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« Masculinité toxique » : pléonasme ou métaphore d’une mise à mort ?

« Masculinité toxique » : pléonasme ou métaphore d’une mise à mort ?

[par Yana Grinshpun]

Ce syntagme, lorsqu’on le recherche sur Google donne 129000 résultats pour le pire et pour le meilleur. Le premier article qui sort est celui du magazine pour femmes Grazia. Le journal propose un article sur la « masculinité toxique » en prétendant expliquer comment ce concept « gâche la vie des femmes, mais aussi des hommes ».

Définie comme «la constellation de traits masculins socialement régressifs au service de la domination, de la dévaluation des femmes, de l’homophobie et de la violence gratuite » » la référence à Une étude (il y a toujours une étude ou des études pour inspirer le bêtisier contemporain), la masculinité toxique dériverait des travaux d’un ….homme, ce qui érige immédiatement le syntagme en concept indiscutable.

Bah, oui, on a compris que quand c’est un homme qui dit que les hommes sont toxiques, et quand c’est un juif qui dit que les sionistes sont des nazis et que c’est une femme vous dit que les femmes sont dominées par l’hétérocispatriarcat blanc que c’est forcément vrai.

Parangon exemplaire de la langue de bois féministoïde (je ne dis pas féministe, d’une part, par respect pour les grandes figures du combat féministe universaliste, et de l’autre, parce qu’il est déjà gagné depuis des années, donc anachronique et has been), cet article à syntaxe trébuchante recourt à des procédés classiques de la propagande pour les cons ou plutôt pour les connes, enfin pour les lectrices et les lecteurs et toutes celles et tous ceux qui s’adonnent à la lecture de ce torchon.

Pour ceuzecelles, (bon j’arrête, y a que Grazia ou la revue Sociologie au travail qui a la patience pour ces crétineries des analphabètes inclusifs) qui pensent naïvement que la grandiloquence new age a remplacé le bon vieux terme du français classique légèrement hispanisé « macho » (le fait que les espagnols et les espagnoles ne nous ont pas fait le procès pour l’appropriation linguistique ne puisse être expliqué que par leur paresse méditerranéenne), je vous explique. Ce n’est pas la même chose.

Un macho –c’est un suprémaciste masculin (ceux -là sont finis, comme des fachos, nazis et autres productions du point Godwin)

Une masculinité toxique est le contraire de la « masculinité saine », comme l’explique doctement une doctoresse ès sciences de masculinités dans la thèse intitulée Entre « masculinité toxique » et nouvelles masculinités contemporaines : une redéfinition plurielle des masculinités au prisme du traitement médiatique du mouvement #MeToo (un mouvement inclusif qui cherche à transformer la société par l’éducation d’une masculinité saine) 1

Les bonnes sœurs de la santé masculine sont bonne copines de Humpty Dumpty, vous leur demandez ce qu’elles veulent dire par ce charabia, elles vous répondront les mots « signifient exactement ce qu’il me plaît qu’il signifie… ni plus, ni moins. » 

L’homme est donc forcément mauvais, toxique, nuisible à la femme, sujet à la rééducation, à la déconstruction.

Mais comme nous n’avons pas leur science, nous pouvons nous appuyer quand même sur la culture qui nous a faits advenir à ce que nous sommes aujourd’hui, en supposant qu’on parle de la culture commune. Selon la tradition juive qui, n’en déplaise aux obsédés de la tenaille identitaire, contient en elle les principes de l’universalisme : l’homme est complémentaire à la femme (tout comme elle lui est complémentaire). (Re) lire la Genèse ! Et de préférence en bonne traduction au cas où vous n’êtes pas à l’aise avec la langue de Dieu. En hébreu, la première occurrence du mot « homme » correspond à « être humain ».

On pourra aussi lire ces quelques lignes de B. Lahaie si haïe par les meetoïstes et autre balanceuses de porcs, « Hommes je vous aime ! »

« Je te dois mon intuition, mon imaginaire, mon sérieux, mais ce que tu m’as donné de plus fort, c’est cet amour des hommes, cette compréhension de la sensibilité masculine. Nous, les femmes, pensons trop souvent qu’un homme est fabriqué comme nous, nous attendons de lui la même empathie que celle de notre mère. Grâce à toi, j’ai appris à aimer les hommes pour ce qu’ils sont. Grâce à toi, j’ai su devenir la femme que j’avais envie d’être. Grâce à toi, chaque jour, des hommes peuvent mieux aimer leur femme, une femme qui les accepte et les aime pour ce qu’ils sont : des hommes. « Lorsqu’on me demande quel est mon métier, j’aime à répondre : accoucheuse d’âmes. Je suis celle qui allume la lumière dans le bordel affectif de l’autre. Tant d’hommes aujourd’hui ne savent plus très bien comment se situer dans leurs relations amoureuses. Trop machos, trop virils ou trop sensibles, ils ont l’impression que les femmes ne seront de toute façon jamais contentes. Les hommes, lorsqu’ils sont acceptés pour ce qu’ils sont, font des compagnons de vie formidables ».

