Wokisme, les faits n°24 - mars 2024
Colloques et événements
Séminaire d’Approches Postcoloniales SAP : saison 2023-2024
Le SAP est en effet parti du constat que les approches postcoloniales (anti-coloniales, études subalternes, postcoloniales, décoloniales) occupent une place mineure dans l’enseignement et la recherche en sciences sociales en France, alors qu’elles occupent une place significative dans l’espace international. Peu de centres de recherche se consacrent à la situation postcoloniale ou à ses manifestations et évolutions contemporaines.
Trans, queer et soupe de crabes.Nouvelles narrations malgaches du contemporain
Pour inaugurer le nouveau Programme Afrique de Sciences Po, un cycle de conférences « Littérature et sciences sociales en Afrique », animé par Elara Bertho (CNRS) et Elgas, sociologue et écrivain sénégalais, a été lancé en octobre 2023. Les quatre premiers invités étaient Sami Tchak, Gauz, Hemley Boum et Beata Umubyeyi. Pour la cinquième séance, nous accueillons l’écrivain malgache Johary Ravaloson, auteur entre autres de Vol à vif (Dodo Vole Edition, Prix Ivoire 2017), Amour, patrie et soupe de crabes (Dodo Vole Edition, 2019), Le Tribunal des cailloux (Dodo Vole Edition, 2024).
Autour de « Critical Race Theory. Une introduction aux grands textes fondateurs » de Hourya Bentouhami et Mathias Mösche
Ce séminaire est un séminaire de lectures théoriques et critiques animé par des non-spécialistes. Il ne s’agit pas de produire un savoir « par en haut », mais plutôt de proposer des pistes de lectures de manière horizontale. La personne chargée de l’introduction de la séance présente l’auteur, les concepts clés et des pistes enthousiasmantes pour les collègues. Elle ne dispose pas d’une autorité quelconque sur l’auteur. Elle a donc le droit de dire « je ne sais pas ». L’idée est de penser avec les auteurs et non pas contre eux. Il ne s’agira pas de procéder à des lectures pointant tel ou tel défaut, mais plutôt d’essayer de comprendre en quoi cet auteur peut nous servir aux uns et aux autres, par-delà nos disciplines et nos terrains différents. Le décolonial est entendu comme un concept souple, que l’on pourrait définir comme processus de déprise de la colonialité du pouvoir. Post / dé / anti pourront dialoguer entre eux, l’essentiel étant de dessiner des constellations théoriques pouvant rassembler les chercheurs entre eux. Le séminaire est collégial, ce qui signifie qu’une large place est faite à la discussion, et à ce que le concept d’universel latéral éveille en nous – comme enthousiasmes ou incompréhensions.
Les Transversales du Genre – Atelier méthodologique de Philomel, #1: Transidentités
Ce séminaire a pour principe de faire dialoguer deux membres de Sorbonne Université, spécialistes de champs disciplinaires différents, sur une même notion/question de genre et de sexualités. La perspective est épistémologique et méthodologique : il s’agit de confronter diverses approches et démarches des outils notionnels des études de genre, dans la perspective d’une meilleure interconnaissance des démarches et pratiques entre les disciplines.
Appels à contribution
Mémoires postcoloniales francophones : retours, réécritures et complexités
La mutation des approches théoriques et critiques des fictions francophones, et notamment la dérive de la langue vue comme un stigmate (surconscience, insécurité, diglossie) vers des soucis davantage identitaires et politiques, voire militants (Provenzano, 2011) s’est traduite par le foisonnement de plusieurs thématiques qui, plutôt que d’interroger le contexte présent, revisitent les mémoires à partir de la complexité et du potentiel identitaire actuels, et dont les études postcoloniales se sont emparées (Beniamino, 1999 ; Moura, 2005).
Ainsi, les (inter)textes littéraires francophones revisitent et réinterprètent les textes canoniques tant hexagonaux que périphériques (Mathieu-Job, 2004 ; Panaïté et Klekovkina, 2017) et produisent des répliques fictionnelles postcoloniales où la question (post)mémorielle est très présente, et assume parfois un déploiement mondialisé.
