Wokisme, les faits n°25 - février 2024
Colloques et événements
Croiser le genre et la classe en sciences sociales
Quoique minoritaires, les enquêtes œuvrant au croisement des rapports de domination se développent sans toutefois mettre au jour leurs rouages et leurs ficelles empiriques. Ainsi les enjeux épistémologiques et méthodologiques sont-ils marginalisés et peu investigués. Quels outils méthodologiques choisir pour déployer ou interroger une focale analytique ou une approche théorique imbriquant le genre et la classe ? Que peuvent apporter l’ethnographie, les approches quantitatives, l’histoire, en la matière ? Quelles difficultés pratiques et théoriques posent-elles ? Par exemple, quelles leçons peut-on en tirer du point de vue méthodologique des travaux portant d’une part sur le genre et les classes populaires (Hamel et Siméant 2005), d’autre part sur le genre dans les classes supérieures (Benquet et Laufer 2016) ? Autrement dit, peut-on analyser de la même manière les femmes des classes supérieures et celles issues des classes populaires ?
Parler avec les mort·es, art et sciences face aux « autres voix »
« Esprit, es-tu là ? » : rituels de contact avec l’Invisible, de l’antique Nécromantéïon aux actuelles chasses aux fantômes (Romain Jallet) • Parler avec Monique Wittig. Rituels queer et performance de deuil (Eugénie Peron-Douté) • Hypnose et spectres dans les images en mouvement (Antoni Collot)
Conférence : “Un droit au masculin générique ? La langue du droit par le prisme du genre”, Journées internationales d’Histoire du Droit, Lausanne, 2023
Générale, abstraite, impersonnelle, parfois universelle… tels sont les qualificatifs traditionnellement associés à la langue du droit. Pourtant, alors que certains idiomes tels que l’anglais possèdent une véritable catégorie grammaticale neutre, la langue française est extrêmement marquée par la binarité. Tandis que des travaux récents mettent en lumière la déféminisation de la langue entreprise au XVIIe siècle, le masculin générique reste la seule forme admise grammaticalement pour rédiger les textes. D’ores et déjà apparaît donc un hiatus, celui de considérer comme « neutre » un « masculin », tout générique qu’il soit et cela suscite de premières interrogations : cette conception du neutre a-t-elle des
répercussions sur le droit ? De plus les études de genre, dont la doctrine juridique commence à se saisir, démontrent que le droit produit différentiations et discriminations et que derrière la langue du droit se dissimulent des représentations et des stéréotypes, notamment de genre.
Un Moyen Âge queer ? Deuxième anachronisme : la non-binarité (Lausanne)
Deuxième anachronisme : la non-binarité : De la Passion saint(e) Eugene virge: la rédaction francoprovençale de la légende d’Eugénie de Rome, sainte travestie (XIIIe siècle) • Changer de genre dans l’épopée médiévale: du travestissement à la métamorphose • Les émotions dans les procès médiévaux des personnes mises à la marge de la société
Confluences des inégalités sociales dans les littératures et médias francophones : l’intersectionnalité du point de vue des études littéraires (Passau, Allemagne)
Le concept d’intersectionnalité est particulièrement propice à une réévaluation de l’imbrication des rapports de pouvoir entre le passé et le présent. Né à partir du constat de l’existence de discriminations multiples dans la société, ses origines remontent au Black Feminism des années 1970 qui prend en compte les interdépendances entre racisme et sexisme dans la société. Ce terme, qui a été forgé par Kimberlé Crenshaw (1989), s’inspire à la métaphore visuelle du croisement des rues. Depuis lors, la notion d’intersectionnalité décrit différentes formes de discrimination multiple dans la société. Outre les catégories de race, de classe et de genre, d’autres critères de différence et de diversité sociales, comme l’âge, la religion ou la disabilité, sont venus s’y ajouter. Comme le soulignent Winker/Degele en 2009, l’intersectionnalité est une ‘approche théorique élaborée de manière plutôt rudimentaire’ (11), qui n’a en outre été prise en compte que récemment dans les études littéraires (cf. Krass 2014: 17 ; cf. Klein/Schnicke 2014).
