Au cœur d’une formation « contre les LGBTQIA+phobies à l’école »: une « thérapie » pour guérir les futurs enseignants de « l’hégémonie hétérosexuelle »? (INSPE de Lille, le 30 mars 2022)

Au cœur d’une formation « contre les LGBTQIA+phobies à l’école »: une « thérapie » pour guérir les futurs enseignants de « l’hégémonie hétérosexuelle »? (INSPE de Lille, le 30 mars 2022)

Table des matières

Au cœur d’une formation « contre les LGBTQIA+phobies à l’école »: une « thérapie » pour guérir les futurs enseignants de « l’hégémonie hétérosexuelle »? (INSPE de Lille, le 30 mars 2022)

Si un « atelier de bibliothérapie autour de livres jeunesse » promouvait l’hétérosexualité, il soulèverait une immense vague d’indignation et de condamnations. Mais quand la « bibliothérapie » prétend que le livre pour enfants est « le moyen merveilleux » d’aider les enseignants et leurs élèves à faire un pas vers « l’homosexualité et la transidentité », devrait-on s’en féliciter?

Pendant trois semaines et demi, du 7 au 30 mars 2022, l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ) de Lille a déployé une riche “programmation Culture & Recherche sur la thématique de la lutte contre les LGBTQIA+phobies”, lors de laquelle la parole a été largement donnée à des militants associatifs extérieurs à l’institution, et qui s’est terminée en point d’orgue le 30 mars par une journée entière de “formation contre l’homophobie et la transphobie” à destination des futurs enseignants et futurs conseillers principaux d’éducation (CPE). Il s’agissait par exemple durant cette journée de se demander comment “aborder la transidentité en classe”, ou bien comment répondre aux demandes des élèves qui veulent être désignés par “le pronom iel”. Comme nous le verrons au cours de cet article, le registre de la thérapie est explicitement adopté par l’INSPÉ pour délivrer les futurs enseignants et leurs futurs élèves d’une soi-disant hétéronormativité hégémonique.

Une étudiante de l’INSPÉ de Lille nous a raconté cette journée qu’elle a vécu de l’intérieur, et nous a envoyé les documents d’accompagnement qu’elle a reçus. Nous avons pu vérifier leur provenance et nous les publions à la fin de ce billet.

Selon le témoignage de l’étudiante, que nous avons pu recouper par d’autres sources (un article de la presse locale et la communication de l’INSPÉ de Lille), la prévention contre les discriminations était instrumentalisée au service d’un militantisme communautariste, parfois d’une sorte de prosélytisme. La lutte contre les LGBTQIA+phobies devient le prétexte pour exiger des enseignants qu’ils « déconstruisent » les enfants, à l’insu des parents qui sont culpabilisés et stigmatisés comme incarnant « la pression des normes sociales » et « l’hégémonie hétérosexuelle ».

« Désapprendre les clichés de genre »

Sur la couverture du Guide bibliographique fourni aux futurs enseignants et CPE [Désapprendre les clichés de genre, BU-INSPÉ de l’Académie de Lille, mars 2022], deux enfants en tenue de chantier jouent au meccano. Ces enfants déguisés ressemblent eux-mêmes à des jouets, deux playmobils qu’on peut démonter et remonter, comme s’il suffisait de customiser ou d’échanger des accessoires pour jouer avec eux au jeu du “trouble dans le genre”. Ils sont représentés comme s’ils étaient eux-mêmes le chantier, le jeu de meccano auquel les activistes du genre réduisent la différence sexuelle.

D’où un discours simpliste sur les stéréotypes: il faut que les enfants jouent avec les clichés, s’amusent à les “inverser”, etc. Du coup, on ne sort jamais des stéréotypes, au contraire on les renforce. Au lieu d’être une émancipation du genre, c’est l’obsession du genre.

On n’a rien de mieux à proposer au petit garçon que de montrer ses émotions en assumant de pleurer (sous-entendu “comme une fille”) et à la petite fille de faire la bagarre (sous-entendu “comme un garçon”). Les différentes conférences et ateliers, avec un jargon plus ou moins compliqué et des ambitions théoriques prétentieuses, se résumaient en fait à tourner autour de cette idée assez faible: “Papa doit faire du tricot et Maman doit faire des affaires”. Le renversement n’abolit pas le cliché mais le rend obsédant, en ajoutant encore plus d’injonctions paradoxales et de normativité là où chaque enfant devrait avoir le droit d’être protégé pour pouvoir se construire, sans les contraintes d’un ordre moral ni celles de militants qui ne cherchent eux aussi qu’à régir les comportements.

