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Collectif

Tribune des observateurs

Wokisme, les faits n°27 - juin 2024

Colloques et événements

Breaking Out, repenser les imaginaires carcéraux féminins

Une actualité éditoriale, curatoriale et scientifique tend à reconsidérer l’importance d’une réflexion quant aux imaginaires contemporain des espaces carcéraux – et des corps et individualités qui les habitent,en particulier féminins. Après une période de relative invisibilisation de ces questions ayant fait suite aux travaux largement diffusés de l’observatoire des prisons et de Michel Foucault en particulier dans les années soixante-dix, un ensemble de manifestations permet d’observer une transformation des représentations et des imaginaires associés aux conditions carcérales des femmes.

Théories Critiques et Théories de la subjectivation

Le 24 juin, le séminaire Théories Critiques et Théories de la subjectivation, encadré par Estelle Ferrarese, reçoit : Carole Hosteing, doctorante en philosophie au CURAPP-ESS, de 14h à 15h30 pour une communication intitulée « Michèle le Doeuff et les épistémologies féministes » ; et Hourya Bentouhami, maîtresse de conférences en philosophie politique à l’Université Toulouse-Jean-Jaurès (Inspé), de 16h à 18h pour une communication intitulée « Marxisme et intersectionnalité : quelle théorie sociale ? »


Discussion assurée par Salima Naït Ahmed, ATER en science politique à l’Université de Reims Champagne Ardenne et membre du CURAPP-ESS. 

Féminismes et solidarités internationales

Les années 2000 sont marquées par le renouvellement du mouvement féministe (tant à l’échelle nationale qu’internationale). Qualifié de « troisième vague » ou de « postféminisme », il est porteur de nouvelles revendications et imprégné de la diffusion des analyses intersectionnelles, queer, transidentitaires ou encore postcoloniales. Y sont affirmés des croisements avec l’antiracisme, l’anticapitalisme, l’altermondialisme ou encore l’écologie. Doit-on alors plus que jamais penser le féminisme au pluriel ? Quels liens, quels héritages peut-on y lire avec le féminisme dit de la 2e vague ? Ce qui se trouve affirmé d’identités plurielles, fluides s’opposant à une approche homogénéisante d’un « nous, les femmes », est-il simple affaire de génération ? Cela s’oppose-t-il à une convergence des luttes ou peut-il en ressortir une forme d’unité dans la diversité ? Et comment penser les solidarités internationales, la convergence des luttes au-delà des frontières nationales dans un contexte où les droits des femmes et des minorités sexuelles et de genre sont niés dans des États autoritaires, attaqués dans des démocraties prenant un tournant illibéral mais aussi dans de grandes démocraties. À des degrés divers et inégaux selon les régimes en place, les effets sur les libertés publiques sont en effet nombreux : restrictions dans l’accès à l’avortement, abandons de mesures pour lutter contre la violence domestique et les violences contre les femmes et minorités de genre, attaques contre les mouvements féministes et les études de genre, interdiction du mariage de couples de même sexe, mobilisations anti-LGBTQI+. Quelles sont les stratégies anti-féministes et anti-genre dans les États qui s’attaquent aux droits des femmes et des personnes queer ? Comment les féministes (qu’elles soient militantes, journalistes, avocates, universitaires) résistent-elles ou iels dans ces contextes ? Dans quel mesure la solidarité internationale des mouvements féministes peut-elle s’activer ? Cette nouvelle édition de l’académie d’été du DIU Etudes sur le genre propose d’échanger, débattre autour de ces questions en croisant les regards entre recherche et militantisme.

(Re)dire le genre. Journée d’étude du Réseau CoDiTex

Cette journée d’études du réseau des centres, équipes et unités de recherches CoDiTex (Corpus–Discours–Textes) a pour objectif d’analyser la manière dont les locuteurs, par leurs opérations discursives, désignent des entités dont l’identité de genre évolue ou change avec pour effet un changement de désignation, qui peut se traduire notamment par une modification du genre grammatical. Cette question est très débattue actuellement aussi bien du point de vue (méta-)linguistique, où il s’agit d’articuler la catégorie grammaticale de genre fondée sur la répartition des noms en deux ou trois classes (masculin, féminin, neutre), que dans le domaine des « gender studies » qui vise l’identité genrée conçue comme construction politique et sociale de la différence des sexes.