Maternités lesbiennes et leurs imaginaires dans le théâtre en espagnol. Avec Gabriela Cordone et Marie-Pierre Rosier (séminaire « La Littérature à l’oblique », en Sorbonne)
La prochaine séance du séminaire « La littérature à l’oblique » aura lieu le vendredi 16 février 2024 de 18h à 20h, à la maison de la recherche de Sorbonne Université. Cette séance sera consacrée à la question des maternités lesbiennes et leurs imaginaires dans le théâtre en espagnol. Le droit à la reproduction assistée pour les couples de lesbiennes, en vigueur en Espagne depuis 2006 (Ley 14/2006), a inspiré diverses créations théâtrales autour des lesbomaternités. Notre présentation cherchera à partager quelques réflexions sur des aspects formels et thématiques, tels que le rôle des genres littéraires et des structures traditionnelles et hétéronormatives dans la construction des oeuvres étudiées, la place des réalités du terrain ou encore les rhétoriques autour des maternités lesbiennes.
Appels à contribution
Sauver le monde ou se sauver soi-même ? Penser les engagements préfiguratifs en contexte néolibéral
Le colloque vise à ouvrir un espace de discussion pour les chercheur·euses travaillant sur les engagements préfiguratifs. À partir d’une approche qui considère tant les militantismes progressistes que conservateurs, et qui s’intéresse à la complexité de la mise en œuvre des pratiques préfiguratives, nous proposons de poser les questions suivantes : quelles idées et/ou croyances sous-tendent les pratiques préfiguratives ? Quelles formes prennent ces pratiques selon des contextes socio-politiques hétérogènes et des trajectoires de classe, genrées, sexuées et racialisées diverses ? Que font les injonctions néolibérales à ces engagements préfiguratifs ? Et enfin, comment enquêter au plus près de ces pratiques, par définition difficile d’accès car déployées dans des espaces privés et semi-privés, ceci au sein d’une Université toujours plus soumise à des injonctions néolibérales ?
Personnes trans, queer et « troisième genre » en pays musulmans
Aujourd’hui, malgré certains interdits, de plus en plus de personnes trans et queer affichent leur identité de genre dans les sociétés musulmanes. Historiquement, au-delà de l’importance de la binarité des genres et de leur séparation spatiale dans les pays musulmans, il existe contre toute attente dans cette région du monde de nombreuses figures de « troisième genre », selon le terme employé par l’anthropologue Gilbert Herdt. Par « troisième genre » dans le monde musulman, on pense en général à l’eunuque des harems ottomans, mais bien d’autres figures existent en contexte islamique, variables selon les pays (Algérie, Tunisie, Maroc, Mauritanie, Égypte, Liban, Émirats Arabes Unis, Oman, Turquie, Iran, Asie Centrale, Afghanistan, Pakistan, Indonésie, Albanie…) et les époques. Le vocabulaire et les réalités étant plurielles selon les pays et les périodes, les spécificités de ces figures et les noms qui les désignent seront analysés ainsi que les manières propres à ces groupes ou à ces individus de s’autodésigner. Ce numéro examinera ces figures de façon collective en tant que groupe (hijra, trans, queer…), en précisant leur rôle et leur statut social, mais il s’attachera également à ces figures en tant qu’individus.
Stéréotypes, préjugés et discriminations (revue Educatio Nova)
Nous vous invitons à contribuer au numéro 10 de la revue Educatio Nova consacré aux « Stéréotypes, préjugés et discriminations (langue, littérature, culture, histoire, médias, éducation ».
Les propositions doivent s’inscrire dans l’un des axes thématiques suivants :
– les types de préjugés et de discriminations (par exemple le racisme, le sexisme, l’âgisme, l’homophobie) ;
– l’origine des préjugés et des discriminations ;
– l’agression (hostile ou instrumentale) ;
– le harcèlement en tant que forme moderne d’agression (bullying, cyberbullying) ;
– les oppositions : le sien vs l’étranger, le sien vs l’autre, le naturel vs le dégénéré, le normatif vs le non normatif, le civilisé vs le sauvage ;
– les traitements réductionnistes (l’étiquetage, la stigmatisation, le stéréotypage, la déshumanisation, la dépersonnalisation) ;
– le discours de haine ;
– les stratégies d’exclusion (la rhétorique du mépris, de la menace) ;
– les mensonges, les calomnies et la manipulation du sens des mots ;
– les limites de la liberté d’expression ;
– l’opposition entre l’altruisme et l’égoïsme ;
– la féminité et la masculinité dans les médias, la littérature, la culture.