Extrait de Désapprendre les clichés de genre (BU-INSPÉ de l’Académie de Lille, mars 2022)

Le militantisme transsexuel s’infiltre dans l’école avec la complicité passive de l’institution qui s’explique par une forme de frayeur panique, comme notre correspondante a pu le constater mercredi. Le suicide d’un élève transsexuel à Lille et sa médiatisation en décembre 2020 restent ici dans tous les esprits: l’Éducation nationale a été tellement paniquée par les accusations portées à son encontre que cela explique peut-être pourquoi l’INSPÉ de Lille a donné carte blanche à des militants pour venir enseigner aux futurs professeurs la « destruction de la “norme” hétérosexuelle » présentée comme une « philosophie pédagogique » (sic). Au risque de confondre la prévention des discriminations avec un activisme qui n’a aucun rapport et qui n’a certainement pas sa place à l’école.

Extrait de Désapprendre les clichés de genre (BU-INSPÉ de l’Académie de Lille, mars 2022)

La pathologisation de ce qui est dénoncé comme « normal »: vers la « thérapie » de conversion?

Le terme même de “LGBTQIA+phobie” qui donnait son nom à la journée place la transition de genre (T) en position inattaquable, stratégiquement placée au milieu du sigle et défendue par l’élément “-phobie” qui évoque une pathologie, ce qui interdit totalement de se demander s’il est pertinent de promouvoir la transition de genre auprès d’enfants, ou même tout simplement s’il est opportun d’aborder ce sujet avec eux alors qu’on commence à prendre conscience des conséquences des transitions précoces, et du calvaire des détransitionneurs qui témoignent tous qu’on leur a présenté trop trop tôt la transition comme une solution… Exprimer cette question, c’est encourir immédiatement l’accusation de LGBTQIA+phobie, parfaitement injuste et hors de propos, mais qui sert de paravent facile pour faire avancer en contrebande la cause transgenre au sein même de l’institution scolaire.

Le langage de la thérapie n’est donc pas utilisé innocemment dans ce contexte: tandis que toute forme de résistance est psychiatrisée par le recours à la « -phobie », l’atelier de “bibliothérapie qui invite à un travail sur soi (« faire un pas vers soi et vers l’autre ») pour s’ouvrir à la thématique de la transidentité fait appel à un registre extrêmement connoté. Les conférences et ateliers dénoncent en permanence une prétendue « norme » qui serait cisgenre et hétérosexuelle, ils rappellent également la psychiatrisation et la médicalisation dont ont fait l’objet par le passé l’homosexualité et la transsexualité, et par une forme de retournement radical c’est à présent ce qui est désigné comme la « norme » à abattre qui est pathologisée en tant que déviance à corriger.

Si un « atelier de bibliothérapie autour de livres jeunesse » promouvait l’hétérosexualité, il soulèverait une immense vague d’indignation et de condamnations. Mais quand la « bibliothérapie » prétend que le livre pour enfants est « le moyen merveilleux » d’aider les enseignants et leurs élèves à faire un pas vers « l’homosexualité et la transidentité », devrait-on s’en féliciter? Deux poids, deux mesures?

Alors que viennent d’être interdites à juste titre les « thérapies de conversion », comment peut-on tolérer dans l’école de la République l’équivalent inversé de la thérapie de conversion? Si les prétendues thérapies qui ramèneraient les enfants à l’hétérosexualité sont légitimement condamnées, comment peut-on justifier l’usage du mot « thérapie » pour des pratiques qui visent à guérir les enseignants et les élèves d’une prétendue « norme » hétérosexuelle?

Une logique victimaire qui alimente des revendications communautaristes, appuyées par un milieu académo-militant

Selon le chercheur en sciences de l’éducation Michaël Bailleul, intervenant lors de cette journée et cité par La Voix du Nord (vendredi 1er avril 2022, p. 19), le thème de la lutte contre les LGBTQIA+phobies à l’école a été choisi parce que les LGBTQIA+ revendiquent plus facilement leur identité, ce qui touche plus qu’avant le quotidien des enseignants: « L’homophobie ou la transphobie étaient jusqu’ici “discriminées” dans les dynamiques de sensibilisation, car globalement moins abordée que d’autres discriminations. D’où l’intérêt de l’événement de ce mercredi. »

L’efficacité du graphisme au service du message idéologique

L’INSPÉ de Lille a étrangement fait appel à une « facilitatrice graphique » de l’agence de communication « Bien fait pour ta com’ » afin de traduire le propos des conférences en petits dessins très infantilisants pour les futurs professeurs. Nous les publions ici afin que chacun puisse se faire une idée de la teneur des conférences du 30 mars.