De fait, dans les œuvres francophones, le rapport à la mémoire et au passé (partagés ou pas) interroge les récits historiaux institutionnels, engendrant des tensions et des relectures à partir des retombées et enjeux lisibles dans les poétiques de P. Chamoiseau, A. Djebar, A. Kourouma, W. N’Sondé, M. Mbougar, par exemple.
En outre, les mémoires mises en fiction par les textes francophones sont traversées par des drames et mobilisent des représentations croisées inscrites dans l’espace (Gilroy, 1993) sur base de retours, réécritures et circulations complexes et palimpsestiques des conséquences du passé.
Publications
Qu’est-ce que digérer ? Métabolisme, gastro-nationalisme et reproduction sociale
En réévaluant le concept de gastro-nationalisme, cet article se propose d’analyser l’incorporation, soit le fait pour un corps de se constituer comme tel selon des processus de digestion, d’assimilation et d’excrétion propres au métabolisme. Il s’appuie sur les discours et des logiques économiques, politiques qui ont prévalu à la constitution d’un paradigme métabolique aussi bien dans les sciences naturelles, bio-médicales, nutritionnelles qu’en philosophie au 19 e siècle et jusque dans la première moitié du 20 e siècle en Europe. À travers l’articulation de ces réseaux de signification portant sur les politiques de l’estomac, du foie, il s’agit de prendre au sérieux la matérialité de la spécificité gastrique et métabolique ainsi engagée dans la construction d’un imaginaire national, civilisationnel d’un corps sain, vigoureux, censé consolider la différence sexuelle, raciale et sociale de la nation dans ses entreprises coloniales. Dans quelle mesure en effet le renouvellement de la matière vivante des organismes humains relève-t-il autant d’une naturalité organique que d’une construction sociale pour laquelle l’attention à ce que l’on mange, à la manière dont on mange et avec qui, contribue à la fabrication de logiques d’oppression sociale ?
Géographies féministes au Québec, intersectionnalité et décolonialisme : Vers une géographie de l’émancipation?
Apparue au milieu des années 1980, la géographie féministe est demeurée en marge de la géographie du Québec, comme s’il s’agissait d’une branche mineure de la géographie. Or, après avoir intégré des préoccupations liées à la géographie des genres et des sexualités, la géographie féministe s’élargit et se consolide sur les plans théorique, épistémologique et méthodologique en intégrant les approches intersectionnelle et décoloniale. Elle se développe à un point tel qu’il est désormais légitime de parler des géographies féministes au Québec. En fait, en adoptant les approches intersectionnelle et décoloniale, les géographies féministes questionnent la construction des discours et du corpus de connaissances constitutifs de la géographie du Québec, connaissances qui se prétendaient universelles. De plus, ces outils analytiques permettent un nouveau regard sur des champs d’intérêts établis dans la géographie du Québec comme les questions migratoires et autochtones, en donnant la parole aux femmes. En ouvrant la voie à la co-construction des connaissances, ces approches favorisent la visibilité de la complexité des rapports de pouvoir et des rapports à l’espace des différents groupes de population vivant au Québec. En d’autres mots, les géographies féministes, en donnant la parole aux femmes provenant de groupes sociaux subalternes comme les immigrantes et les autochtones, peuvent contribuer à créer une géographie de l’émancipation.
Vers une clinique d’anticipation sociale : la rencontre de la psychanalyse et du genre
Actuellement, le genre et la dysphorie de genre font l’objet de nombreux débats. De son côté, la psychanalyse n’est pas épargnée. Elle est invitée par le genre à une importante remise au travail. Ainsi, cet article reviendra sur la définition du genre, sur la dysphorie de genre et ses récentes évolutions, ainsi que sur les actualités et débats se rapportant à ceux-ci, avant de revenir sur la rencontre du genre et de la psychanalyse, dans ce que nous nommons une clinique d’anticipation sociale.