Dans la section Varia, nous acceptons également les textes qui n’abordent pas le sujet principal du numéro, mais qui s’inscrivent dans le champ d’intérêt de notre revue.
Mémoires postcoloniales francophones : retours, réécritures et complexités
La mutation des approches théoriques et critiques des fictions francophones, et notamment la dérive de la langue vue comme un stigmate (surconscience, insécurité, diglossie) vers des soucis davantage identitaires et politiques, voire militants (Provenzano, 2011) s’est traduite par le foisonnement de plusieurs thématiques qui, plutôt que d’interroger le contexte présent, revisitent les mémoires à partir de la complexité et du potentiel identitaire actuels, et dont les études postcoloniales se sont emparées (Beniamino, 1999 ; Moura, 2005).
Ainsi, les (inter)textes littéraires francophones revisitent et réinterprètent les textes canoniques tant hexagonaux que périphériques (Mathieu-Job, 2004 ; Panaïté et Klekovkina, 2017) et produisent des répliques fictionnelles postcoloniales où la question (post)mémorielle est très présente, et assume parfois un déploiement mondialisé.
De fait, dans les œuvres francophones, le rapport à la mémoire et au passé (partagés ou pas) interroge les récits historiaux institutionnels, engendrant des tensions et des relectures à partir des retombées et enjeux lisibles dans les poétiques de P. Chamoiseau, A. Djebar, A. Kourouma, W. N’Sondé, M. Mbougar, par exemple.
En outre, les mémoires mises en fiction par les textes francophones sont traversées par des drames et mobilisent des représentations croisées inscrites dans l’espace (Gilroy, 1993) sur base de retours, réécritures et circulations complexes et palimpsestiques des conséquences du passé.
Aussi, invitons-nous les chercheurs que la problématique de la mémoire dans les littératures francophones intéresse et interpelle à soumettre une proposition de contribution (article) dans un des axes suivants dans les littératures francophones :
· Retours (post)mémoriels ;
· Croisements mémoriels et identitaires ;
· Réécritures et reconfigurations des textes canoniques et mythiques ;
· Lectures postcoloniales du présent et du passé ;
· Littératures francophones et Études Régionales (Area Studies) ;
· Mémoire et Littérature-monde.
Genre et alimentation
Le croisement des food et gender studies est un champ encore peu investi dans la recherche, même si les travaux commencent à se multiplier (comme en témoigne ainsi l’appel « Genre et alimentation de l’Antiquité à nos jours » de la revue Genre & Histoire). Ce croisement permet d’analyser la manière dont les pratiques et symboliques alimentaires participent à la construction genrée d’identités ainsi que la manière dont normes, pouvoir, genre et nourriture s’entremêlent. L’anthropologue américaine Carole Counihan a été une pionnière dans le domaine (The Anthropology of Food and Body. Gender, Meaning and Power, 1999), mettant en lumière les inégalités genrées persistantes dans le domaine alimentaire, alors que les femmes ont traditionnellement la responsabilité de nourrir les autres. Les objets culturels et les imaginaires constituent un terrain d’examen par excellence pour examiner ces articulations dans leurs enjeux et modalités. Le croisement du genre et de l’alimentation permet ainsi d’analyser comment la littérature, les arts, la scène, la langue s’emparent de la sémantique nourricière, s’il y a consolidation ou transgression des normes genrées, comment le genre s’y performe, et quelles nouvelles esthétiques, éthiques ou pensées en résultent.
Les identités queer et trans* dans le monde francophone (Calgary, Alberta)
La transidentité et le queer sont actuellement des sujets particulièrement sensibles, exigeant une approche multidimensionnelle tout en respectant la vulnérabilité des personnes concernées. Comme le notent Arnaud Alessandrin et Karine Espineira “[l]a transidentité […] est un puzzle d’expériences et de scènes d’observation contradictoires […]” (2015: 76), soulignant ainsi le caractère multiple, subjectif et contrasté du vécu des personnes trans*. Il découle d’un tel constat que les parcours de vie queer et trans* englobent une vaste gamme de créations littéraires, artistiques et médiatiques, reflétant des expériences à la fois corporelles et spirituelles. L’interprétation de ces artefacts culturels varie d’un pays francophone à l’autre, influencée par leurs positions géopolitiques distinctes et leurs histoires uniques. Nous souhaitons préciser ici que nous utilisons les termes “queer” et “trans*” pour nous référer aux personnes transsexuelles, genderqueer, intersexuelles, ainsi qu’à tout individu ne se conformant pas aux constructions binaires de genre, à la cisnormativité ou à l’hétéronormativité.
