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Théorie critique de la race, note de lecture à l’attention de M. Pap NDiaye et autres zélateurs du nouveau racisme

Ce document peut être reproduit partiellement ou en totalité librement si la source est explicitement mentionnée de la manière suivante : Morneau-Guérin, F., Santarossa, D., Boyer, C. (2022). Le démantèlement du racisme dans l’enseignement des mathématiques et l’effet cobra. Montréal : Éditions de l’apprentissage, collection Des points sur les i et des barres sur les t.

Avant-propos 

Ce texte fut rédigé à l’automne 2021, puis soumis en janvier 2022 au Bulletin de l’Association Mathématique du Québec. En octobre 2022, le comité de rédaction n’était toujours pas parvenu, semble-t-il, à trouver deux arbitres « informés et pertinents » (il s’agit ici des mots de la rédactrice-en-chef). 

Les idées ont des conséquences (Richard Weaver)

La théorie critique de la race (critical race theory), qui est à l’évidence un phénomène typiquement américain, stipule que le racisme serait omniprésent et agirait à chaque instant et sans relâche en défaveur des personnes de couleur, qui en sont conscientes, et au profit des blancs. Ces derniers compteraient parmi leurs nombreux privilèges le fait de pouvoir vivre sans ne jamais avoir à prendre conscience de l’ampleur de ce racisme ambiant jouant à leur avantage (Applebaum, 2007 ; Bell, 1991 ; Bell, 2008 ; Rollock et Gillborn, 2011). Il appert manifestement que les deux principes fondamentaux de la philosophie postmoderne que sont (1) le rejet de toute prétention à la vérité objective et son remplacement par le relativisme culturel et (2) la conviction que la connaissance est déterminée, conditionnée et modifiée par l’exercice du pouvoir occupent une place proéminente dans la théorie critique de la race (Hiraldo, 2010 ; Pluckrose et Lindsay, 2020). 

Longtemps confinée dans les facultés de sciences sociales, la théorie critique de la race a désormais émergé de son incubateur universitaire (Perna, 2018). En effet, au tournant des années 2010, l’idée suivant laquelle tout devait être décolonisé (y compris des institutions ou des milieux n’ayant jamais été littéralement colonisés) a commencé à se répandre sous l’influence de militants et de guerriers de la justice sociale (social justice warriors) utilisant et développant le concept de décolonisation de manière de plus en plus radicale (DiAngelo, 2018 ; DiAngelo 2021 ; Pluckrose et Lindsay, 2020). 

Comme cela se produit généralement lorsqu’une idéologie opère une réification de ses dogmes fondamentaux, les adhérents à la théorie critique de la race cherchent désormais à façonner la société de demain en produisant et distribuant du matériel de propagande. Nous en prenons pour exemple, la parution, en mai 2021, du fascicule A Pathway to Equitable Math Instruction (Cintron, Wadlington et ChenFeng, 2021) produit par le groupe militant californien The Education Trust-West dans le cadre de son projet intitulé Dismantling Racism in Mathematics Instruction. Regardons comment les auteurs du fascicule présentent leur travail : 

Ce fascicule offre aux enseignants l’occasion d’examiner leurs actions, leurs croyances et leurs valeurs concernant l’enseignement des mathématiques. Ce guide pour déconstruire le racisme en mathématiques offre des caractéristiques essentielles des enseignants de mathématiques antiracistes et des approches critiques pour démanteler la suprématie blanche dans les classes de mathématiques en rendant visibles les caractéristiques toxiques de la culture de la suprématie blanche (Jones et Okun, 2001 ; Brown et al., 2016) en ce qui concerne les mathématiques. (p. 4) 

Comme c’est souvent le cas dans la littérature associée à la théorie critique de la race, ce fascicule contient une multitude de références au patriarcat, à la culture de suprématie blanche, à la thésaurisation du pouvoir et au colonialisme qui existeraient « dans un état d’immanence – présent toujours et partout, mais dissimulé sous un vernis plus agréable qui ne les camoufle pas entièrement » (Pluckrose et Lindsay, 2020). On y brandit également des mots comme méritocratie et objectivité à la manière d’une insulte sans se donner la peine d’accompagner ces prises de positions tranchées d’une quelconque tentative d’explication, estimant vraisemblablement qu’elles sont d’une clarté limpide. 

