas la meilleure, même si elle est recommandée. Celle qui ouvre les portes du paradis, qui mène à la vérité du sexe, qui libère des oppressions du monde, c’est la voie de la conversion. Quand on adhère à une nouvelle religion, il ne reste pas d’autre voie. Saul nous l’a montré en devenant Paul. Beatriz fera de même.
L’impérialisme religieux de la nouvelle religion
Si le Saint Siège se trouve à Rome, le Saint-Genre, lui, est installé à Bruxelles, et représenté sur le sol français par la mission épiscopale CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme). Les institutions européennes, dont le caractère est clairement religieux, émettent des bulles appelées en dialecte administratif européen « recommandations », « invitations » ou « préconisations » – ce qui permet de préserver les apparences de la liberté de choix des futurs convertis en profitant de la confusion sémantique et en imposant subrepticement un nouveau code de droit sexuel. Regardons les textes :
L’organe officiel du Saint-Genre informe les ouailles sur les pages du journal officiel2 de la République Française :
« L’identité de genre a été introduite en tant que définition précise par un collège d’experts en droit international de tous les continents, pour l’ONU en 2007, dans les principes de Jogjakarta. Ceux-ci sont repris dans le rapport du haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations-unies en novembre 2011.
La définition donnée dans les principes de Jogjakarta est la suivante : « L’ identité de genre fait référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autre) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire. »
La notion d’identité de genre est en outre présente au sein du système des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Ainsi, en 2009, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, a publié un document thématique intitulé Droits de l’homme et identité de genre (4), dans lequel il formule douze recommandations aux États membres, appelant à respecter les droits humains et les personnes transsexuelles et transgenres.
Les États sont ainsi invités à «mettre en œuvre les normes internationales des droits de l’homme sans distinction et interdire expressément la discrimination fondée sur l’identité de genre dans la législation nationale antidiscrimination ».
Il est par ailleurs souligné que cette mise en œuvre au niveau national « devrait s’inspirer des principes de Jogjakarta sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre ».
Nouvelle chaire globale et les Tables de la Loi de Jogjakarta
Comme toute religion, la religion du chaos sexuel a son texte fondateur. Il ne s’agit pas des apocryphes ou des Évangiles variés écrits pas des apologètes, ni des exégètes tardifs, mais d’un véritable texte fondateur à tenure législative qui est en passe de devenir coercitif au sein de l’éducation nationale en matière de l’éducation sexuelle. Car les futurs généraux du Chaos sont d’abord des soldats qu’on prépare dans les petites écoles.
Les principes de Jogjakarta3
« Les Principes de Jogjakarta sont une série de principes sur l’application du droit international des droits de l’homme en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Les Principes affirment lier les normes juridiques internationales auxquelles les États doivent se conformer. Ils promettent un futur différent, où tous les êtres humains, nés libres et égaux en dignité et en droits, pourront jouir de ce précieux droit à la vie ».
Cette promesse de l’avenir meilleur des apôtres du paradis sur terre où tous les êtres pourront jouir de ce précieux droit de la vie semble s’inscrire dans le désir ardent de construire le monde meilleur. La tentative est vieille comme le monde, et les résultats en sont bien connus. La lecture de Brave New World de Aldous Huxley peut s’avérer instructive à tous ceux qui souhaitent savoir ce qui les attend.
Des prescriptions d’une secte de Jogjakarta, composée d’experts « internationalement reconnus »4 qui ont très bien compris que le meilleur moyen de convertir les hétérosexuels à la sexualité chaotique nouvelle se situe à l’école dès le plus jeune âge. Les esprits jeunes sont malléables, influençables et formatables plus facilement que les hétérosexuels adultes rabougris et insensibles au prosélytisme. Les programmes d’éducation sexuelle sont obligatoires dans les écoles françaises grâce justement à ce texte fondateur d’une grande perversité que peu de gens connaissent mais qui mérite d’être rendu public. Voici quelques extraits de cette Bible de la sexualité chaotique nouvelle :
Sur une modalité injonctive les savants sexo-juristes de Jogjakarta préconisent aux États :
Les répercussions de ces préconisations en France impliquent l’éducation sexuelle à partir de l’école primaire. Les Standards Européens qui s’inspirent de ces oukases dictent leurs obligations aux pays membres de l’Europe par le Ministère de l’éducation nationale qui veille au respect de ces pieux principes.
À l’école primaire
À l’école primaire (sic !), les temps consacrés à l’éducation à la sexualité incombent au professeur des écoles. Ces temps doivent être identifiés comme tels dans l’organisation de la classe et être intégrés aux enseignements. Ils sont adaptés aux opportunités fournies par la vie de la classe ou de l’école.