Publications
Race et corps dans l’ordinaire colonial (numéro spécial)
L’ambition de ce dossier est d’effectuer un pas de côté par rapport à une histoire de la race, souvent saisie au niveau des représentations scientifiques, littéraires et photographiques, pour s’intéresser à la manière dont la différence des corps est construite, interprétée, administrée et négociée en contexte colonial dans le cadre des interactions et des pratiques ordinaires. Après un état des lieux sur la riche historiographie consacrée à la « colonisation des corps » et à l’incorporation de la domination coloniale, ce numéro propose une nouvelle lecture ancrée dans les pratiques et le quotidien, à partir d’études de cas situées en Afrique ou en Asie, qui décrivent la manière dont les catégorisations et hiérarchisations sociales et raciales sont mises en jeu de manière très concrète dans les sociétés impériales et coloniales à travers le corps des acteurs. Le débat sur le livre d’Ann Laura Stoler (Carnal Knowledge and Imperial Power, 2002) est l’occasion de revenir sur la réception en France des thématiques postcoloniales.
Sextant, n° 40 : Intellectuel·les queer. Collaborations, 1880-1920 (dir. Michael Rosenfeld)
Colette, André Gide, Natalie Clifford Barney ou encore Georges Eekhoud : autant d’intellectuel·les queer qui n’ont pas hésité à parler de leurs amours et à les défendre dans leurs écrits à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Leur engagement ne se forme pas dans un vide, mais fait partie de toute une société dite « marginale » à l’époque, dont les membres se retrouvent par le biais de leur militantisme en faveur du droit à aimer librement. Ce numéro de Sextant analyse la manière dont les intellectuel·les queer collaborent et s’entraident dans le contexte européen de la Belle Époque dans leurs entreprises de création et de diffusion de leurs publications. Les études rassemblées ici explorent les multiples formes qu’ont prises leurs collaborations ainsi que les représentations différentes des amours queer dans la littérature et la vie intellectuelle auxquelles leurs œuvres et leurs échanges ont donné lieu. Ce faisant, ce numéro met au jour des parcours et des engagements d’intellectuel·les queer méconnus et interroge également la construction de formes inédites d’expression d’une identité sexuelle partagée.
La production d’espaces rassurants en territoire hétéronormé : les spatialités queer associatives dans les villes moyennes
Les associations queer locales participent en France, par leurs activités, à offrir aux individus issus de minorités sexuelles et de genres, des espaces plus ou moins à l’écart de l’hétéronormativité et qui favorisent l’affirmation de soi. Ces espaces que l’on peut considérer comme étant des espaces rassurants, sont néanmoins peu étudiés en dehors des grands centres urbains, notamment dans les villes moyennes, posant ainsi la question des possibilités queer dans ces territoires. A partir d’un recensement précis des associations à l’échelle régionale, et des activités associatives recueillies sur les réseaux sociaux de trois structures établies dans des villes moyennes du nord de la France, les résultats montrent les stratégies spatiales mises en place par les associations pour assoir leur présence dans des territoires où les milieux queer sont souvent peu développés et visibles. A travers divers partenariats locaux et en investissant des espaces parfois perçus comme hétérosexuels, ces associations, par leurs pratiques mouvantes, remettent en cause la binarité sexuelle supposée des lieux. De plus, les spatialités associatives, via les relations entretenues avec les populations locales et les pouvoirs publics, nous renseignent sur l’acceptation des minorités sexuelles et de genres, et participent à établir une géographie des possibilités queer.