Un premier détail, ci-contre, montre comment « l’hétérosexualité » est diabolisée, présentée comme une « norme sociale » et une « hégémonie » contre lesquelles devrait s’élever « la lutte contre l’homophobie à l’école ».

Un détournement éhonté des « valeurs de la République »

Ci-dessous, un autre détail de l’un des graphiques indique de façon très parlante comment sont instrumentalisées les « valeurs de la République »: par un jeu de flèches colorées, la devise républicaine semble déduite d’une mystérieuse injonction à « sortir de la sexualisation » pour « parler d’orientation amoureuse », elle-même déduite d’un schéma qui ressemble à la « personne gingenre ou licorne du genre ». Ainsi, c’est l’idéologie du genre qui est première, présentée de manière fallacieuse comme le fondement scientifique stable sur lequel reposeraient les « valeurs de la République ». Il s’agit là d’une manipulation grossière et indigne. Il n’y a évidemment aucun rapport entre les principes républicains et des hypothèses qui dissocient du sexe la trinité de « l’expression de genre », de « l’identité de genre », et de « l’attirance ou orientation sexuelle ». Les « valeurs de la République » sont réduites à l’état de cache-sexe du militantisme transgenre, de cheval de Troie pour faire entrer les revendications et le prosélytisme des transsexuels jusque dans les classes de l’école primaire publique.

Les documents

Voici l’intégralité des trois graphiques récapitulant les conférences:


Programme des manifestations de mars 2022 à l’INSPÉ de Lille

[>>>Télécharger le programme complet]

Pollen : la quinzaine culture et recherche de l’INSPÉ Lille HdF

Notre institut lance en 2022 la première édition de Pollen : la quinzaine culture et recherche de l’INSPÉ Lille HdF.

Nouveau temps fort de l’INSPÉ Lille HdF, Pollen offre un éclairage transversal sur une thématique éducative d’actualité, au cœur de la formation des enseignants et conseillers principaux d’éducation.

Partenaires associatifs, acteurs culturels et chercheurs viennent nourrir une programmation plurielle (ateliers, conférences, expositions) et adaptée aux problématiques que rencontrent ou rencontreront les professionnels de l’éducation.

Lutter contre les LGBTQIA+phobies : un enjeu d’éducation et de société

Pour la première édition de sa quinzaine culture et recherche, l’INSPÉ Lille HdF a construit un programme autour des questions de lutte contre les LGBTQIA+phobies à l’école.

L’acronyme LGBTQIA+ regroupe les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer, intersexes, asexuelles. Le «+» symbolise l’ensemble des groupes qui ne sont pas nommés au préalable.

Pourquoi lutter contre les LGBTQIA+phobies en milieu scolaire ? 

Si l’école constitue un lieu de socialisation majeur et de découverte de soi, les établissements scolaires sont malheureusement parfois touchés par le harcèlement et le rejet des jeunes LGBTQIA+.

A l’école, certains élèves comme les jeunes identifiés par leurs camarades comme gays, lesbiennes, bisexuels, transgenres, etc. (qu’ils le soient ou non), ceux qui s’écartent de la norme de genre ou encore les enfants de familles homoparentales peuvent parfois être l’objet de discrimination. Les conséquences peuvent être multiples comme le repli sur soi, l’échec scolaire, le décrochage scolaire, ou encore des pensées et comportements suicidaires. Il est donc indispensable que les personnels éducatifs soient accompagnés et formés sur ces sujets

La lutte contre l’homophobie et la transphobie fait par ailleurs partie intégrante des programmes scolaires. Le Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports rappelait en 2019 dans un guide d’accompagnement à l’usage de l’ensemble des personnels des établissements scolaires que « l’homophobie est inscrite dans les programmes d’enseignement moral et civique (…) au même titre que d’autres atteintes au respect dû à autrui : racisme, antisémitisme, sexisme, xénophobie, handicap, harcèlement, etc. » . La Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), dans son plan national d’actions pour l’égalité, contre la haine et les discriminations anti-lgbt+ 2020-2023, fait également apparaitre comme objectif prioritaire la promotion d’une école inclusive et le recul des préjugés. Enfin la circulaire du Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports du 29 septembre 2021, « pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire » émet un certain nombre de principes protégeant les droits des élèves transgenres.

Du 07 au 30 mars

Éducation et LGBTI+. Un peu d’histoire pour lutter contre les discriminations.