Ce passage du sacré à l’autrice porno peut étonner, mais au fond, la seconde va bien dans le sens du premier.

Bah oui, si seulement les rééducatrices spécialisées connaissaient la blague juive « Qu’est-ce qu’un père juif ? –Une mère normale »….

La masculinité c’est déjà mal, on les a vues démasculiniser les sciences et le cerveau (à quand la lobotomisation ?), mais voilà qu’elle est en plus « toxique ». C’est presque un pléonasme sous la plume de ces dames, mais je tenterai ici une explication historico-linguistico-psychanalytique. Après tout, nous sommes au carrefour interdisciplinaire avec l’analyse du discours !

Métaphore de toxicité

Quelle est donc la toxicité dont il est question dans ces « études » ? Remarquons d’abord que le concept « féminité toxique » n’existe pas (l’expression existe mais elle n’a pas fait l’objet d’études) et pourtant la réalité montre que les femmes toxiques existent bel et bien. Et si on fait un effort définitoire, on pourrait très bien proposer ceci

« la constellation de traits féminins socialement régressifs au service de l’emmerdement, de la dévaluation des hommes, de l’androphobie et de la violence gratuite« .

La masculinité toxique est une métaphore (figure de prédilection de très littéraires démasculinistes), porteuse de l’idée d’empoisonnement. La masculinité, cette essence de l’homme, est déclarée vénéneuse. L’adjectif se trouve également dans la littérature para-savante parlant des personnalités « toxiques », à savoir manipulateurs, narcissiques, pervers etc. qui agissent « mal » sur autrui. On a beau chercher les critères de la toxicité, on n’en trouvera pas. Parce qu’il s’agit de la perception subjective. Mais voilà la différence fondamentale : les personnes toxiques peuvent être de deux sexes, pardon de cinquante, à en croire les recommandations des commissaires du Genre, or, la masculinité toxique, elle, est déclarée l’apanage des mecs seuls. Je ne m’appuie que sur « des études » en disant cela ? Car, on ne trouve pas « des études » sur « la féminité toxique », uniquement des opinions intéressantes 2 .

Il y a quand même un problème : la masculinité, la féminité : ce sont des essences psychiques. Or, dans l’usage commun il s’agit de l’accusation de TOUS les hommes. C’est la force du stéréotype, le comportement de quelques personnes est projeté sur tout le groupe.

Il y a aussi des projections et des fantasmes.

Souvenons-nous de l’accusation des lépreux et des juifs empoisonneurs de puits. L’image du Juif a été pendant très longtemps associée dans l’inconscient européen à celle d’empoisonneur. D’où le champ sémantique qu’on retrouve dans les clichés « poison juif ». Les Juifs empoisonnent les puits comme les hommes empoisonnent les femmes, et la vie et la tranquillité de ces dernières. Les safe spaces sans hommes ? « Interdit aux … » ! C’est bon, vous suivez ? Le procédé est identique, il suffit juste de manipuler la langue.

Pour les théoriciennes castratrices, la masculinité est liée au patriarcat (c’est normal, elles confondent tout : l’ordre social, l’ordre psychique, le sexe, le genre, l’homme, la femme, la mère terre et qu’en sais –je, tout est fluide, tout est construit par les élucubrations verbales et par les performativités langagières). Or, le patriarcat est un type d’ordre social qui n’existe plus, en Afghanistan peut-être, alors que la masculinité est un ensemble de propriétés ou traits attribués à un homme dans une société donnée. La masculinité n’est pas un homme avec un organe sexuel masculin. (Oui, oui, je vous vois venir, à ce régime, une femme peut être dotée d’une masculinité, et c’est tout à fait possible).

Le « patriarcat » est lié au père, si on parle du psychisme, plutôt à la figure du père symbolique. On voit bien qu’il s’agit de contester à sa racine le substrat symbolique de la paternité. Les psychanalystes Bella Grumberger et Jeanine Chasseguet-Smirgel ont appelé cet univers L’univers contestationnaire . Il y a au fond de cette posture un fantasme parricide. Il s’agit toujours de tuer le père ( le Juif symbolique). La loi symbolique a été constituée pour la culture occidentale par le judaïsme. C’est l’homme Moïse qui reçoit les Tables de la Loi. Et c’est cette religion de la Loi, insupportable, qui devient l’objet de haine qui perdure.