Diversité de genre : saisir l’évolutivité des catégories et des normes
Les systèmes de genre dans plusieurs sociétés du monde sont traversés par deux phénomènes
marquants. Le premier est la transformation progressive et la diversification des identités et des
expressions de genre. L’un des principaux aspects en est la visibilité accrue des personnes trans et
non binaires et des mobilisations relatives à leurs droits, qui ont rendu possibles, dans certains
contextes et à différents degrés, une reconnaissance sociale, administrative et légale. Le second
phénomène est la multiplication des manifestations anti-trans, qui gagnent de l’ampleur par leur
médiatisation à caractère sensationnel. Dans la foulée des mobilisations « anti-genre » qui se
déploient dans plusieurs régions du monde, notamment aux États-Unis et en Europe (Kuhar et
Paternotte 2018), les personnes trans sont devenues la cible permettant à certains groupes de la
droite conservatrice de réaffirmer une supposée « naturalité » du système de genre binaire et ainsi,
de condamner les vies et réalités LGBT+. Ces controverses, qui confinent à la panique morale,
constituent l’un des éléments importants du contexte contemporain dans lequel s’articulent et se
négocient les réalités vécues qui sont décrites dans ce numéro dédié à la diversité de genre. Or, il
s’agit d’abord de partir du constat que le genre ne s’est jamais limité aux catégories « homme » et
« femme » et qu’une pluralité de positions sociales et d’identités genrées se retrouve depuis fort
longtemps dans de très nombreuses sociétés.
QUELLES PRATIQUES FÉMINISTES DE LA NON-MIXITÉ ?
L’objectif de cette non-mixité est alors triple. Tout d’abord,
c’est un espace dans lequel il est plus aisé de prendre la parole, cette dernière étant largement monopolisée par les
hommes dans les espaces mixtes [Jacquemart et Masclet,
2017]. C’est également un outil pour la prise de conscience
féministe, un lieu d’échange des expériences individuelles
permettant à chacune de s’apercevoir que ce qu’elles vivent
au quotidien est partagé par d’autres, incarnant ainsi le slogan « le privé est politique ». Enfin, la non-mixité permet de rendre visible les inégalités de genre et leur dénonciation.
L’écriture inclusive par-delà le point médian – CNRS Le Journal
La langue inclusive est l’objet de vives polémiques, mais aussi de travaux scientifiques qui montrent que son usage s’avère efficace pour réduire certains stéréotypes induits par l’usage systématique du masculin neutre.
Où sont les femmes dans une langue où le genre masculin peut désigner à la fois le masculin et le neutre générique universel ? En effet, si vous lisez ici : « Les chercheurs s’intéressent aux discriminations de genre », comprenez-vous « chercheurs » en tant que « les hommes qui contribuent à la recherche » ou comme « les personnes qui contribuent à la recherche » ? Impossible de trancher.
Ouvrages
Raewyn Connell, Des masculinités. Hégémonie, inégalités, colonialité
En 1985, Raewyn Connell publie un article qui aura une influence considérable: « Vers une nouvelle sociologie de la masculinité », où sont abordés pour la première fois le thème de la pluralité des masculinités et la notion de masculinité hégémonique, qui désigne les pratiques utilisées par une majorité d’hommes pour garantir leur position dominante et la subordination des femmes. On trouvera cet article ici, introduit et mis en contexte par Connell elle-même. Lui fait suite un article de 2016, où la sociologue revient sur le concept de masculinité hégémonique dans le contexte postcolonial de la globalisation, qui est celui des inégalités de revenu écrasantes, des profonds déséquilibres de pouvoir, de la rapacité néolibérale et des violents antagonismes autour de la race, de la nation, du genre, de la sexualité et de la religion.
EXPÉRIENCES VÉCUES DU GENRE ET DE LA RACE
Comment envisager les effets subjectifs et corporels produits par le sexisme et le racisme ? En quoi les catégories de race et de genre organisent-elles l’expérience ordinaire – y compris dans ses dimensions non réflexives, affectives ou intimes – et dans quelle
mesure configurent-elles le rapport au monde, aux autres et à soi ? Quelles implications normatives et politiques sont mises au jour dès lors que les rapports de race et de genre sont envisagés, non comme des événements ponctuels dont la violence serait paroxystique, mais comme des structures de l’expérience quotidienne ou banale ?
En élucidant l’expérience vécue des rapports de race et de genre depuis le point de vue des personnes concernées, la phénoménologie critique s’affirme depuis plusieurs années comme un renouvellement radical des problématiques qui guident la philosophie politique et sociale. Elle prend appui sur les travaux fondateurs de Simone de Beauvoir et de Frantz Fanon, pour proposer une relecture du canon phénoménologique – ses modes de description, ses objets, méthodes et concepts – et envisager les déplacements que les expériences minoritaires induisent.
