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Les parents face au wokisme: entretien avec l’auteur du Manuel

Les parents face au wokisme: entretien avec l’auteur du Manuel

Collectif

Tribune des observateurs

[par Xavier-Laurent Salvador. Nous publions ici l’entretien réalisé par Alexandre Devecchio pour Le Figaro le 8 novembre 2022 et lisible à l’adresse: https://www.lefigaro.fr/vox/societe/parents-ne-vous-taisez-pas-face-aux-theories-woke-par-crainte-de-froisser-la-jeunesse-20221108]

LE FIGARO: Votre livre est rédigé sous la forme de conseils aux parents d’un adolescent woke et d’argumentaires pour les aider à dialoguer avec lui et le convaincre. Le wokisme va-t-il provoquer une véritable fracture générationnelle ?
Xavier-Laurent SALVADOR: Ce que l’on appelle généralement « le wokisme » est, pour reprendre l’expression de Jean-François Braunstein, une « religion » – je dirais une secte – dont le livre sacré est la somme des théories du genre et de la race. Les gens qui sont nés dans la France Républicaine, qui ont été éduqués dans l’école libre et laïque, ne peuvent pas comprendre que de jeunes adultes puissent aujourd’hui glorifier la notion de race, ou revendiquer que l’on répertorie et classe les gens selon leur genre sexuel. La France a connu une fracture sociale, qui n’a cessé de s’approfondir. La prochaine ligne de fracture, irréversible, risque d’être générationnelle. C’est pourquoi le livre m’a paru nécessaire.

Le wokisme n’est-il pas une mode passagère comme le gauchisme en 68 ?
Vous avez raison de faire le lien avec le gauchisme, comme le maoïsme par exemple, des années 60: ces différentes idéologies reposent sur une même rhétorique qui vise à effacer l’individu au profit d’un corps collectif fantasmé. Le peuple, la commune populaire de Mao hier; les communautés identitaires aujourd’hui. Mais on peut craindre que ce ne soit pas éphémère car si en 68 on avait affaire à un mouvement de la jeunesse en révolte contre l’ordre établi. Aujourd’hui ce mouvement est structuré par des organismes (comme l’Université, la Recherche européenne) qui le financent, le structurent et l’arment contre la rhétorique des vieilles démocraties. L’institutionnalisation fait la différence.

Vous expliquez que les enseignements sont au centre d’un « vaste processus d’emprise économique ». Qu’entendez-vous par là ?
La multiplication des délires identitaires ouvre la voie pour l’entreprise à de nombreux secteurs de marché prometteurs et, il faut bien le reconnaître, autrefois inaccessibles. Aujourd’hui, la prolifération des affirmations minoritaires permet par exemple à une entreprise de jouets de proposer une poupée « trans »; ou à une entreprise de divertissement de réécrire des événements historiques en faisant la part belle à des « représentants des minorités » au risque de l’anachronisme; ou à une entreprise de sport de proposer des vêtements non plus unisexes, mais « transgenres ». Le fait que le mot devienne un élément marketing suffit à souligner la douce convergence entre le wokisme, en quête de mode et le capitalisme en quête de nouveaux secteurs de marché. L’un nourrit l’autre.

Vous jugez que le wokisme commence à s’ancrer dans les programmes scolaires. Avez –vous des exemples ?
L’observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires a amplement documenté ce phénomène et la liste serait longue des formations proposées aux enseignants, sur le réseau Canopé de l’Éducation Nationale par exemple, pour lutter contre « l’hégémonie hétérosexuelle », ou vantant « la tradition scolaire algérienne pré-coloniale », proposant de déconstruire – dossier à l’appui – « la parenté », proposant encore clés en main des activités pour le collège en éducation civique où l’élève identifie des stéréotypes documentaires tels que « les couples hétérosexuels », ou cherchant à « proposer des aménagements ou actions qui permettraient une approche moins binaire des personnes au collège ».
La question de la race, comme celle du genre, fait elle aussi irruption dans le cadre institutionnel: sous prétexte de « pédagogie antidiscrimination », on voit apparaître des cadres de pensée hérités des théories racialistes américaines et invitant à identifier le « privilège blanc ». Lorsque notre Ministre parle aux Etats-Unis du racisme scolaire, il emprunte ses éléments aux pires opposants de la République française comme certains quotidiens tels que le New York Times. Ces thèmes, qui visent à répéter que la France est raciste, que la laïcité est raciste, que les émeutes de 2005 sont la preuve du racisme systémique du pays, on les entend aussi dans les médias lorsque par exemple Norman Adjari, invité par Frédéric Taddeï, s’exclame qu’« il y avait des lois raciales (en Afrique du Sud) exactement comme il y a en France des lois islamophobes. » C’est une petite musique qui devient entêtante, ne trouvez-vous pas ? Or cette petite musique se fait entendre partout, sur les réseaux sociaux, sur les médias de streaming : il faut donc que nos concitoyens tendent l’oreille.

Enseignera-t-on demain la sociologie woke à l’école comme le français ?
Je crains que vous ne commettiez un impair en considérant qu’il y aurait une discipline intitulée « sociologie woke »: le propre des théories critiques de la race – qui s’enseignent aux États-Unis – comme des théories du genre, c’est de proposer une grille de lecture explicative pour toutes les autres disciplines. En littérature, on évoque désormais « la fluidité » des saint du Moyen Âge; on veut organiser des projets de recherche ou des colloques pour « décoloniser la physique », « décoloniser la médecine », « décoloniser l’aide humanitaire ». Les théories critiques de la race se présentent, dans toutes les disciplines, comme un socle de culture incontournable pour commenter la biologie ou les mathématiques. La méthode est insidieuse: on ne verra jamais émerger un enseignement scolaire de la sociologie woke; mais il existe un risque majeur de voir enseignées les théories critiques de la race ou les théories du genre en prémices des disciplines traditionnelles comme le français, l’histoire ou la philosophie.

Vous révélez que le droit est lui aussi atteint par le wokisme. En quoi ?
Dans un appel à contribution porté par la revue du syndicat de la Magistrature, Délibéré, on appelait les juristes à contribuer à la question de « décoloniser le droit » en expliquant que « les perspectives théoriques sont ouvertes, et les approches post-coloniales, décoloniales, ou intersectionnelles peuvent s’avérer pertinentes pour saisir les formes contemporaines du colonialisme ou ses héritages dans la justice ».
Lorsque vous votez dans une démocratie comme la nôtre, vous agissez en fonction de votre représentation de l’intérêt général. Dans un Etat composé d’un agrégat de communautés, vous votez en fonction des intérêts de votre communauté. Il n’y a plus de représentation nationale qui incarne l’Etat, mais un agrégat de petits délégués auprès d’une administration chargée de traduire leurs récriminations en politiques publiques. C’est un changement de civilisation radical qui se prépare.

Si vous n’aviez que trois conseils à adresser à des parents d’un enfant ou d’un adolescent woke ?
Mon premier conseil serait de lire mon petit manuel, et de s’abonner au site de l’Observatoire du décolonialisme: c’est une mine de ressources. Plus sérieusement, je ne dirais que ceci: osez la confrontation ! Personne n’a rien à gagner à se taire par crainte de froisser. Parlez, discutez, dialoguez et n’abandonnez pas l’avenir à ceux qui ne l’ont pas encore construit. C’est à vous, parents, qu’incombe la responsabilité d’accompagner la jeunesse sur le chemin de la vraie liberté.

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