Le principe de contestation consiste à s’attaquer au cadre éthique de la culture judéo-chrétienne. Les psychanalystes en ont identifié et dénoncé le danger : la contestation de la tradition est au cœur de la destruction des filiations que garantit le nom du père (pour elles, c’est de la masculinité qu’il s’agit). Or le monde contemporain se distingue justement par ce qu’Alexandre Mitscherlich a appelé « la société sans père » dans son ouvrage de 1969 Vers la société sans pères. Le père n’est pas un simple géniteur biologique, c’est celui qui vient infliger le traumatisme de séparation entre une mère et l’enfant, c’est celui qui représente l’autorité (et pas le pouvoir ou la domination), et qui ne fait précisément que la représenter.

Je cite ici un psychanalyste qui s’est penché sur cette problématique qui devrait être expliquées aux activistes du chaos et autres pourfendeureusses de la culture judéo-chrétienne pour qui le réel et le symbolique relève de l’homme en chair et en os.

« Un père qui prétendrait incarner réellement l’autorité serait dans la même situation que Napoléon, lorsqu’il s’est mis à se prendre pour Napoléon : un fou ou un tyran. Napoléon savait bien, au début de sa carrière, qu’entre l’homme Napoléon et le Général Bonaparte, il y avait un hiatus, qu’au fond il n’était qu’un homme. C’est au moment où l’un et l’autre – l’homme ordinaire et le chef de guerre – se sont confondus, qu’il a basculé dans la figure, qu’on peut considérer tyrannique de l’Empereur Napoléon 1er. De la même façon, un père sait bien qu’entre l’homme et la fonction, il y a une coupure, et qu’occuper cette place de l’autorité comporte toujours une part d’imposture. Lorsque s’efface cette coupure, surgit la figure tyrannique du père abusif, du père autoritaire, violent »

Ces cas existent, sans aucun doute, mais voilà que les justicières sociales en font la situation ordinaire de toute paternité, ce qu’au fond, prétendent décrire les judéobutlériennes. Alors que tout comme le tyran est le symptôme d’une pathologie sociale, les pères autoritaires-violents sont l’indice d’une pathologie de la famille.

Dans ce cas –là, nous avons affaire à deux formes très proches de pathologie du pouvoir (politique d’un côté, domestique de l’autre). C’est en cela qu’on peut comprendre dans quelle mesure l’autorité limite le pouvoir. L’autorité limite aussi bien le pouvoir du père que celui de l’enfant. (Le problème d’un grand nombre de familles monoparentales c’est justement cette absence de figure limitatrice, dont le point d’appui est l’autorité).

Le paradoxe de la métaphore meetoïste

Si la loi est symbolique, le féminisme meetoïste inquisitorial, lui, n’est pas dans le symbolique, les balanceuses des porcins n’ont de rapports que littéraux avec la loi, c’est l’homme haïssable qui l’incarne, malgré les métaphores diverses. Et c’est là le paradoxe de ce mouvement. Elles prennent tout au pied de la lettre (ce qui indique bien que pour elles, la loi, symbolique, donc ouverte à l’interprétation, est remplacée par la norme, qui s’applique à la lettre). La fiction ? Connais pas. « Liaisons dangereuses » -roman ? non texte sexiste sur les « Relations toxiques »3 « Votre beauté nous ensorcelle » -poème d’amour ? Non. Male gaze. « Autant en emporte le vent » –stéréotype de hétéropatriarcat blanc. Je parie que seul Abélard trouve encore grâce à leurs yeux, sa toxicité lui ayant été enlevée.

C’est que la figure du père symbolique est incarnée par l’homme réel. Par l’homme blanc, car elles ne considèrent pas, dans leur racisme primitif, les hommes « racisés » comme possible incarnation de la loi. D’où l’appel à tout « démasculiniser ».

La démasculinisation et la mise à mort

Comme naguère l’appel à « déjudaïser la langue » des fascistes italiens, « déjudaïser la catastrophe », « déjudaïser le christianisme », l’appel à démasculiniser (à se débarrasser de la masculinité toxique ou des hommes en général, mais j’ai expliqué que c’était un pléonasme) touche à se débarrasser de l’essence de l’être, de l’autre. Il s’agit là d’une véritable incitation à la haine, d’une sorte de mise à mort symbolique de l’homme, du rejet de l’hétérosexualité, de la destruction sociale, subventionnées par les instances universitaires, par les maisons d’éditions et par les sociétés de production et de diffusion qui font leur choux gras sur la propagande de la déconstruction totale.

Non mais, franchement, vous imaginez ce qui se serait passé si des colloques universitaires se tenaient sur le sujet de la « déjudaïsation » du monde académique ? Je n’arrive pas à voir la différence avec la démasculinisation.

Conclusion

« Là où il n’y a pas d’hommes, tâche, toi, d’en être un ! Pirkei Avot (les Maximes des Pères)


Auteur

  1. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02565377

  2. https://www.lepoint.fr/debats/la-feminite-toxique-existe-t-elle-12-01-2019-2285251_2.php

  3. Voir Belinda Canon, « Relations toxiques », Le Monde 25 août, 2021

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