Florence Lotterie, Le Genre des Lumières (rééd.)
Les Lumières ont-elles un genre ? La femme travestit-elle la philosophie ? Au XVIIIe siècle, la figure de la « femme philosophe » interroge les conditions d’accès à la philosophie et s’articule à un imaginaire de la différence des sexes, entre hantise d’une confusion délétère et quête d’un modèle d’harmonie.
L’imposture du travail : désandrocentrer le travail pour l’émanciper
Repenser le travail à partir du travail gratuit et invisible.
Aujourd’hui, la définition du travail est encore construite à partir d’un sujet masculin, et associée à la rémunération, l’emploi, la production. Et si nous inversions notre regard, comme nous y invite ici Maud Simonet, pour repenser cette notion depuis cet autre travail, majoritairement exercé par les femmes, sur lequel reposent aussi notre société et de notre économie ?
Qu’il soit domestique, associatif, lié au soin, qu’il s’agisse de bénévolat, de stages ou d’engagement citoyen : autant d’activités qui ne sont pas considérées comme du travail mais relèveraient de valeurs- l’amour, la passion, la citoyenneté, l’insertion…
Dès lors, une autre perspective s’ouvre qui oblige à penser conjointement travail rémunéré et travail gratuit, travail visible et travail invisible, en questionnant les frontières du travail et leurs usages. Une perspective qui nous montre que, si tout n’est pas forcément travail, tout, ou presque, peut être approprié comme tel par le capitalisme. Désandrocentrer le travail, c’est ainsi se donner les moyens de repenser l’exploitation et de renouveler les luttes pour l’émancipation du travail.
Mme De Murat, Contes de fées queer
À la fin du XVIIe siècle, Mme de Murat est une jeune aristocrate poursuivie et emprisonnée pour lesbianisme pendant près de treize ans. Elle invente aussi, avec d’autres consœurs romancières, la forme littéraire du conte de fées. Au sein de ce collectif de conteuses, elle est celle qui revendique le plus la solidarité féminine et la sororité d’une bande de « fées modernes » intrépides et transgressives. Celle aussi qui expérimente de la manière la plus inventive une écriture du trouble et de l’indifférenciation. Un véritable geste queer, où rien n’est figé, où la magie des métamorphoses met à nu la fabrique des identités de sexe ou de genre. Où grâce au filtre ludique de la féerie, Mme de Murat réussit à convertir en une formidable puissance créatrice sa marginalité sexuelle et sociale.
«Cahiers Victor-Lévy Beaulieu, tome 8», «Queering VLB. Lire Beaulieu contre Beaulieu?», ouvrage collectif
Ce 8e numéro des Cahiers Victor-Lévy Beaulieu, « Queering VLB. Lire Beaulieu contre Beaulieu ? », résultat d’une journée d’étude en septembre 2021, se donne pour projet d’analyser l’oeuvre incontournable de l’écrivain de Trois-Pistoles à partir de théories queers, une approche qui postule que sexualité et genre d’un individu ne sont pas déterminés exclusivement par son sexe biologique, mais aussi par son environnement socio-culturel, par son histoire de vie et/ou par ses choix personnels. C’est en ce sens que l’oeuvre souvent troublante de VLB, source de « contradictions innombrables et vertigineuses », apparaît particulièrement fertile. Sous la direction de Karine Rosso et de Kevin Lambert (qui a consacré une partie de sa maîtrise en littérature à l’auteur de Jos Connaissant), entre une analyse scatologique du genre chez VLB (Kevin Lambert) et une exploration joyeuse et tangente des liens entre sexe et souveraineté dans « l’oeuvre-personnage » beaulieusienne (Dalie Giroux), ce dossier stimulant ouvre plusieurs portes. La version numérique est disponible gratuitement sur le site de l’éditeur.