(Re)dire le genre peut se comprendre comme la manière de rendre compte et de représenter des entités, ce qui implique les trois dimensions : référentielle, discursive et textuelle de telles opérations ; mais peut s’entendre aussi comme révision d’une « organisation grammaticale » à l’aune des évolutions qui caractérisent nos sociétés, et qui ne peuvent rester sans influence sur le système linguistique. Ce dernier champ problématique, pose la question de l’examen de la façon dont la « conscience normative » opère également, en termes de « linguistique populaire », par « sentiment linguistique ».

Mais cette articulation des genres prend un autre relief dès lors que la linguistique s’intéresse auxdites évolutions telles qu’elles s’actualisent non seulement en texte et en discours, mais aussi dans divers genres textuels-discursifs, qu’ils relèvent du factuel ou du fictionnel. La question du choix et du traitement des corpus, qui est l’un des fondements du regroupement au sein de CoDiTex, sera ainsi reprise pour cette journée sous l’angle de la diversité des genres de textes-discours. Cette journée d’étude propose une première exploration des problématiques liées au genre à partir de corpus littéraires.

Atelier de travail « Des crimes genrés au féminicide : un continuum des violences de genre ? (1650-1850) »

Atelier de travail organisé par Cathy McClive (Collegium de Lyon, Florida State University), Margot Giacinti (Triangle) et Anne Verjus (Triangle).

Programme

20 JUIN après-midi (14h-18h)

Introduction de cadrage et de méthodologie de la journée

  • 1. « Les crimes sexuels » ( Cathy McClive, Collegium de Lyon, Florida State University)
  • 2. « Le parricide est il un meurtre de genre ? » (Julien Doyon, LARHRA, ULL2)

21 JUIN matinée (9h-13h)

  • 3. « Est-ce la personne ou le mariage qui tue ? » (Anne Verjus, CNRS)
  • 4. « Les crimes crapuleux sont-ils aussi des féminicides ? » (Margot Giacinti, Triangle)

Discutantes : Juliette Zanetta (ULL2), Fanny Tricot (Framespa, Université de Toulouse 2)

Études françaises à l’échelle mondiale : perspectives transnationales, transculturelles et transdisciplinaires / Global French Studies : Transnational, Transcultural, and Transdisciplinary Perspectives (Melbourne)

Global French Studies within or across different time periods (from the Middle Ages to the twenty-first century) –        Decentring and decolonising French Studies –        Transnational and transcultural movements –        Transdisciplinary approaches to French Studies. –        Local, national, global perspectives. –        Borders, boundaries, margins. –        Postcolonialism and empire  –        Migration, exile, displacement, diaspora. –        Indigenous populations. –        History and memory  –        Global responses to climate change –        Gender, sexuality, queerness  –        Media and technology in the French-speaking world –        World literature in French / littérature-monde en français  –        Translation and interpreting –        Monolingual, multilingual, translingual environments –        Diversity and equity in French-speaking institutions –        Teaching in the Global French Studies classroom

Appels à contribution

Historiciser le « je »

Le positionnement problématique des philosophes des Lumières a fait l’objet de plusieurs travaux récents. Si, dans De l’esprit des lois (1748), Montesquieu tourne en ridicule les arguments des esclavagistes et si, dans Candide (1759), Voltaire dénonce les procédés barbares liés à l’esclavage, il est vrai que leur défense de la liberté semble avoir pour sujet principal un homme blanc, aux dépens des sujets « minorisés » que sont les femmes et les non-Européens – parmi d’autres. 

