[par Leonardo Orlando, politiste]
Comme publié et vérifié par L’Express, Sciences Po Paris a évincé deux cours sur les approches biologiques, évolutives et cognitives du comportement humain : « Evolutionary Political Psychology », enseigné par moi-même (Docteur en science politique de Sciences Po Paris et chercheur postdoctoral dans le Département d’études cognitives de l’ENS), et « Biologie, Évolution et Genre », que nous allions co-enseigner avec Peggy Sastre (Docteur en philosophie des sciences, essayiste, traductrice et journaliste au Point). Ces deux cours étaient confirmés par la direction académique du campus depuis novembre 2021, avec jour, heure et salles de cours attribués, mais ils ont été annulés douze jours avant le début du semestre, à la suite d’une demande faite par la gouvernance du Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE), à laquelle la Doyenne du Collège Universitaire et la Directrice du campus de Reims ont acquiescé.
Une censure flagrante, dans un contexte où les cours qui contredisent ouvertement la biologie et la théorie de l’évolution sont majoritaires, voire hégémoniques, au sein de l’institution. Par exemple, sur les questions de genre, autour de 80 cours sont déjà confirmés pour l’année académique 2022-2023, et pas un seul de ces cours ne comporte une dimension biologique dans son approche. (Une simple recherche sur le répertoire des enseignements de Sciences Po par mot clé « genre » ou « gender » le démontre). Il est ainsi aisé de comprendre pourquoi Darwin et la théorie de l’évolution sont un tabou à Sciences Po, tout comme ils le sont dans la plupart des départements des sciences sociales en France. En fait, les thèses qui pullulent aujourd’hui dans ces départements se placent en opposition directe avec ce qui a été scientifiquement établi sur la nature humaine par la biologie, la primatologie, l’anthropologie physique, les neurosciences, la psychologie ou les sciences cognitives.
Déjà en 1976, dans sa préface au Gène égoïste de Richard Dawkins, le biologiste Robert Trivers affirme :
« Bien que la théorie de l’évolution par sélection naturelle de Darwin soit centrale pour l’étude du comportement social […], elle a été très largement négligée. Des industries entières se sont développées dans les sciences sociales vouées à la construction d’une vision pré-darwinienne […] du monde social et psychologique ».
Ces entreprises ne sont autres que les impostures du constructivisme social, pour lesquelles les êtres humains sont des tables rases façonnées par la socialisation. Pour ces impostures, l’être humain se soustrait au reste de l’ordre de la nature, donc elles nécessitent, pour subsister, d’établir un rempart entre les réalités biologiques et le monde social. Comme l’affirment en 1988 les psychologues Margo Wilson et Martin Daly, une telle démarche dans les sciences sociales « ne peut être qualifiée que de biophobe », car ceux qui la promeuvent « craignent et méprisent la biologie, bien que peu d’entre eux se soient donné la peine de l’apprendre ». C’est la raison pour laquelle, dans les campus américains depuis plusieurs années et aujourd’hui chez nous en France, ceux qui font du militantisme sous façade de recherche ont tout intérêt à empêcher que la théorie de l’évolution soit enseignée à leurs étudiants. Les questions de genre telles que portées dans nos universités par les idéologues en constituent la meilleure illustration : confrontées à la biologie et à l’évolution, leurs fables s’écroulent comme des châteaux de sable.
Voilà pourquoi nous qui travaillons sur les approches biologiques et évolutives du comportement social sommes attaqués. Si Darwin est le tabou ultime, c’est parce qu’il est le mur contre lequel s’écrasent toutes les lubies financées par le contribuable qui déferlent sur la société en provenance des départements de sciences sociales. Mais il est aussi la pierre première pour rebâtir des sciences sociales ancrées dans le réel, lesquelles nous permettraient d’aborder scientifiquement les grands problèmes sociétaux de notre temps.