Thèses
Les mutations du bénévolat pour l’asile LGBT. D’une cause gaie à son recadrage intersectionnel
Le travail associatif en soutien aux personnes en situation de migration s’est développé dans un contexte d’intensification de politiques répressives à l’encontre des migrant·e·s mais aussi des militant·e·s. Les associations qui viennent spécifiquement en aide aux personnes LGBTI occupent dans ce champ une position particulière, au croisement entres mouvements gais et lesbiens et espace de la cause des étrangers. Cette thèse porte sur une de ces associations, l’ARDHIS, à partir d’une enquête ethnographique longue (2016-2022). Elle analyse les transformations du travail bénévole qui tiennent à des évolutions au sein de l’espace associatif. Elle est fondée sur une observation participante active, puisque l’implication militante de la chercheuse a nourri sa recherche : ce travail comprend donc une dimension réflexive importante, puisque l’histoire racontée est aussi celle d’un parcours au sein de l’association. La première partie de la thèse montre comment le travail bénévole a longtemps été défini par une forme d’identification, fondée sur l’orientation sexuelle, entre des bénévoles gays et des demandeurs d’asile qui étaient le plus souvent de sexe masculin. La vérité de l’identité homosexuelle de ceux-ci, justifiant l’asile, en était la clé pour ceux-là. L’orientation sexuelle, comprise comme une compétence de travail, fonde alors la spécificité de l’association. La deuxième partie porte sur la remise en cause de ce modèle au sein même de l’association, au prix de tensions intergénérationnelles importantes : le rajeunissement des bénévoles s’accompagne de leur féminisation.
Architecture urbaine, Gender Mainstreaming et impact du féminisme
Ce travail de thèse explore les possibilités d’une architecture urbaine attentive aux questions de genre, sous un prisme féministe intersectionnel. Depuis la fin des années 1990, des expérimentations en ce sens ont commencé à devenir de plus en plus nombreuses, à partir de l’exemple pionnier de Vienne, devenue la ville de référence par excellence. Cette thèse s’intéresse particulièrement aux expérimentations parisiennes, tout en gardant une vision comparative avec des projets dans d’autres villes européennes. En tant qu’axes influençant l’architecture urbaine, les politiques publiques et la militance sont aussi explorées, au niveau français et italien. Leur apport met en lumière les potentialités de réinvention symbolique et matérielle de l’architecture urbaine, basculant du système hétéropatriarcal vers plus d’inclusion et de justice spatiale. Les questions de fond de ce travail reposent sur l’influence des théories féministes dans la pratique professionnelle des architectes et urbanistes, sur leur rôle dans la transformation des approches à la ville et à l’urbanisme, ainsi que dans la transformation des esthétiques architecturales et urbaines. À travers une approche méthodologique située, réflexive et interdisciplinaire, issue des disciplines de l’architecture et de l’urbanisme, le travail de terrain effectué a eu l’objectif de rechercher des tendances, des évolutions et des constantes dans les projets d’architecture urbaine genrée. En tenant compte de l’évolution temporelle des mentalités sur le genre, et de la prise de conscience de plus en plus profonde des questions féministes, cette thèse se positionne avec une approche critique vis-à-vis du Gender Mainstreaming.
Être millennial.e et musulman.e aux États-Unis : la médiatisation de l’Islam sur lesréseaux sociaux
Le sujet de thèse porte sur les jeunes (« millennials ») musulman.e.s américain.e.s et les réseaux sociaux. La recherche part de l’hypothèse que les musulman.e.s américain.e.s ont désormais recours aux réseaux sociaux (plateformes telles que Facebook, Instagram, Youtube ou Twitter) pour s’exprimer « librement » sur la religion en général, et l’islam en particulier. À défaut de partager leurs idées sur les plateaux télé, talkshows, ou même la presse, ils et elles utilisent les plateformes digitales pour communiquer, à travers le monde entier, sur l’islam (théologie et pratiques), combattre l’islamophobie et les clichés répandus sur les musulman.e.s, s’exprimer sur les thèmes tabous peu abordés au sein de la communauté musulmane, tels que l’homosexualité, la spiritualité, la place de la femme dans la communauté, mais également participer aux luttes sociales (contre le racisme, les violences conjugales et policières, les discriminations…). J’ai sélectionné quelques influenceurs et influenceuses américain.e.s musulman.e.s pour analyser le type de contenu partagé avec le public ainsi que l’étendue de leur influence. En utilisant leur influence (nombre de followers et d’interaction avec les internautes et autres personnalités connues du public), ces personnes pourraient, avec le temps, contribuer aux changements sociaux mais également aux débats sur l’islam. La manière dont les autres perçoivent et parfois pratiquent l’islam pourrait différer suivant une exposition au contenu et idées que diffusent ces influenceurs.