Créations et arts au prisme de la redéfinition de l’engagement de l’Europe à ses marges, des marges à l’Europe

Les propositions pourront notamment s’inscrire dans l’un des axes suivants :
• (Dé)construction du concept de l’engagement
• (Dé)construction des genres artistiques et des formes esthétiques
• (Dé)construction du dialogue interculturel dans un contexte de déracinement/ré-enracinement, dé-/reterritorialisation
• (Dé)construction de l’identité (supra)nationale
• Transferts culturels et réinvention de l’engagement

Contre-je : genre et énonciations minoritaires en littérature

Nul besoin de remonter au roman du XIXe siècle, ni de se circonscire à la parole de travailleur·euses du sexe actuel·les pour voir ou entendre s’exprimer un « contre-je » dont le discours dominant définit les conditions d’existence « paradoxales » – au sens étymologique de παρά (para, « contre »), δόξα (doxa, « l’opinion »). Les notions de « diversité »  et de « représentation » sont aujourd’hui au cœur du débat public, en particulier sur les réseaux sociaux, et font l’objet de nouvelles exigences de la part des lecteur·ices les plus jeunes. Le concept de « own voice » (« leur propre voix » ou « voix authentique »), formulé sur Twitter en 2015 par l’autrice Corinne Duyvis, sert notamment à identifier et à promouvoir les œuvres pour lesquelles l’auteur·ice et son ou ses personnages partagent une même identité « minorisée » – en termes de genre, de classe et de race, mais aussi de sexualité, de culture, de religion ou de handicap. D’abord conçu comme un outil – et hashtag – de recommandation de lectures au sein de la campagne numérique #WeNeedDiverseBooks ou, plus largement, dans les répertoires de fictions « diverses », son utilisation s’est depuis étendue pour devenir une étiquette marketing « fourre-tout » dans l’industrie du livre – ce qui ne va pas sans soulever des questions sur l’imprécision de l’expression ou sur des situations inconfortables et potentiellement dangereuses, non seulement pour les auteur·ices (coming out forcés, par exemple), mais aussi pour ses dérives « tokénisantes » (politique du quota) dans certaines maisons d’édition et collections. Par ailleurs, la tendance répandue qui vise à lire les écrits et productions de sujets racisés comme nécessairement autobiographiques, comme s’il s’agissait de témoignages à valeur sociologique ou documentaire (de Faïza Guène à la poésie africaine-américaine en passant par le rap !), signale bien la difficulté pour ces derniers à habiter le « je » de la fiction au même titre que d’autres écrivain·es. Les interrogations littéraires et politiques que soulève ce moment éditorial s’inscrivent dans certaines œuvres elles-mêmes : dans Yellowface (2023), la prise en charge de l’instance énonciative par une narratrice antipathique et non fiable permet à Rebecca F. Kuang de remettre en question l’idée d’une norme objective d’authenticité à laquelle les écrivain·es contemporain·es devraient se conformer, et d’interroger les histoires que chacun·e d’entre eux·elles serait autorisé·e ou non à (d)écrire.

Confluences des inégalités sociales dans les médias et littératures de l’aire francophone et du monde : l’intersectionnalité du point de vue des études littéraires (revue Interférences litteraires/literaire interferenties)

Confluences des inégalités sociales dans les médias et littératures de l’aire francophone et du monde :

l’intersectionnalité du point de vue des études littéraires

Le concept d’intersectionnalité est particulièrement propice à une réévaluation de l’imbrication des rapports de pouvoir entre le passé et le présent. Né à partir du constat de l’existence de discriminations multiples dans la société, ses origines remontent au Black Feminism des années 1970 qui prend en compte les interdépendances entre racisme et sexisme dans la société. Ce terme, qui a été forgé par Kimberlé Crenshaw (1989), s’inspire de la métaphore visuelle du croisement des rues. Depuis lors, la notion d’intersectionnalité décrit différentes formes de discrimination multiple dans la société. Outre les catégories de race, de classe et de genre, d’autres critères de différence et de diversité sociales, comme la religion ou le handicap, sont venus s’y ajouter. Comme le soulignent Winker/Degele en 2009, l’intersectionnalité est une ‘approche théorique élaborée de manière plutôt rudimentaire’ (11), qui n’a en outre été prise en compte que récemment dans les études littéraires (cf. Krass 2014 : 17 ; cf. Klein/Schnicke 2014). Alors que les études féministes, les études de genre ou les études postcoloniales, considérées séparément, se sont désormais imposées comme approches théoriques de référence dans les études littéraires, on les trouve plus rarement appliquées dans leur imbrication intersectionnel. 