La neurodiversité : le pan oublié de l’intersectionnalité
Cet article raconte l’histoire des mouvements sociaux de la neurodiversité aux états-unis, l’articulation intersectionnelle des discours neuroatypiques et des autres discours « mineurs » (notamment liés au genre), et évalue la possibilité de sa traduction dans un contexte politique et épistémique français.
Le blackface ou la saturation sémiotique du corps noir dans les mises en scène d’Othello de Shakespeare
La représentation du corps noir fait l’objet de nombreuses investigations, notamment la pratique culturelle du blackface qui permet à l’acteur blanc de subir une transformation raciale pour incarner un personnage afro-descendant. Dans quelle mesure le blackface est-il une pratique négrophobe qui repose sur la saturation sémiotique du corps noir sur la scène de théâtre ? Par « saturation sémiotique », j’entends la façon dont le corps noir est chargé de symbolique à connotation négative. Nous étudierons cette question dans les mises en scène d’Othello de Shakespeare en remontant aux pratiques théâtrales de la première modernité anglaise et en les mettant en résonnance avec le théâtre contemporain. La déconstruction du blackface permet de l’identifier comme une pratique à la longue tradition théâtrale dont la connotation négative ne fait aucun doute, du théâtre religieux médiéval au théâtre anglais de la première modernité et jusqu’aux spectacles des ménestrels raciaux américains. Le blackface est à l’origine d’une esthétique raciale qui mobilise l’acteur et le spectateur et leur fait vivre une expérience scopique qui leur donne un pouvoir de définition de la représentation de l’identité raciale sur la scène de théâtre. C’est enfin une pratique polémique qui ne fait toujours pas consensus aujourd’hui et qui fait l’objet d’interprétations parfois contradictoires, notamment si l’on oppose l’intention du metteur en scène à l’impact de la mise en scène.
L’islamisme est-il (toujours) hégémonique ? Réflexions depuis la France sur un objet incandescent
L’islamisme est une représentation totalisante et communautaire de la religion musulmane. C’est un mouvement idéologique apparu au cours de la première moitié du XXe siècle. Ce dernier connait et a connu aussi bien des victoires que des échecs électoraux, culturels et idéologiques, mais aussi la répression étatique. Il concilie généralement attachement conservateur à des normes religieuses et ambitions politiques. Les modes d’action et le projet des associations et partis qui s’en inspirent demeurent à la fois divers et tributaires du contexte dans lequel ils évoluent. Aussi, il ne fait pas sens d’amalgamer sans nuances Les Frères musulmans égyptiens, le Parti de la justice et du développement au Maroc, le Hamas en Palestine et Musulmans de France, même si le conservatisme moral peut constituer le plus petit dénominateur commun. Or, après les attaques perpétrées par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023, l’amalgame entre ces différentes formations a eu plutôt tendance à dominer les échanges publics en France tandis que la responsabilité de la colonisation, des nationalistes et extrémistes religieux au pouvoir à Tel Aviv tendait à passer au second plan de l’analyse des causes de l’explosion et l’entretien de la violence à Gaza et en Cisjordanie.
Ouvrages
Quentin Petit Dit Duhal, Art queer. Histoire et théorie des représentations LGBTQIA+
L’art queer, par ses représentations, a un impact direct sur la transformation de nos sociétés. Il interroge et déplace les catégories de genre, de sexe et de sexualité, et participe à la visibilité de la communauté LGBTQIA+. Mais les artistes queers représentent une minorité, et quand leurs œuvres sont exposées, les questions de sexualité et de genre sont souvent évitées. Pourtant, les enjeux que l’art queer représente sont aujourd’hui davantage pris en compte – notamment la manière dont il nourrit de nouveaux discours sur le hors-norme, l’exclusion et la hiérarchie. Cet ouvrage met en lumière le rôle et la place toute particulière des artistes queers dans les luttes sociales et l’histoire de l’art. Il montre comment l’art queer permet de mieux comprendre les enjeux actuels liés à la construction du genre et à la nécessité de « faire communauté » au sein de nos sociétés.