De l’amour vache à balance ton porc : ces relations bêtement humaines

De l’amour vache à balance ton porc : ces relations bêtement humaines

Claudio Rubiliani

Biologiste, membre de l’Observatoire de la petite sirène.
Le consentement, souvent considéré comme un concept purement humain, existe aussi dans le règne animal, mais sous des formes variées et parfois brutales. Certaines espèces utilisent des stratégies de séduction trompeuse, d’autres pratiquent la contrainte. Pourtant, l’humain semble être la seule espèce à mutiler ou voiler ses femelles pour asseoir un pouvoir, posant la question de sa propre absurdité.

Table des matières

De l’amour vache à balance ton porc : ces relations bêtement humaines

 

Le consentement, une notion fondamentalement animale ?

En furetant dans les colonnes du Monde, Jacques Robert a soulevé un drôle de lièvre : commentant l’ouvrage collectif L’animal féministe (tout un programme !) la chroniqueuse, qui paraît étonnée d’avoir pondu un œuf, écrit : « Le consentement […] semble, de prime abord, essentiellement humain […] Force est donc de constater que les rapports forcés demeurent relativement rares chez nos amis les animaux. »

Concernant notre contre-chronique, contentons-nous d’en concentrer le contenu sur le consentement et ses conditions.

Tout bon observateur de la nature a déjà constaté que ce comportement dit humain est fondamentalement animal, comme bien d’autres en matière de relations en général et de sexualité en particulier ! C’est sans doute le consentement qui est le moins humain des comportements, hélas ! Le Monde, ce canard qui s’érige en lampyre du sens, n’éblouirait plus que des oies blanches ?

 

Des stratégies reproductives variées dans le règne animal

L’article développe quelques caractéristiques du consentement animal, dont la principale est la coordination entre la courte période de fécondabilité des femelles et l’acceptation, voire le choix du mâle. S’il y a en fait une caractéristique spécifiquement humaine, c’est la désynchronisation entre la période d’ovulation et celle de l’accouplement, bilatéralement consenti, dans le meilleur des cas. Ce qui nous conduit à penser que le consentement ne va pas de soi chez les humains… ni chez les animaux.

La dissociation fécondation/copulation chez les humains signifierait-elle que le consentement « débridé » pourrait être une caractéristique humaine ? Pas vraiment. Dans les océans, la nuit du Palolo des vers marins n’a rien à envier à la nuit de Walpurgis. Quant au vol nuptial de la reine des abeilles, il faut chercher son équivalent plutôt chez le marquis de Sade que chez Walt Disney. En effet, la jeune souveraine est pénétrée par plusieurs mâles, en plein septième ciel. Certes, des centaines de faux-bourdons demeurent frustrés, mais croyez-vous qu’ils en soient jaloux, pas du tout, pas du tout1, car pour les « heureux élus » le piège tabou s’est refermé : le joujou extra a fait crac, boum, hue ! Le zizi est arraché du tronc. Aïe, l’acmé sans les clochettes ! Les faux-bourdons se voyaient dans Emmanuelle, ils étaient dans La Dernière Femme, de Ferreri. L’amour à mort. Dernière déchéance : ils sont tombés comme des mouches !

 

Le viol et la contrainte, des pratiques humaines et animales

Le consentement feint serait-il alors spécifiquement humain, à la manière vulpine de Judith liquidant l’ignoble Holopherne, scorpion si sûr de sa queue qu’il en perdit la tête ? Que nenni. Ainsi la luciole femelle Photuris versicolor imite la réponse lumineuse de femelles d’autres espèces afin d’attirer leurs mâles, bernés… et dévorés. Cette stratégie adaptative est utilisée depuis des millénaires par plusieurs espèces. Elle a le double avantage d’éliminer un membre d’une colonie concurrente et ainsi de défendre le territoire, comme Judith repoussant l’envahisseur assyrien, mais également de fournir un bon repas… et de l’énergie pour s’accoupler ensuite avec le « bon » mâle !

Resterait alors l’acte contraint ? De l’amour vache, type Vian, violent, déviant, version Fais-moi mal, Johnny ? Il suffit de regarder la tête déplumée et meurtrie de pauvres poules subissant les ardeurs du coq, ce symbole éminemment gaulois, pour comprendre que les hommes n’ont pas le monopole de ce type d’exactions. L’abus de faiblesse ? Les crabes mâles saisissant entre leurs pinces les femelles venant de muer que la carapace encore molle laisse sans défense nous montre également que cette stratégie a aussi été adoptée par de nombreux animaux.

Alors le viol. Les biologistes utilisent le doux euphémisme de « copulation traumatique ». Et les violeurs ne manquent pas ! Par exemple les punaises mâles du genre Cimex perforent l’abdomen des femelles « capturées » et injectent directement les spermatozoïdes dans la circulation hémolymphatique. À eux de se débrouiller pour trouver le chemin des ovules ! La pratique du viol se rencontre aussi chez d’autres espèces, dont des vers, des mollusques marins, certaines sangsues et l’araignée Harpactea sadistica, la bien nommée. De très nombreuses espèces de parasites utilisent, comme les humains et de manière aussi ignominieuse, le viol massif comme « arme de guerre », court-circuitant ainsi la reproduction propre des espèces-hôtes et assurant leur prolifération invasive.

Toutefois, nous n’avons pas trouvé chez la gent animale de mâles mutilant ou voilant les femelles pour le simple plaisir d’affirmer leur pouvoir.

 

Finalement, le propre de l’homme ne serait-il pas la bêtise ?

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