Au collège et au lycée
Au moins trois séances annuelles d’éducation à la sexualité sont mises en place dans les collèges et les lycées. Elles relient et complètent les différents enseignements dispensés en cours. (NDRL : la nature de ces différents enseignements reste un mystère pour les parents, mais tout texte fondateur canonique a ses apocryphes !)
La durée des séances et la taille des groupes sont adaptées à chaque niveau de scolarité. Ces séances sont organisées par une équipe de personnels volontaires et formés (professeurs, conseillers principaux d’éducation, infirmiers, etc.), le cas échéant en lien avec des partenaires extérieurs ayant un agrément national ou académique.
La circulaire de 2003 précise :
« Il peut être toutefois recommandé de privilégier le recours à des intervenants issus d’associations ayant reçu l’agrément, national ou académique, prévu par le décret du 6 novembre 1992.
Les partenaires extérieurs ayant bénéficié d’une formation appropriée peuvent intervenir, dans les séances d’éducation à la sexualité dans le respect des principes, de l’éthique et des objectifs définis dans la présente circulaire »5.
Il ne suffit pas de s’immiscer dans la vie intime des enfants et des adolescents, leur éducation doit être parfaite en leur enseignant une nouvelle anthropologie religieuse. C’est-à-dire, le personnel enseignant doit désormais se former en prêcheurs habilité par le Saint Sexe. Et ceux-ci s’exécutent comme de bons soldats de l’armée du salut sexuel. La circulaire de Blanquer sur les transidentités à l’école n’est rien d’autre que l’empressement de l’archevêque national d’accomplir la prescription du Saint-Siège6:
« Enfin, il est important de considérer que chaque situation est singulière. Les interrogations sur son identité de genre de la part de l’élève ne se traduisent pas nécessairement par un parcours de transition. Elles doivent faire l’objet d’une écoute attentive et bienveillante permettant de respecter le libre choix de l’élève en veillant à ne pas créer de situation irréversible qui serait en contradiction avec cette liberté.
Ainsi, ce parcours de l’élève peut souvent passer par des étapes d’affirmation sociale (changement d’apparence ou pas, adoption d’un prénom d’usage ou pas), par des révélations volontaires de son identité de genre (ou « coming out ») auprès de l’entourage amical, familial, scolaire, avant éventuellement de se traduire – ou non – par des démarches administratives (modifications de l’état civil) et/ou des démarches médicales (celles-ci n’étant en aucun cas obligatoires dans un parcours transidentitaire). Dans tous les cas, l’établissement scolaire doit être attentif à garantir les conditions d’une transition revendiquée – c’est-à-dire la possibilité d’être et de demeurer identifié et visible comme une personne transgenre – ou d’une transition confidentielle ».
L’école est tenue désormais de fonctionner à la fois comme un confessionnal et comme la police bienveillante qui accompagne un élève en proie au malaise identitaire. Elle n’est plus là pour transmettre les savoirs mais pour veiller à ce que l’intimité sexuelle soit dûment étalée devant la bienveillance du groupe qui, lui n’a aucun droit de ne pas être indifférent à l’intimité des camarades. Car la bienveillance n’est pas indifférence, surtout lorsqu’elle imposée.
L’Éducation nationale a recours à des militants transféministes comme formateurs d’enseignants et de personnels, comme intervenants en milieu scolaire auprès d’élèves de tout niveau, mais aussi comme concepteurs d’outils pédagogiques.
On comprend bien que les enfants qui iront à la grande communion adelphique seront très bien préparés à la « conversion ». Les parents n’ont pas à se faire de soucis. L’éducation nationale veille ! Et s’ils ne sont pas contents, on les appelle au « dialogue », pour leur expliquer que la non-prise en compte du désir (car l’Église nouvelle sait tout sur le désir !) risque de le reléguer aux rangs des apostats:
« Ainsi, si les parents de l’élève mineur s’opposent à l’utilisation d’un prénom d’usage demandé par leur enfant dans son cadre scolaire, il conviendra alors, dans l’intérêt de l’élève et à son initiative, d’instaurer un dialogue avec sa famille »7.
Le personnel enseignant se transforme par cette bulle en vicaires dont le rôle consiste à s’immiscer dans la vie de famille, contrôler le « désir » des parents et des « enfants », instaurer « le dialogue » avec les récalcitrants pour les obliger à se plier aux décisions de l’archevêché transidentitaire.
L’exégèse
La parole sacrée a cela de caractéristique qu’elle nécessite une exégèse. Toutes les religions ont eu les illustres représentants de l’herméneutique de la parole sacrée.