Exposition créée par le Musée National de l’Éducation (Munaé), en partenariat avec le Centre LGBTI Normandie , Le Refuge, l’association Laisse Bien Ta Gaieté, et soutenue par la DILCRAH

Cette exposition est disponible en version numérique enrichie sur le site internet du Réseau Canopé.

Lieu et horaires : BU d’Arras – De 8h à 18h30 du lundi au vendredi



Du 21 au 30 mars 2022

Le jeu vidéo échappe-t-il à la question du genre ?

Exposition par Julian Alvarez, professeur chercheur associé à l’INSPÉ Lille HdF (PAST)

Lieu et horaires : Site de Villeneuve d’Ascq – Hall d’accueil du bâtiment D – De 7h30 à 19h



Les 22 et 25 mars 2022

Bibliothérapie autour de livres jeunesse abordant l’homosexualité et la transidentité.

Lieu et horaires : Site INSPÉ de Villeneuve d’Ascq – Salle D0-25 (le 22/03) et salle D0-03 (le 25/03) – De 12h10 à 13h10



Le 30 mars 2022

Ouverture de la journée

Amphi B – De 9h30 à 10h
➡️ Mot d’accueil de Sébastien Jakubowski, directeur de l’INSPÉ Lille HdF, ou de sa.son représentant.e et de madame le recteur de l’académie de Lille ou sa.son représentant.e

Conférences de recherche (sur inscription)

Amphi B – De 10h à 12h30. Retransmission en direct à la BU d’Arras (salle de coworking)

La lutte contre l’homophobie à l’école primaire – Des prescriptions aux pratiques plurielles des enseignants stagiaires

par Michaël Bailleul et Sylvain Obajtek, maîtres de conférences en sciences de l’éducation et de la formation, INSPÉ Lille HdF – Université de Lille, CIREL

Nos attitudes envers l’homosexualité – Que dit la recherche en psychologie ?

par Olivier Vecho, maître de conférences en psychologie du développement, Université de Nanterre, CLIPSYD

Ateliers (sur le site INSPÉ de Villeneuve d’Ascq)



Le faire ou mourir
➡️ Lecture musicale et pistes pédagogiques autour de la représentation en partenariat avec le Théâtre Massenet. Avec Thomas Baelde, Sophie Boulanger, Benjamin Collier (représentés par La Générale d’Imaginaire)
De 13h30 à 15h – Salle communiquée ultérieurement – Ouvert à 20 personnes



Rencontre avec l’association le Refuge
De 13h30 à 15h – Salle D2–08 (bâtiment D) – Ouvert à 20 personnes



Rencontre avec SOS Homophobie
De 14h à 15h ou de 15h à 16h – Salle D2-20 (bâtiment D) – Ouvert à 20 personnes



Identité, identités : vers une société inclusive. L’exemple d’un projet mené en lycée autour des identités LGBT+.
➡️ Par Aude Fonvielle, professeure d’histoire-géographie au Lycée Faidherbe de Lille
De 14h à 15h – Salle D2-19 (bâtiment D) – Ouvert à 15 personnes



Un genre ? Quel genre ? Exemple d’un projet de sensibilisation aux LGBTphobies en Rep+. ; ou l’éducation aux médias et à l’information comme passerelle vers une citoyenneté affranchie.

➡️ Projet mis en oeuvre par Catherine Bertiaux, professeure documentaliste référente égalité filles-garçons et membre du groupe de travail égalité académique, au collège Paul Langevin de Sallaumines (Bassin Minier Lensois) entre novembre 2020 et mai 2021.
De 15h à 16h – Salle D2-19 (bâtiment D) – Ouvert à 15 personnes



Rencontre autour de la littérature jeunesse sur le sujet avec l’Affranchie Librairie
➡️ Avec Soazic Courbet, libraire de l’Affranchie Librairie
De 15h à 16h30 – Bibliothèque universitaire (bâtiment D) – Ouvert à 15 personnes



Éducation à l’image – Penser les représentations des personnes LGBTQIA+ dans les médias (photographies, séries..)
➡️ Avec l’Institut pour la photographie (pôle transmission artistique et culturelle) et Déborah Gay, postdoctorante en sciences de l’information et de la communication à l’Université Toulouse III Paul Sabatier.
De 15h à 16h30 – Salle A 003 (bâtiment A) – Ouvert à 15 personnes



Le jeu échappe-t-il à la question du genre ?
➡️ Exposition présentée par Julian Alvarez
De 17h à 18h30 – Hall d’accueil du bâtiment D



Télécharger le Guide produit pour l’occasion par les BU-INSPÉ de l’Académie de Lille

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