Ecoféminismes européens

Nous nous proposons dans ce colloque d’étudier les écoféminismes européens. Plusieurs variantes d’écoféminisme peuvent être examinées : un écoféminisme littéraire et culturel, qui se base sur une éthique du « care » (éthique de la sollicitude), un autre plus social et politique, pour montrer à travers des œuvres littéraires, la domination sociale qui pèse sur les femmes, un volet esthétique et artistique, à l’instar des féministes performeuses activistes islandaises, Love Icelandic Corporation, qui déconstruisent dans des vidéos et des performances, les codes genrés et les dérives environnementales actuelles. Une attention particulière sera portée sur les sujets développant une attention aux questions écologiques et environnementales ainsi qu’au développement des revendications féministes. Ce colloque a l’ambition de faire entendre une diversité de voix féministes et féminines, de prendre en compte les différences culturelles, de souligner la représentation des modes d’oppression des femmes et de montrer les solutions envisagées dans des scénarios littéraires et culturels renouvelés, dans/à travers une nouvelle conscience écologique.

Publications

Le travail émotionnel dans les recherches sur les violences de genre. Regards croisés sur un impensé au sein du monde académique

À partir d’un regard croisé entre doctorantes et leur directrice de thèse, les autrices proposent une réflexion théorique et empirique sur la question éthique du travail émotionnel que sous-tendent les recherches sur les violences de genre. Celles-ci ont des coûts qui font partie intégrante de chacune des étapes mises en œuvre dans la recherche. Or, ce travail émotionnel est très peu pensé et a fortiori pris en charge par les institutions. Après avoir défini le travail émotionnel, l’article s’intéresse aux différents coûts portés par les chercheur∙es à chaque étape de l’enquête. Il montre ensuite que le travail émotionnel amène les autrices à redéfinir les rapports interpersonnels, lesquels prennent une place d’autant plus importante quand les dispositifs académiques sont (quasi) inexistants. À partir des expériences de recherche et d’encadrement des autrices, de leurs réflexions personnelles comme collectives, l’article donne à penser ce travail émotionnel, contribue à le rendre visible, propose des pistes de supports, outils et dispositifs institutionnalisés qui pourraient être mis en place. In fine, l’article conclut avec l’idée que malgré ses différents coûts, le travail émotionnel est heuristique et implique des dimensions politiques fortes qui contribuent à la production de savoirs.

Scène littéraire francophone et perspectives postcoloniales : quelques réflexions

Définies comme un champ d’étude pluridisciplinaire qui examine et décortique les rapports de pouvoir, les études postcoloniales ont pour dessein la critique de la nature des relations existant entre le colonisé et le colonisateur. Cette vague de plumes qui tend à déconstruire les représentations binaires ne se limite pas à la pensée. En effet, nous assistons, également, à l’émergence d’une littérature qui cherche à affirmer la puissance d’agir et de disposer de soi du colonisé en lui restituant la parole qui lui a été jusque-là confisquée. Elle consiste, de ce fait, en un exercice de décentrement du regard sur l’Histoire. Aussi est-elle destinée à réapproprier et à restaurer une identité clivée et aliénée. Ce mérite de dépasser les apories de l’Histoire se trouve accompagné de la (re)mise en question de plusieurs problématiques notamment l’esthétique du roman et particulièrement la langue et l’identité.

Existantes. Pour une philosophie féministe incarnée

Remettre à l’ordre du jour des sujets traditionnellement boudés par la philosophie occidentale: voilà le mandat que se donne cet essai écrit à quatre mains par des philosophes féministes. Elles y dévoilent les dynamiques de domination à l’œuvre dans les concepts classiques tels que la raison, la justice ou l’autonomie, et remettent en question le prétendu sujet universel. Explorant une philosophie du quotidien, ancrée dans l’expérience sensible, les autrices tracent de multiples chemins vers une autre subjectivité politique. Ainsi se construit une pensée à la fois critique, vulnérable et incarnée, qui fait écho aux grandes idées qui traversent un champ en pleine effervescence.

Plusieurs théoriciennes sont ici présentées, notamment Simone de Beauvoir, Judith Butler, Elsa Dorlin, Kristie Dotson, Camille Froidevaux-Metterie, Emilie Hache, Patricia Hill Collins, Monique Wittig et Iris Marion Young.