Comme en témoigne l’extrait suivant, le fascicule Pathway appartient à un corps de plus en plus imposant de textes présentant comme une vérité indiscutable que toute personne blanche contribuerait (délibérément ou inconsciemment) à maintenir un système qui opprime les minorités (et ce, même s’il ne se trouvait plus personne pour nourrir en son for intérieur des intentions ou des croyances racistes) et qu’il serait impératif de démanteler ce système eurocentrique : 

La culture de suprématie blanche se manifeste dans la salle de classe lorsque les concepteurs de programmes éducatifs et les enseignants enculturés (sic) aux États-Unis présentent les mathématiques telles qu’ils les ont apprises, sans réflexion critique. Cela renforce l’idée qu’il n’y a qu’une seule bonne façon de faire des mathématiques, ce qui peut ne pas répondre aux besoins de tous les élèves. L’histoire des mathématiques, sa colonisation et ce qui est considéré comme un savoir « acceptable » est riche et complexe. Par conséquent, la façon dont les mathématiques sont enseignées aux États- Unis doit être remise en question, car elle est actuellement centrée sur les modes de traitement de la connaissance occidentaux et eurocentriques. Lorsque des élèves qui ont reçu un enseignement différent sont tenus d’apprendre de cette manière, ils doivent désapprendre leurs traditions autochtones pour répondre aux attentes des enseignants, faute de quoi ils sont privés d’apprendre les mathématiques suivant leur histoire ancestrale. (p. 38) 

Pour les auteurs de ce fascicule, démanteler le racisme dans l’enseignement des mathématiques et surmonter les mentalités légitimant le colonialisme passe manifestement par l’avancement d’un programme idéologique plutôt que par la mise en application des meilleures pratiques éducatives fondées sur les données probantes : 

La culture de suprématie blanche se manifeste dans la salle de classe lorsqu’un « bon » enseignement des mathématiques est considéré comme un antidote à l’iniquité mathématique pour les élèves noirs, latinx et multilingues. Les « meilleures pratiques » pour la pédagogie des mathématiques excluent souvent les besoins propres aux élèves noirs, latins, multilingues ou migrants. Cela renforce la pensée binaire (either/ or thinking) en renforçant les stéréotypes sur le type d’enseignement mathématique que certains groupes d’élèves reçoivent. Cela permet au caractère défensif des mathématiques occidentales de prévaloir, sans s’attaquer aux causes sous-jacentes des raisons pour lesquelles certains groupes d’étudiants sont « sous-performants », une caractérisation qui devrait également être soumise à examen. Cela présuppose également que le « bon » enseignement des mathématiques concerne un type de mathématique eurocentrique, dépourvu de manières d’être culturelles. Au lieu de cela, découvrez des façons authentiques et culturelles d’enseigner et d’apprendre qui représentent les élèves de votre classe. Développement professionnel : Comme département, étudiez l’ethnomathématique et incorporez-la dans toutes les salles de classe. (p. 31) 

Bien qu’il soit présenté comme un ouvrage de synthèse à prétention scientifique, nous ferons la démonstration que le fascicule Pathway est un pamphlet militant. Non contents de fomenter une révolution dans le milieu de l’éducation (une révolution, qui, à la lumière des connaissances scientifiques actuelles n’a pas la moindre chance de parvenir à améliorer les perspectives de réussite scolaire des publics cibles), ses auteurs remettent en question les principes fondamentaux de la méthode empirique de la recherche scientifique pour faire advenir l’ère de la subjectivité, de l’émotion, du ressenti et de l’intuition, le tout drapé dans le manteau de vertu de valeureux chevaliers résistants contre les forces du mal : 

Identifier et contester les façons dont les mathématiques sont utilisées pour défendre les opinions capitalistes, impérialistes et racistes. Exposer les élèves à des exemples de personnes qui ont utilisé les mathématiques comme moyen de résistance. Offrir des opportunités d’apprentissage qui utilisent les mathématiques comme moyen de résistance. (p. 9) 