Le mécanisme de l’exégèse est aussi primordial dans la nouvelle religion. Certains mots ne sont pas connus du public non-initié et d’autres sont connus mais leur morphologie pseudo-savante et absconse ainsi que leur usage rend difficile la compréhension. L’éducation nationale a d’ores et déjà prévu de pallier l’ignorance langagière en proposant des formations poussées par des cadres ecclésiastiques issus du congregatio transum de propaganda fide8 et rémunérés par les impôts citoyens.
« L’identité de genre » « l’identité de sexe », « cisgaze », « cisnormativité », « monde hétéronormé », « hétérocisnormativité », « cispassing », « morinom », « mégenrer » etc. Voici tout un dialecte que les jeunes citoyens de la société paradisiaque fluide sont censés apprendre. Ceci est déclaré être «un apprentissage progressif, chaque terme donnant les clefs pour comprendre les termes suivants ».
Les exégètes sont légion. Ils officient au nom de l’éducation nationale (voir les circulaires citées), ils œuvrent à la rééducation des masses sexuellement indigentes. Voir le rôle actif du Planning Familial (un centre religieux de rééducation sexuelle) dans le prosélytisme transidentitaire9, ils sont metteurs en scène, directeurs des musées et des cinémas, prêcheurs des réseaux sociaux, chanteurs, acteurs, journalistes, activistes, enseignants, progressistes, féministes, psychanalystes et autres fumistes recrutés par les évangélistes de la transidentité.
Le Martyrologue
Il n’y a pas de religion sans le récit des vies des saints. Le récit de la vie des martyrs du genre sont très instructifs comme par exemple celui de Saint Paul B. Preciado, lequel explique dans ses Épîtres aux Libérationnistes que cela (la transitude) signifie la rupture avec la filiation et l’omnipuissance du self-made être. Sans foi ni loi. Sans mère ni père. Un être pur qui lui seul connaît la vérité du sexe, soigneusement caché par l’oppresseur hétéronormatif dans sa « nécropolitique sexuelle ». Le grand hérésiarque devenu(e) apôtre de la vérité en transe parle ainsi :
«J’ai signé moi-même l’autorisation de destruction de mon acte de naissance, ainsi que la demande d’émission d’un nouveau. Comme un monstre qui a appris à parler, je m’assieds au centre de la baroque machine administrative qui produit la vérité du sexe et j’appuie sur toutes ses touches à la fois, jusqu’à ce que le système entre en black-out. Je ressens un certain vertige.»10
« Pour rendre possible l’émancipation des femmes et des hommes, il faut se libérer de l’hétérosexualité ».
« Ce que le discours scientifique et technique occidental considère comme les organes sexuels emblématiques de la masculinité et de la féminité, le pénis et le vagin, n’est pas plus réel que le Rwanda ou le Nigeria, que l’Espagne ou l’Italie. Il y a une différence entre une colline verte qui pousse de l’autre côté d’un fleuve et un désert qui s’étend du côté balayé par le vent. Il y a le paysage érotique d’un corps. Il n’y a pas d’organes sexuels mais des enclaves coloniales de pouvoir ».
Ces quelques lignes des récits de la vie de Sex Paul illustrent la voie du bonheur. Le novice comprendra que pour atteindre la rédemption, il sera nécessaire de sortir de l’état de péché qu’est l’hétérosexualité, de se libérer des organes sexuels afin d’éviter de tomber dans un autre péché capital qui est la colonisation (du corps de l’autre).
En guise de conclusion
Toute religion rencontre des oppositions et des résistances qu’elle doit vaincre par le verbe ou par le glaive. L’ennemi principal de la religion du chaos est clairement identifié :
« La France reste frileuse sur ces questions à cause de cet idéal républicain, universel, hérité des Lumières, qui est à l’opposé du multiculturalisme et du communautarisme anglo-saxon. »11
Mais il est toujours possible de s’affranchir de ces résistances. Si les hétéro-hérétiques ne consentent pas, la réunion des pontifes « internationalement reconnus » émettra une bulle juridique internationale qui sera imposée très démocratiquement et dans la plus grande discrétion. Ce qui est de facto acquis. Il s’agit des principes de Jogjakarta selon lesquels « l’identité de genre » est déclarative, performative et agressive. Ces principes, relayés par les filiales ecclésiastiques internationales, avec la participation des capitaux de grosses entreprises pharmaceutiques achèveront l’installation de la religion qui aspire à faire d’un ressenti mineur, d’un malaise sexuel qui ne touche même pas 0,5 % de la population mondiale une catégorie universelle impérative concernant obligatoirement tout être humain.
Notons que cet universalisme » rabougri, vieilli et hérité des Lumières » agace prodigieusement d’autre religieux qui y voit le suppôt de Shaitan. Sommes-nous ici en présence d’une trans-religion ?