Sommaire

Introduction : Décloisonner la philosophie

Une subjectivité multidimensionnelle : en finir avec le Sujet universel

Au-delà des dualismes : vers des sujets incarnés et vulnérables

Le care : vers des sujets relationnels et bienveillants

Naturalité et colonialité : vers des sujets ancrés dans la nature

Apprendre à se défendre : vers des sujets en sécurité

La justice épistémique : vers des sujets crédibles, entendus et reconnus

Conclusion

Ouvrages

Pour une interprétation épistémologique des littératures féministes

Avec l’essai historique et littéraire Des Femmes et du style. Pour un feminist gaze (Divergences, 2023), publié en parallèle d’une thèse intitulée Ernest Renan : sciences de la nature et pensée historique (Honoré Champion, 2023), Azélie Fayolle rejoint l’effort de revendication de la puissance créatrice des textes de femmes depuis l’époque prémoderne. Elle s’aligne avec les travaux de Martine Reid, Éliane Viennot et Jennifer Tamas, entre autres chercheuses et essayistes contemporaines françaises, pour mettre en lumière l’autorité et l’innovation littéraires que les autrices, dès l’aube de l’Ancien Régime, ont opposées aux contraintes tentaculaires du patriarcat.

2Pour être exact, Fayolle fait plus que réhabiliter l’œuvre littéraire des femmes, en majorité européenne et étasunienne, et en particulier depuis le xixe siècle. Elle se propose de partir « d’une intuition » (p. 11) pour oser un pari : théoriser un style féministe, qui serait protéiforme, véhément et subversif d’un point de vue autant social que littéraire. Pour Fayolle, c’est « la condition commune des femmes et l’intersection de leurs oppressions parfois multiples », ainsi que « la singularité de leur parcours », qui expliquent qu’elles partagent « certaines caractéristiques de leurs livres » (idem). Les styles féministes, que Fayolle rassemble sous le terme de feminist gaze, ou regard féministe, comprend toute démarche littéraire poétique, théorique et/ou philosophique, opposant « une réponse, consciente ou non, à l’oppression patriarcale » (idem). Fayolle emmène plus loin le regard féminin tel qu’Iris Brey le définit, puisqu’elle s’intéresse plus précisément à la « politisation » et aux « narrations collectives » (p. 31) permises par le regard féministe.

Patriarcat, la fin d’un monde

Les mots de Judith Godrèche ont éclaté comme une bombe dans un milieu jusque-là figé dans le déni. Ils disent l’incrédulité face au silence et l’espoir que les victimes de violences sexuelles soient enfin écoutées. Mais nous savons que l’indignation est éphémère. Face au risque d’un retour à l’inertie et dans un contexte politique alarmant, les féministes doivent tenir et renforcer la dynamique par laquelle elles ont entrepris de refuser l’assignation des
femmes à leurs corps-objets. Car c’est aujourd’hui une aspiration de fond à renverser l’ordre patriarcal du monde que nous portons.

L’expérience de l’oppression

L’oppression est limitation d’une expérience, assignation d’un corps. L’oppression suppose le sujet sur lequel elle s’exerce, elle n’est étouffement qu’en étant insupportable. Si l’expérience de l’oppression prépare une résistance possible, c’est parce qu’elle est d’emblée paradoxale.

En montrant que l’oppression caractérise indissociablement une violence sociale objective et la manière dont celle-ci est singulièrement perçue, éprouvée et signifiée, ce livre cherche à penser l’oppression en termes d’expérience vécue. Afin d’élucider comment elle affecte les corps, les rapports intersubjectifs ou les relations à la temporalité et à l’espace vécu, l’ouvrage déploie une phénoménologie allant au cœur de l’objectif et du subjectif, des rapports sociaux et des expériences ordinaires.

Faisant résonner les œuvres de Simone de Beauvoir et de Frantz Fanon avec les textes de Richard Wright ou ceux de la pensée féministe contemporaine, l’autrice met au jour certaines dimensions typiques du vécu d’oppression et ouvre une voie nouvelle pour conceptualiser l’expérience, la subjectivité et les corps en tant qu’ils sont traversés par le sexisme et le racisme. Mais l’analyse ne s’attache pas simplement aux dépossessions et blocages suscités par l’oppression : elle envisage l’expérience dans ses possibilités et devenirs, ouvrant la voie d’une phénoménologie des résistances politiques.

Thèses

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