Ce fascicule qui peut faire sourire du fait de la radicalité de ses thèses est loin d’être le fruit d’un département universitaire obscur, il a été financé à la hauteur d’un million de dollars américains par la The Bill and Melinda Gates Foundation (Stieglitz, 2021). On se gardera ici d’inférer trop de conclusions à partir d’un tel financement, cela relèverait uniquement de la spéculation. Ce qui mérite cependant d’être souligné ici, c’est que les idées promues dans le fascicule Pathway attirent le regard d’une fondation avec une réputation internationale ce qui montre l’importance grandissante de ces idées. Sur le site internet du fascicule, on dénombre 25 partenaires et organismes qui ont appliqué ses stratégies. Ces partenaires sont des associations d’enseignants dans divers États aux États-Unis, des départements universitaires et d’autres organismes qui font de la recherche en éducation. De plus, les idées véhiculées dans ce fascicule sont actuellement mises en application dans divers districts scolaires de Géorgie, d’Ohio, de Californie et d’Oregon (Stieglitz, 2021), et ce bien que de nombreuses voix se soient élevées pour décrier le caractère inutilement clivant qui l’imprègne. 

Ce guide antiraciste ne semble pas réellement avoir été utilisé au Canada, mais des documents similaires ont été mis de l’avant en Ontario. En 2021, le programme de mathématiques de 9e année en Ontario disait que « les mathématiques ont été utilisées pour normaliser le racisme et la marginalisation des connaissances mathématiques non eurocentristes » (Radio-Canada, 2021). Cette phrase a été depuis supprimée, mais plusieurs médias l’avaient rapportée à l’époque. À la suite de vives réactions dans les médias traditionnels, dans les médias sociaux et chez beaucoup d’enseignants, le gouvernement a changé cette phrase pour la suivante : « Le programme-cadre met l’accent sur la nécessité d’éliminer les obstacles et de mieux servir les élèves qui ont été historiquement désavantagés dans l’enseignement des mathématiques. » (Radio-Canada, 2021) 

Toujours en Ontario, à la fin de l’année 2021, un juge déterminait que considérant que le test standardisé de mathématiques que tous les futurs enseignants doivent passer causait des disparités raciales dans les résultats, il s’ensuivait que ce test était anticonstitutionnel. Par souci de précision, ajoutons que le juge spécifiait qu’il y avait des alternatives à ce test pour s’assurer que les enseignants ont une bonne maîtrise tout en ne causant pas de disparités raciales (Ontario Teacher Candidates’ Council c. La Reine, 2021). Ce jugement a suscité bon nombre de réactions et il est possible que le gouvernement en fasse appel. 

Sans pour autant faire partie du sens commun, il apparaît assez évident que les idées contenues dans le fascicule Pathway sont de plus en plus populaires et s’inscrivent dans un mouvement beaucoup plus large de déconstruction au nom de l’antiracisme. Au Québec aussi nous discutons des enjeux autour du racisme, mais ces questions ne sont pas encore entrées dans le discours des centres de services scolaires et au ministère de l’Éducation en suivant les idées de la théorie critique de la race. Toutefois, au cours des dernières années, portée par le zèle des nouveaux convertis, la théorie critique de la race s’est progressivement imposée dans l’espace médiatique au Québec ; le plus souvent à travers le prisme de l’histoire américaine (Bock-Côté, 2021). Personnalités publiques et chroniqueurs militants en sont progressivement venus à imposer dans l’espace médiatique le langage et les termes racialistes et à présenter la théorie critique de la race comme révélant des vérités indiscutables décrivant avec justesse la société québécoise, si bien que la croyance selon laquelle la société serait constituée de systèmes de pouvoir et de privilèges identitaires aussi pernicieux que difficiles à percevoir au premier abord devrait dorénavant être considérée comme le point de départ à partir duquel concevoir la société. Ajoutez à cela les exemples précédents et la présence de ce mouvement en Ontario et il est certain que les questions que pose la théorie critique de la race se poseront dans nos institutions 

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